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pieds de Sa Majesté les très-respectueux remerciements des pairs de France. Il lui exprimera toute la douleur qu'ils ont ressentie à la lec-ture de la lettre de Marie-Antoinette et toute l'horreur qu'ils éprouvent de l'épouvantable attentat dont cette lettre rappelle le souvenir; il dira en même temps à Sa Majesté que la chambre des pairs se joint de cœur et d'âme à celle des députés dans les sentiments exprimés par cette dernière chambre relativement au crime du 21 janvier suppliant le roi de permettre que le nom de la chambre des pairs ne soit point oublié sur les monuments qui serviront à éterniser le regret. et le deuil de la France. »

OPINION

PRONONCÉE A LA CHAMBRE DES PAIRS,

LE 12 MARS 1816,

SUR LA RÉSolution de LA CHAMBRE DES DÉPUTES

RELATIVE AUX PENSIONS ECCLÉSIASTIQUES

DONT JOUISSENT LES PRÊTRES MARIÉS,

Messieurs, vous avez entendu le rapport de votre commission sur la résolution de la chambre des députés relative aux pensions ecclésiastiques dont jouissent les prêtres mariés. C'est à regret que je viens combattre ce rapport. J'aurois aimé à céder à l'autorité des hommesdistingués dont j'ai le malheur de ne pas partager l'opinion; mais dans tout sujet qui intéresse ou la conscience ou l'honneur, quand on n'est pas convaincu, il est impossible de garder le silence. J'espèredonc que mes honorables collègues me pardonneront de vous exposer des doutes que j'avois déjà soumis à la supériorité de leurs lumières. Je suivrai, messieurs, dans l'ordre de mon discours, les deux divisions admises par votre commission. J'examinerai la résolution : 1° sous le rapport des lois ou de la justice légale; 2° sous le rapport de la religion ou de la justice morale.

Pour parler d'abord du premier, sans rechercher si le sacrement de l'Ordre étoit un empêchement dirimant au mariage des prêtres dans le x siècle, j'irai droit au but, et je ne remonterai pas plus haut que l'année 1789. A cette époque les biens des églises de France furent envahis, et l'État fit au clergé des pensions et des traitements. Nous n'avons à nous occuper que de ce qui regarde les pensions.

A qui furent-elles accordées, ces pensions? Elles le furent aux archevêques, évêques, aux chanoines prébendés ou semi-prébendés, aux officiers ecclésiastiques pourvus de titres dans des chapitres supprimés; à tous autres bénéficiers, comme abbés, prieurs, etc., etc.;

aux curés qui avoient des bénéfices; aux religieux et religieuses de tous ordres.

Faisons deux grandes classes de ces ecclésiastiques pensionnés, et disons, ce qui est la vérité, que les pensions furent données aux religieux et aux religieuses, et aux prêtres bénéficiers; les organistes et autres officiers laïques sont hors de la question.

Pourquoi fit-on des pensions aux religieux et religieuses? Parce qu'ils avoient apporté des dots en entrant dans certains ordres monastiques, parce qu'on leur avoit au moins ravi une propriété commune, le toit qui les mettoit à l'abri, l'asile où ils passoient leurs jours.

Pourquoi les bénéficiers furent-ils pensionnés ? Parce qu'ils remplissoient ou étoient censés remplir des fonctions religieuses particulières; fonctions pour lesquelles ils touchoient les revenus de leurs bénéfices. En les privant de ces revenus, sans avoir eu le droit de les affranchir de leurs engagements spirituels, il parut juste de leur donner un salaire qui leur tînt lieu du revenu supprimé.

La loi supposa en outre que les bénéficiers ne vivoient que de leurs bénefices; que, ne pouvant comme prêtres embrasser une profession -civile, il falloit bien les nourrir, puisqu'on leur ôtoit tout moyen d'existence.

La preuve que ce fut là l'esprit de la loi, c'est que les prêtres qui n'avoient point de bénéfice n'eurent point de pension, parce qu'ils furent considérés comme ne remplissant aucune fonction religieuse particulière, et parce que, vivant sans le secours d'un bénéfice, ils furent censés jouir d'un patrimoine qui suffisoit à leurs besoins.

Or, messieurs, je soutiens, contre l'avis de la commission, que tout prêtre anciennement bénéficier, aujourd'hui pensionné, qui a contracté mariage, n'a plus sa part dans le contrat que la nation a passé avec les églises ; je soutiens qu'il a perdu les deux titres de sa possession.

Il a perdu le premier titre, celui en vertu duquel il recevoit une somme subrogée au revenu qu'il touchoit pour les fonctions ecclésiastiques dont il étoit chargé comme bénéficier, puisqu'en effet il a cessé de remplir ces fonctions.

Il a perdu le second titre, celui qui provenoit de son impossibilité de vivre sans bénéfice, puisque, ayant renoncé à son caractère de prêtre, il a recouvré la faculté de gagner sa vie par une profession civile.

Votre commission me répond, messieurs, que la pension n'a point été faite pour l'acquittement d'une fonction; que cette pension est individuelle et indépendante de toute considération étrangère. Si le prêtre a manqué à ses devoirs religieux, la loi civile ne peut connoître de ce délit. Elle ne voit qu'un fait un prêtre a reçu une pension du

gouvernement: que ce prêtre soit devenu l'homme le plus méprisable du monde, n'importe, il est toujours le créancier de l'État.

Cette réponse, messieurs, ne me semble pas péremptoire : en mettant en avant un principe, on en oublie un autre, pour le moins aussi sacré.

Un contrat entre deux parties est toujours synallagmatique lorsque le contraire n'est pas déclaré par une clause précise. De plus, un contrat entre deux parties est fait d'après des conditions expresses ou tacites expresses, il n'y a pas matière à discussion; tacites, elles sont sujettes à être interprétées.

Si dans le contrat bilatéral une des parties manque à ses engagements, l'autre partie est nécessairement déliée de ses obligations. Or, j'espère prouver dans un moment que le prêtre bénéficier marié a manqué à ses engagements, quoiqu'on ait essayé d'établir le contraire. Dans le contrat passé entre l'État et les églises les conditions tacites sont d'une extrême évidence; elles sont même expresses, ainsi que je le montrerai bientôt, mais je veux bien dans ce moment ne les considérer que comme tacites. L'intention des deux parties contractantes a nécessairement été que les pensions et les traitements du clergé fussent départis selon l'esprit et les principes de l'administration ecclésiastique; car l'État en prenant les biens de l'Église n'a pu pré'endre changer la destination de ces biens, représentés par les traitements et les pensions qui les ont remplacés. Ces traitements et ces pensions doivent donc toujours former ces trois parts si connues, savoir les frais du culte, le soulagement des pauvres, l'entretien des desservants de l'autel.

:

On dira peut-être que cette supposition probable est pourtant gratuite de ma part. Non, messieurs, et je l'appuie sur un témoignage irrécusable ce témoignage sera celui-là même dont votre commission s'est servie pour établir une opinion contraire à la mienne. Qui connoîtra l'esprit de la loi, si ce ne sont les législateurs qui l'ont faite? Or, écoutez Mirabeau; il suffira seul : « Qu'il soit déclaré, » dit-il dans la fameuse séance du 2 novembre 1789, « que tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir d'une manière convenable aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres. »

Cette opinion passa à la majorité de cinq cent soixante-huit voix contre cinq cent quarante-six.

Voilà donc, messieurs, le principe bien reconnu dans le contrat primitif. Il est donc clair que les pensions ont été faites aux bénéficiers aux mêmes titres qu'ils recevoient les revenus de leurs bénéfices. Si

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vous supposiez qu'il y a quelque chose de personnel et d'individuel dans la pension, il faudroit reconnoître que les membres du clergé étoient propriétaires, principe que vous n'admettez pas. Lorsqu'un abbé avoit autrefois résigné son bénéfice, il n'en retiroit plus rien, parce qu'il ne remplissoit plus les fonctions qui le faisoient jouir de ce bénéfice d'où l'on doit conclure que si un prêtre bénéficier s'est marié, en se débarrassant de ses obligations religieuses, il a résigné de fait la pension qui représentoit les émoluments de ses charges ecclésiastiques. Les canons sont d'accord avec cette doctrine un prêtre bénéficier qui se fût marié, outre les autres châtiments, eût encore été privé de ses bénéfices : il doit donc perdre aujourd'hui en se mariant la pension subrogée à ses bénéfices. Ce sont tellement là les notions du sens commun, que même pendant la terreur les autorités locales vouloient retenir les pensions ecclésiastiques des prêtres mariés : votre commission vous a rappelé ce fait curieux.

Pressé de toutes parts par les principes, on croit y échapper en disant : « On pouvoit peut-être admettre ce que vous soutenez avant la promulgation de la loi qui autorise le mariage des prêtres : mais après la publication de cette loi vous n'avez plus aucun droit de dépouiller les prêtres mariés, puisqu'ils n'ont fait qu'user d'une faculté que vous leur avez donnée. »

Loin d'être contre moi, cet argument est en ma faveur. On a permis aux prêtres d'opter entre la prêtrise et le mariage; ils ont choisi le dernier : donc on ne leur doit plus la pension qui leur étoit accordée en partie sur ce fondement que la loi primitive, les renfermant dans leur profession religieuse, les privoit de tout moyen d'exister par une profession civile.

On dit encore (et en vérité je ne puis me défendre d'une certaine honte en agitant cette question), on dit que la femme du prêtre n'a peut-être épousé ce prêtre que parce qu'il avoit une pension; qu'ellea contracté de bonne foi, que des enfants sont survenus, etc.

Des enfants! Messieurs, pardonnez tout ceci, c'est bien malgré moi que j'en parle; mais dans la thèse que je soutiens je suis obligé de prévoir les objections. J'ai lieu de craindre qu'on ne m'oppose cellesque je viens d'indiquer, car elles m'ont déjà été faites: j'accours donc au poste où mon expérience m'a appris que je pourrois être attaqué.

Eh bien, messieurs, les femmes, les enfants des prêtres ont donc des droits aux pensions de leurs maris et de leurs pères? Peut-on manquer de foi à ces innocentes familles? Non, il ne faut manquer de foi à personne; mais on ne doit rien aux femmes et aux enfants

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