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cris séditieux n'a-t-elle été faite que contre les royalistes? Les lâches calomniateurs de nos princes et de leurs vertus ont-ils le privilége de l'injure, quand les victimes de la fidélité et de l'honneur n'ont pas celui de la plainte?

On a demandé quel étoit le but de ma proposition, puisque je reconnoissois que les élections étoient valides.

Je ne conçois pas, moi, qu'on ait pu faire une pareille question. Parce que les élections sont valides, s'ensuit-il qu'on n'ait pas voulu les corrompre? En matière criminelle, un homme est-il innocent parce qu'il n'a pas pu consommer le crime qu'il avoit tenté de commettre? Mais s'il y a eu commencement de crime politique, pouvois-je, comme pair de France, devenir accusateur? Non. Aussi n'ai-je pas demandé à la chambre de porter une accusation contre tels ou tels individus, mais de présenter une humble adresse au roi, pour le supplier de faire examiner ce qui s'étoit passé aux dernières élections, afin d'en ordonner ensuite selon sa justice. Je n'avois d'autre dessein en agissant de la sorte que de fixer l'attention de la chambre des pairs sur des délits qui attaquent la Charte par ses fondements; que de dénoncer ces délits à l'opinion publique, et d'empêcher ainsi qu'ils se renouvellent à l'avenir. Dans un gouvernement représentatif, il s'agit bien moins de jugements légaux que de jugements prononcés par l'opinion. Toute proposition qui peut arrêter un mal, dût-elle être repoussée, doit être faite celui qui l'a faite dans cet esprit a atteint son but et rempli son devoir'.

1. Voyez les Pièces justificatives, à la fin des Opinions et Discours.

OPINION

SUR LE

PROJET DE LOI RELATIF AUX JOURNAUX,

PRONONCÉE

A LA CHAMBRE DES PAIRS, SÉANCE DU 22 FÉVRIER 1817.

Messieurs, si l'on veut se former une idée juste du projet de loi maintenant soumis à votre examen, il ne faut jamais perdre de vue la nature de notre gouvernement. On a signalé les dangers et les abus de la liberté de la presse, considérée par rapport aux papiers publics (dangers et abus que personne ne conteste); mais on ne s'est point enquis si un gouvernement représentatif pouvoit marcher sans cette liberté; si l'asservissement des journaux ne détruisoit pas l'équilibre de la balance constitutionnelle, et si les maux que produit cet asservissement ne sont pas plus grands que ceux qui adviendroient de la liberté des journaux. Cependant, messieurs, la forme du gouvernement ne peut être oubliée dans cette matière. Les raisonnements sur la liberté des journaux seroient-ils les mêmes pour des gazettes qui paraîtroient sous un gouvernement despotique et pour des gazettes imprimées sous une monarchie constitutionnelle? Des journaux libres à Constantinople pourroient renverser la constitution, des journaux esclaves à Paris pourroient anéantir la Charte : dans ces deux cas, si divers, nous servirons-nous d'arguments semblables pour abolir ou pour conserver la censure!

On se place ensuite sur un terrain où l'on n'est point appelé à combattre on raisonne comme si nous demandions la liberté illimitée et non pas la liberté légale des journaux; on se récrie contre le mal que nous ont fait les papiers publics, et l'on ne remarque pas qu'ils étoient dans une position différente de celle où nous voudrions les placer. Il y a toujours eu en France depuis la révolution oppression des jour

VIII.

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naux; et ce qu'il y a de remarquable, c'étoit cette oppression qui produisoit leur licence. Nous voulons que la presse soit sous l'empire d'une loi, et non dans la dépendance d'un homme.

Cette loi que nous demandons est-elle donc si difficile à faire? Je ne le crois pas. Cautionnement considérable donné par le journaliste; jury spécial pour connaître des délits de la presse, et prononçant sur la question intentionnelle (seul moyen d'atteindre la calomnie); amendes ruineuses pour les auteurs et pour les libraires; peine de prison, peines infamantes pour toute calomnie d'une certaine nature (car quiconque cherche à déshonorer doit être déshonoré); voilà tout le fond de la loi. On pourroit la compléter en empruntant quelque chose de la loi romaine, de Libellis famosis, et en consultant la jurisprudence angloise. Celle-ci range dans la classe des libelles la louange ironique, l'injure cachée sous des lettres initiales, la caricature, l'allégorie malicieuse et l'imitation bouffonne.

Mais si vous n'avez pas une loi, messieurs, du moins faudroit-il que la censure reposât sur des bases légales. Or, une loi peut-elle être renfermée dans un article aussi vague que celui-ci : Les journaux et écrits périodiques ne pourront paroître qu'avec l'autorisation du roi? Quel vaste champ cet article ne laisse-t-il pas à l'arbitraire? Aussi comment l'a-t-on interprété? Voici, messieurs, tout ce qu'il veut dire:

On peut suspendre ou supprimer un journal sans faire juger le journaliste, et l'on viole ainsi l'article 62 de la Charte, qui porte que nul ne pourra être distrait de ses juges naturels. Il y a ici double abus, car le journal est soumis à la censure: dans ce cas, il faut convenir que la censure est une illusion, ou que la suppression du journal après le visa du censeur est une injustice.

On peut ruiner ainsi arbitrairement des propriétaires, des libraires et des imprimeurs.

On peut arrêter le journal à la poste et l'empêcher de partir, quoiqu'il ait circulé dans Paris; sorte d'abus auquel s'appliquent les dispositions d'une loi faite par nos assemblées législatives et qui n'a pas été révoquée.

On peut non-seulement par la censure retrancher ce que l'on veut du texte d'un journal, mais on peut encore y ajouter ce que l'on veut. On peut forcer un journaliste à insérer des articles en opposition directe avec ses principes.

On peut enfin mettre des impôts arbitraires sur les journaux. Une ordonnance du 1er avril 1816 fixe un impôt d'un centime et demi par feuille de journal tiré à plus de cinq mille exemplaires. Cependant l'article 48 de la Charte déclare expressément qu'aucun

impôt ne peut être établi ni perçu s'il n'a été consenti par les deux chambres et sanctionné par le roi.

Savez-vous, messieurs, à combien se monte cette taxe illégale sur les journaux de Paris et sur ceux des départements? Elle a passé cette année 500,000 francs. On nous dit que cette taxe est sacrée ; qu'elle sert à faire des pensions aux gens de lettres. On ne sauroit trop récompenser le mérite; mais les 500,000 francs sont-ils tous répartis entre des gens de lettres? Toutefois, messieurs, en m'élevant contre les taxes arbitraires imposées sur les journaux, à Dieu ne plaise que je blâme l'usage qu'on en fait, si le produit de ces taxes sert réellement à encourager la science! J'ai trop d'obligation aux lettres pour ne pas voir avec plaisir tout ce qui peut contribuer à leur gloire : il faudroit que je fusse bien ingrat pour renier ces compagnes de mes infortunes, qui deux fois m'ont suivi dans le double exil où j'avois suivi mon roi; qui, lorsque j'avois tout perdu, ont été la consolation de ma vie, et qui m'ont fait pardonner à tant d'ennemis, en me faisant oublier leurs injustices.

Pour justifier les procédés illégaux employés pour la censure, on fait un grand raisonnement: un journal, dit-on, n'existe qu'en vertu d'un privilége. Le gouvernement peut donc retirer ce privilége quand il lui plaît, et conséquemment supprimer le journal, ou maintenir le privilége en vertu de telles conditions que le journaliste s'engage à remplir.

Cela pouvoit être vrai sous le gouvernement de Buonaparte; mais dans notre nouvelle constitution un journal n'existe point en vertu d'un privilége; il existe par la toute-puissance de l'article 7 de la Charte, qui dit: Les François ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions.

De plus, un journal est une propriété, comme toute propriété industrielle la preuve s'en trouve même dans l'énoncé de la loi que nous examinons. Cette loi n'est que temporaire; au bout d'un an, si elle n'est pas renouvelée, le journal paroîtra sans autorisation: donc il 'existe par lui-même, donc aucun privilége n'est la source de son existence. La Charte garantit cette propriété, comme toute autre propriété, par l'article 9, qui déclare que toutes les propriétés sont inviolables. Partout où il y a liberté, la propriété des journaux n'est pas contestée: les journaux sont des propriétés en Amérique, en Angleterre, dans les Pays-Bas, et dans les villes libres de l'Allemagne. Et n'est-il pas singulier que parmi nous, sous l'empire d'une constitution libre, on veuille créer une espèce de classe hors de la loi commune qui protège lesautres citoyens? Telle est cependant la con dition des journalistes:

or viole envers eux quatre articles de la Charte; sous la censure, tout recours aux tribunaux leur est interdit: on peut les dépouiller, les obliger à se soumettre aux caprices d'une tyrannie obscure et fiscale, les taxer arbitrairement, les faire servir d'instrument à des partis qu'ils détestent, ou à des passions qu'ils ne partagent pas.

J'ai dit, messieurs, au commencement de ce discours, qu'il falloit, lorsqu'on raisonne sur la censure, prendre surtout en considération la nature de la constitution établie. Voyez donc ce que cette censure produit dans un État libre, tant par rapport à l'État lui-même que par rapport aux particuliers.

Je pose en fait :

1o Que la censure attaque le gouvernement représentatif dans sa

source;

2o Qu'elle ne met point à l'abri l'honneur des particuliers, comme on veut nous le persuader.

Quant au premier article, messieurs, qu'il me soit permis de répéter ici ce que j'ai dit ailleurs :

«Point de gouvernement représentatif sans la liberté de la presse. << Dans un gouvernement représentatif il y a deux tribunaux : celui des chambres, où les intérêts particuliers de la nation sont jugés; celui de la nation elle-même, qui juge en dehors les deux chambres.

<< Dans les discussions qui s'élèvent nécessairement entre le ministère et les chambres, comment le public connoîtra-t-il la vérité, si les journaux sont sous la censure du ministère, c'est-à-dire sous l'influence d'une des parties intéressées? Comment le ministère et les chambres connoîtront-ils l'opinion publique, qui fait la volonté générale, si cette opinion ne peut librement s'exprimer?

» Il faut, dans une monarchie constitutionnelle, que le pouvoir des chambres et celui du ministère soient en harmonie. Or, si vous livrez la presse au ministère, vous donnez à celui-ci le moyen de faire pencher de son côté tout le poids de l'opinion publique, et de se servir de cette opinion contre les chambres: la constitution est en péril. >>

Voilà les principes, messieurs; en voici les développements:

Dans un gouvernement représentatif, les chambres législatives ne peuvent être éclairées que par l'opinion: si l'on crée autour d'elles une opinion factice, si elles ne connoissent pas, par l'opinion réelle ou par le choc des opinions opposées le véritable état de la France, comment. se détermineront-elles pour ou contre les lois, pour ou contre les mesures que l'on viendra leur proposer?

Le même raisonnement s'applique à ce qui se passe hors de France. Est-ce qu'il n'importe pas aux chambres d'être instruites, autant que

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