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L'abîme appelle l'abîme : le mal qu'on a fait oblige à faire un nouveau mal; on soutient par amour-propre les ignorances où l'on est tombé par défaut de lumière. C'est ainsi que le ministère, pour justifier la folie de son système, s'est créé un fantôme menaçant, une France républicaine et impériale à laquelle il sacrifie tout. A force de constance dans l'erreur, il veut réaliser la chimère de sa foiblesse; plus il fait croître la révolution autour de lui, plus il s'enfonce dans cette révolution pour trouver un abri dans des ruines : il n'est aucun moyen de l'éclairer, car il est aveugle. De toutes les nécessités à subir, l'incapacité est la plus insupportable; mais elle n'en est pas moins une invincible nécessité, et elle renverse les empires tout aussi sûrement que la violence.

Si les royalistes séparoient leur cause de celle de la monarchie, ils pourroient triompher plus justement que les ministres. Leur amourpropre et leurs intérêts personnels ont été parfaitement satisfaits par le résultat des dernières élections; et quant à leur opinion touchant la loi, elle est aujourd'hui pleinement justifiée.

Sous le premier rapport, ils ont perdu quelques députés, il est vrai ; mais comment? Parce que la loi est toute antimonarchique et antipopulaire; parce qu'elle a mis les royalistes en coupe réglée, comme l'a révélé candidement le journal ministériel; parce que le ministère, toujours si puissant en France quand il est armé du nom sacré du roi, s'est jeté du côté démocratique, et que les royalistes ont eu contre eux le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, le gouvernement et la loi.

Enfin, une cause non moins puissante s'est opposée au succès des royalistes il est maintenant démontré que cette loi si populaire, que cette élection directe qui devoit attirer la foule, laisse plusieurs colléges électoraux à moitié vides. Un tiers des électeurs a manqué presque partout.

Les électeurs manquants sont pour la plupart des habitants des campagnes, dans la classe desquels se trouvent les royalistes. Les choix ont été livrés à la minorité des électeurs, minorité qui sort des petites villes et du chef-lieu des départements.

Parmi les royalistes qui ne se rendent point à leurs collèges, les uns sont des hommes ardents, qui, fatigués de tant d'injustices et d'outrages, renoncent à tout, jusqu'au moment où il faudra tirer l'épée pour le roi; les autres sont des hommes froids ou timides, que la politique laisse indifférents ou qui craignent les persécutions.

Non-seulement les dernières élections ne prouvent pas la foiblesse du parti royaliste, mais elles en démontrent invinciblement la

force'. Rassemblez les faits : voyez les royalistes obligés de lutter à la fois contre la loi, contre le ministère, contre les agents de ce ministère, contre tous les pouvoirs qu'un gouvernement peut toujours employer; voyez-les lutter encore contre une faction rendue puissante par la protection qu'on lui accorde, contre l'argent, les menées, les intrigues révolutionnaires, contre le comité directeur et les affiliations libérales; voyez le parti monarchique calomnié, découragé, sacrifié, sans moyen de s'entendre et de se réunir; voyez-le s'éloigner des élections, ou par dégoût ou par la crainte d'attirer sur lui de nouveaux orages, de nouvelles persécutions ministérielles et libérales : eh bien, malgré tous ces obstacles (sous lesquels il n'y a presque point de parti qui ne succombât) les royalistes ont encore formé le tiers des électeurs présents dans les différents colléges. Comptez les chiffres; c'est ici de l'arithmétique : il n'y a point d'illusion dans les nombres.

Maintenant, supposez un ministère impartial, qui sans favoriser les royalistes ne les repoussât cependant pas et n'encourageât pas la faction révolutionnaire; un ministère qui ne mît pas tous ses soins à écarter les hommes monarchiques : nous demandons si les royalistes qui composent de fait les deux cinquièmes des électeurs ne viendroient pas tous à leurs colléges et ne balanceroient pas puissamment les choix révolutionnaires?

Jusque ici on a vécu dans un état contre nature. Est-il rien de plus étrange qu'un ministère royal favorisant la démocratie, cherchant des appuis là où il ne peut en trouver, prétendant faire une population monarchique d'un petit nombre de révolutionnaires, tandis qu'il a à sa disposition une nation tout entière de royalistes? C'est vouloir amener péniblement quelques gouttes d'eau sur une montagne aride, tandis que des fleuves abondants coulent et passent à vos pieds.

Les royalistes, toujours justes, toujours conséquents, tout en étant bien persuadés qu'avec un bon ministère ils triompheroient aux élections, n'en concluent rien néanmoins en faveur de la loi. Ils rejettent une loi qui ne porte pas en elle-même sa propre vertu; une loi qui, au lieu de représenter des masses, n'appelle que des individualités, qui ne classe aucun intérêt général, et qui par cette raison est essentiellement destructive du gouvernement royal.

Nous savons que ceux qui parlent aujourd'hui des royalistes comme on en parlait à la Convention n'ont pas commis les excès de nos

1. Le journal La Renommée dit très-justement : « Les constitutionnels ont augmenté leur armée; les ultras ont conservé leurs positions; et les ministériels?... intelligenti pauca. »

anciens révolutionnaires. Non, sans doute : il y a des hommes qui sont restés purs aux yeux de la justice, parce qu'ils ont été trop lâches pour exécuter les forfaits dont ils nourrissoient le désir; mais la justice divine les verra d'un autre œil; le crime du cœur de ces hommes, pesé dans la balance éternelle, s'augmentera de tout le poids de leur infâme innocence.

C'est grand pitié, en de si grandes circonstances, d'entendre de prétendus politiques, qui craignent d'avoir peur de leur peur, vous dire pour se rassurer : « Je vous proteste que ces députés ne sont pas tels qu'on se l'imagine: celui-ci a des idées monarchiques; celui-là est facile à ramener. » Grand Dieu! et c'est une loi que vous pouviez corriger l'année dernière sans trouble, sans effort, en adoptant la proposition d'un noble et respectable pair; c'est une pareille loi qui vous oblige de calculer en tremblant si un homme est meilleur ou pire que sa renommée! Vous vous suspendez à la moindre espérance; et pour peu que vos dédaigneux amis vous permettent de vivre un ou deux jours de plus, vous êtes prêts à leur dire : Ave...... morituri te salutant.

Tous ces hommes des Cent Jours qui vont se trouver dans la chambre des députés peuvent être individuellement des gens de talent, des citoyens estimables; mais vous ne prétendez pas sans doute qu'ils soient brûlés du zèle de la légitimité. Qu'ils inclinent à la république ou à la monarchie, ils n'en ont pas moins proscrit les fils de saint Louis. Le gouvernement de fait est leur doctrine avérée. Ainsi, admettons qu'ils servent la race royale tant que cette auguste race possé dera l'empire; mais n'est-il pas à craindre qu'ils ne l'abandonnent le jour où d'autres maîtres se trouveroient momentanément investis de la puissance?

Des ministériels se réjouissent au bruit assez répandu qu'un juge de Louis XVI, satisfait de son triomphe, renonce à sa nomination. D'autres prétendent qu'on a écrit à ce député la lettre la plus polie, pour l'inviter à donner sa démission, lui promettant la récompense du sacrifice. Il ne manqueroit plus aux ministres que de devoir leur existence politique au mépris et à la pitié d'un prêtre régicide.

Ce député prêta serment à Louis XVI. A-t-il tenu ce serment? Tiendra-t-il celui qu'il fera à Louis XVIII? Comment se lèvera-t-il dans la chambre des députés? Comment prononcera-t-il entre les mains royales ces trois mots : Je le jure? Le premier il a provoqué la mise en accusation du juste couronné; il a sollicité le premier l'abolition de la monarchie. Peut-il sans manquer à ses principes reconnoître pour roi le frère de celui dont il demanda et obtint la tête?

Mais n'accusons point le député : accusons le ministère et sa loi;

accusons cet esprit de vertige et d'erreur qui poussa des hommes influents à donner à Louis XVIII Fouché pour ministre. C'est l'ordre de choses établi qui ramène le député de la Convention dans sa sphèrenaturelle. Si l'on n'eût pas reproduit ses opinions, il fût resté isolé dans le monde, jouissant des qualités privées ou des talents que le ciel a pu lui départir. Vous n'étiez plus son juge depuis que la Charte lui a pardonné. En le laissant à l'écart, en ne le tirant pas de son obscurité, par la force et le résultat inévitable de vos systèmes, il eût passé en paix le reste de ses jours, si la paix peut être dans sa conscience nul n'auroit eu le droit de scruter et tourmenter sa vie. On prétend que ce député, revêtu d'un caractère sacré, offre chaque matin l'hostie sans tache de la même main dont il immola son roi ; puisset-il être racheté par le double sacrifice, par le mérite de ce sang répandu sur la croix et sur l'échafaud!

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Ce qui s'est passé au renouvellement de la troisième série a pleinement justifié les royalistes et condamné sans retour la loi des élections. Dans le cours de trois années, cette loi a conduit à la chambre des députés les hommes qui ont amené Louis XVI prisonnier à Paris et les hommes qui ont mis à mort ce roi martyr. Elle a de plus choisi avec affectation les signataires de l'acte qui condamnoit au bannissement perpétuel le monarque régnant et son auguste famille. De sorte qu'il s'est trouvé des affinités singulières avec la Convention et la chambre des Cent Jours, avec la vieille et la nouvelle félonie, avec nos deux espèces de régicides, ceux qui ont tué Louis XVI et ceux qui ont proscrit Louis XVIII: elle nous a rapprochés de la république et de l'empire; elle nous a donné des conventionnels et des serviteurs de Buonaparte. Voilà la loi telle que les ministres nous l'ont faite.

Certes, les royalistes ne réclament aucune part dans ces triomphes de la loi, dans ces succès du système. Que les ministres se réjouissent, nous leur prédisons que leur joie sera courte.

Quant à nous, nous ne craignons rien. Nos principes sont ceux de la religion, de l'ordre et de la justice : tôt ou tard nous triompherons avec ces principes. La vérité renversera toujours l'édifice de l'erreur et du mensonge. Partout où le paganisme avoit placé ses faux dieux, le ciel envoya un destructeur; chaque temple païen vit un barbare armé à ses portes. La Providence n'arrêta la torche et le levier que quand la race infidèle fut changée : alors une croix s'éleva sur les monuments, et tout fut dit. Cette Providence, espérons-le, ne laissera pas périr le trône de saint Louis. Les lis, enracinés dans leur sol natal, viennent de porter un nouveau rejeton: Louise-Marie-Thérèse d'Artois, MADEMOISELLE, précède ses frères; elle vient, sous un nom.

chéri, nous annoncer des rois. La France est aujourd'hui fière de ses princesses, et montre avec orgueil à l'Europe l'héroïne du Temple.

Paris, le 15 octobre 1819.

Il est certain que M. le ministre de l'intérieur s'est fait présenter un rapport sur l'état de la liberté de la presse en France, et il est encore certain que la conclusion du rapport est peu favorable à cette liberté.

Les mesures que l'on vient de prendre en Allemagne raniment l'espérance de ceux qui voudroient nous ramener à la censure. Que les journaux ministériels disent aujourd'hui qu'on ne la rétablira pas, cela ne prouve rien dans le langage de nos hommes d'État, on sait ce que signifie jamais. D'ailleurs, le ministère est obsédé par les anciens agents de police. Ces ennemis du gouvernement représentatif ne cessent de regretter le bon temps de l'arbitraire impérial; ils craignent toujours qu'on n'aille déterrer quelques-unes de leurs lâchetés. La Charte leur est odieuse, la liberté de la presse leur semble un véritable fléau, puisqu'elle peut tôt ou tard les chasser des affaires : or, ils ont beau être flétris dans l'opinion, ils n'en tiennent pas moins aux emplois : il y a des hommes publics pour lesquels le mépris est une espèce d'aimant qui les attache à leurs places. Posons quelques principes, rappelons quelques faits pour nous mettre en garde contre toute surprise.

Point de gouvernement constitutionnel sans liberté de la presse : nous l'avons dit et répété dans tous nos écrits; nous croyons l'avoir prouvé '.

Qu'on s'explique : si l'on compte brûler la Charte, rien de plus conséquent que de supprimer la liberté de la presse; mais si l'on prétend nous laisser l'une et nous ravir l'autre, c'est une absurdité.

On a vu la censure en France avec la Charte. Comment les choses ont-elles été ? Tout de travers. En 1815 nous avons eu le 20 mars; en 1816 l'ordonnance du 5 septembre, et le reste.

Ce qu'il y avoit de pis sous la censure, c'est que la liberté de la presse n'était pas supprimée de fait : elle étoit en régie entre les mains d'un ministère qui la refusoit aux royalistes par haine, l'accor

1. Réflexions politiques; Monarchie selon la Charte; Rapport sur l'état de la France (12 mai 1815); Opinion sur le projet de loi relatif à la liberté de la presse (chambre des pairs).

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