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recrutement, et comment celui-ci peut augmenter à son tour l'embarras de notre position.

Nous ne pouvons plus nous le dissimuler, messieurs, si les bons François, les amis du trône, de l'ordre, de la paix, veulent prévenir les dangers de la patrie, il est temps qu'ils se réunissent. Tout se détériore autour de nous : l'esprit fatal qui a produit nos malheurs renaît de toutes parts, on rappelle les questions vaines, on ressuscite le langage et les erreurs de l'anarchie; les mots avec lesquels on a dépouillé, égorgé les propriétaires et conduit Louis XVI au supplice se font entendre de nouveau. Nous semblons retourner sur nos pas et reprendre le chemin des abîmes.

On nous console par l'espoir de voir bientôt les étrangers quitter nos frontières. Ah, sans doute, quiconque a une goutte de sang françois dans les veines, quiconque est sensible à l'honneur, doit désirer de toute la force de son âme, doit être prêt à acheter, par tous les sacrifices, l'affranchissement de son pays. Nos cœurs palpiteront de joie quand le drapeau blanc flottera seul sur toutes les cités de la France! Mais, rendus au premier des biens pour un peuple, à un bien sans lequel il n'y en a point d'autres, à la dignité de notre indépendance, nous n'en aurions pas moins à guérir les plaies qu'un faux système nous a faites. Tâchons, messieurs, que la loi qu'on nous présente aujourd'hui ne vienne pas augmenter les difficultés de l'avenir.

La chambre des pairs est par sa nature spécialement chargée de défendre la prérogative royale : c'est une digue élevée pour arrêter la multitude au pied du trône; c'est contre cette digue que doivent venir se briser les efforts de la démocratie. On ne peut affoiblir la couronne sans affoiblir la pairie, qui prend sa source et sa puissance dans la couronne. La pairie constitutionnelle n'a point encore en France l'ancienneté de l'existence, la grande propriété, les honneurs nécessaires à l'affermissement de son institution : c'est donc de nous-mêmes que nous devons tirer aujourd'hui toute notre force; c'est par notre sagesse que nous devons suppléer à cette autorité qui vient du temps et qui s'attache aux antiques monuments des hommes.

De votre opinion, messieurs, dépend peut-être en ce moment le sort de la France; vous allez disposer des générations futures. La monarchie est pour ainsi dire en jugement devant vous. Au nom de vos enfants, séparez bien vos intérêts réels et ceux de la patrie de vos penchants particuliers. Un vote funeste est bientôt donné, et quand on en voit les résultats, on les déplore toute sa vie. Inutiles regrets! dans l'ordre des choses humaines, un repentir ne rend pas ce qu'une faute a fait perdre.

Je vote, nessieurs, pour l'amendement que votre commission propose de faire à l'article 24, titre iv, du projet de loi.

Je vote pour le rejet du titre vi, parce qu'il viole l'article 14 de la Charte, parce qu'il attaque la prértive royale, parce qu'il n'a aucun rapport au recrutement et qu'il offre une loi à la suite d'une loi.

DISCOURS

SJR UNE

PROPOSITION DE M. LE COMTE DE CASTELLANE

TENDANT A SUPPLIER SA MAJESTÉ DE PROPOSER UNE LOI PORTANT RÉVOCATION DE CELLE DU 9 NOVEMBRE 1815, SUR LES CRIS ET ÉCRITS SÉDITIEUX.

MARS 4849.

Messieurs', si la loi des cris et écrits séditieux rappelle une époque mémorable pour la France, me sera-t-il permis de dire qu'elle réveille en moi des souvenirs honorables et pénibles: honorables, parce que c'est à propos de cette loi que j'ai paru pour la première fois à cette tribune; pénibles, parce que c'est aussi à propos de cette même loi que j'ai eu le malheur de me trouver pour la première fois en opposition avec les ministres de Sa Majesté? Le temps n'ayant point changé mon opinion, il est tout naturel que je vienne aujourd'hui soutenir la proposition qu'un noble comte vous a faite.

Le rapporteur de votre commission 2 a déduit, avec autant de talent que de clarté, les raisons générales qui motivent la demande de l'abrogation de la loi sur les cris et écrits séditieux. Je me contenterai donc

1. M. le comte de Castellane avoit fait à la chambre des pairs une proposition tendant à supplier Sa Majesté de proposer une loi portant révocation de celle du 9 novembre 1815, sur les cris et écrits séditieux. La chambre des pairs, dans sa séance du 23 mars 1819, ajourna la discussion de la proposition de M. le comte de Castellane. Voici le discours que j'avois préparé sur cette matière, et qui ne put être prononcé en raison de l'ajournement *.

2. J'étois membre de cette commission.

Extrait du Conservateur.

de vous montrer par quelques détails la nécessité de faire cesser le plus tôt possible les effets de cette loi d'exception.

Dans les six derniers mois de 1816, cent vingt jours d'audience, à Paris, ont produit cent trente-sept jugements en police correctionnelle, la plupart rendus en vertu de l'article 8 de la loi des cris séditieux, article qui établit ce que dans l'examen de cette loi j'avois appelé une sorte de crime de gazette. Les personnages condamnés sont des marchands de vin, des paysans, des maçons, des porteurs d'eau, des domestiques, des ferblantiers, des cochers, des perruquiers, des cordonniers. Le 3 juillet 1816, Bouquier, fileur, débite dans la boutique d'un épicier de fausses nouvelles : six mois d'emprisonnement, trois. ans de surveillance, 50 francs d'amende, 200 francs de cautionnement punissent son indiscrétion. Manguier, menuisier, tient des propos équivoques : il est condamné à dix mois de prison et à deux ans de surveillance. Un nommé Renaud, dans un état d'ivresse, la femme Sénéchal, pareillement prise de vin, une marchande de vieux souliers, une fille publique, alarment les citoyens sur le maintien de l'autorité royale; et toujours six, dix et treize mois de prison, plusieurs années de surveillance, des amendes et des cautionnements viennent punir ces commérages, qui sont souvent la seule distraction et la seule consolation de la misère.

Il faudroit gémir, messieurs, sur la foiblesse de nos nouvelles institutions, si elles pouvoient être renversées par de pareils délits. Si l'on punissoit d'ailleurs tous ceux qui répandent de fausses nouvelles, on n'en finiroit pas. Dans tous les temps et dans tous les rangs de la société, il s'est trouvé bien des coupables de cette espèce. Lorsque le duc de Mayenne fut battu à Arques et ensuite à Ivry, il fit publier dans Paris que le Béarnois avoit été pris ou tué. On broda dans la rue des Lombards de faux étendards royaux, que l'on montra comme des trophées à la populace: ces nouvelles ne nuisirent point à la cause du héros légitime. Vous avez entendu naguère à cette tribune un ministre vous annoncer une agitation qui marchoit dans les départements; un autre noble pair vous a parlé de cocardes vertes et d'un grand royaume s'établissant incognito dans la petite Bretagne : si je ne me trompe, ce sont là des nouvelles tendantes à alarmer les citoyens, cas prévu par ce fameux article 8 qui établit le crime de gazette. J'espère donc que mes nobles collègues se joindront à moi, dans l'intérêt de leur sûreté personnelle, pour demander l'abrogation de la loi des cris séditieux. L'article 9, principalement relatif à la provocation indirecte, est tout à fait intolérable : « Sont encore déclarés séditieux, dit cet article, les discours et écrits mentionnés dans l'article 5 de la présente loi,

soit qu'ils ne contiennent que des provocations indirectes, soit qu'ils donnent à croire que les délits de cette nature seront commis. >> Voilà, messieurs, comme j'eus l'honneur de vous le dire en 1815, de quoi punir une pensée, une parole, un soupir.

Ce sont des définitions aussi vagues qui ont produit les arrêts divers dont la France a retenti. Je vais vous montrer, par des exemples, quelles conclusions opposées, quelles sentences contradictoires peuvent donner les avocats les plus instruits, peuvent porter les juges les plus intègres, lorsque la loi, ne spécifiant pas le délit, abandonne le magistrat à la foiblesse de la raison humaine.

Lorsque, le 2 mai 1818, le tribunal de police correctionnelle eut condamné l'auteur d'un écrit remarquable, et que cette sentence eut été confirmée le 30 juin de la même année, le ministère public s'exprima de la sorte: « Nous regrettons, dit-il, que la loi ne nous accorde pas le pouvoir discrétionnaire, qui nous eût permis, selon les circonstances, de réduire cette peine à une modique amende, ou même à la simple suppression de l'ouvrage. Au moyen de cette loyale modification (continue le ministère public en s'adressant aux juges), vous ne seriez pas aujourd'hui dans l'alternative de condamner à trois mois de prison et à 50 francs d'amende un homme que la nature de son caractère et de ses opinions sembloit devoir préserver d'une pareille condamnation, ou d'absoudre son écrit, qui est réprouvé par une loi que vous devez appliquer, parce que c'est une loi et que vous êtes magistrats. >>

Tel fut, messieurs, le jugement prononcé, et tels furent les motifs de ce jugement. Or, maintenant, écoutez bien ceci : le même 30 juin 1818 fut commencée à la police correctionnelle l'affaire relative à la gravure intitulée L'Enfant du Régiment. L'avocat de l'accusé, après avoir écarté de son client toute intention volontaire d'avoir fait allusion au fils de l'usurpateur, convint que la gravure, innocente en elle-même, pouvoit cependant présenter quelques dangers. Il consentit, au nom de son client, à ce que la gravure fût détruite. D'après cette offre, le ministère public, qui avoit conclu contre le graveur à trois mois de prison et à 200 francs d'amende, s'en rapporta à la discrétion des juges. Le tribunal ordonna la suppression de la planche ainsi que des exemplaires saisis, et renvoya de la plainte tous les pré

venus.

Vous voyez ici clairement, messieurs, la difficulté d'expliquer la provocation indirecte; le ministère public l'a reconnue, et ne l'a pas reconnue le même jour dans les deux cas d'un écrit et d'une gravure. Il regrette, d'un côté, de ne pouvoir pas demander la simple suppres

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