Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

relles de la France sont les mœurs où la foule est le plus facilement ramenée? Si, dans le combat des doctrines, il en est une qui obtienne toujours la victoire, n'est-il pas évident que cette doctrine est la plus forte? Or nulle doctrine ne triomphe à la longue qu'elle ne soit fondée en raison et en justice. Donc l'opinion royaliste, qui domine parmi nous lorsqu'elle est libre, est l'opinion françoise, comme elle est l'opinion juste et raisonnable.

Tout considéré, nous ne voyons que le crime, la bassesse et la médiocrité qui doivent craindre la liberté de la presse; le crime la redoute comme un échafaud, la bassesse comme une flétrissure, la médiocrité comme une lumière. Tout ce qui est sans talent recherche l'abri de la censure: les tempéraments foibles aiment l'ombre.

Paris, le 30 novembre 1819.

Un grand système inventé par les hommes forts a rassuré le ministère. Ce ministère paroît décidé à rester tel qu'il est; mais il prendra notre position et nos principes. Il va, dit-on, mettre les royalistes dans la situation la plus critique: il leur présentera des lois monarchiques! S'ils rejettent ces lois, ils prouveront qu'ils ne veulent que les places et qu'ils n'ont pas les principes qu'ils professent; s'ils approuvent ces lois, ils seront forcés de voter pour le ministère.

Que les ministres ne nous ont-ils toujours tendu de pareils piéges! Oui, s'ils se conduisent ainsi, ils sont assurés de nous faire tomber dans leurs filets; nous parlerons pour leurs lois, nous voterons pour leurs lois. Ils pourront rire, s'ils veulent, en nous voyant marcher derrière eux. Qu'ils prennent notre drapeau : qu'ils se mettent à notre tête : sous l'étendard des lis nous combattrons, quel que soit le général qui nous mène à l'ennemi. Nous ne demandons pas même que le ministère avoue qu'il s'est trompé; il faudroit pour faire cet aveu une force d'esprit ou une générosité d'âme que nous n'exigeons pas du ministère. Il soutiendra, si bon lui semble, que tout ce qu'il a fait jusqu'à présent est adorable; qu'il étoit absolument nécessaire de conduire la monarchie à la démocratie, pour tomber ensuite plus fortement sur la démocratie et la repousser à grands coups vers la monarchie. Nous conviendrons que tout a été fait à point et dans son temps; que la France n'auroit jamais été sauvée si l'on n'eût amené un juge de Louis XVI dans la chambre des députés, afin d'avoir la gloire de l'en chasser. Nous n'abuserons point de ce que le ministère a dit autrefois; nous ne le comparerons point à lui-même; nous serons

sérieux et sincères; tout nous sera bon pour la prospérité du roi et de la France. Mais expliquons-nous.

Le ministère n'auroit-il en pensée que de prononcer de grands disCours royalistes, que de couvrir de pompeuses paroles des lois vagues et astucieuses? Ne voudroit-il que céder un peu à l'opinion, pour se maintenir aux affaires? Ne voudroit-il qu'étouffer le cri public, que répondre à l'attente européenne? On pourroit le soupçonner, en voyant continuer dans ce moment même la proscription des hommes, tandis qu'on parle de revenir sur les choses. Dans ce cas, nous annonçons au ministère que sa nouvelle tromperie ne réussira pas; que l'on est trop averti pour se laisser surprendre; que les royalistes ne se croiront obligés de voter pour les lois qu'autant que ces lois seront franchement, clairement, incontestablement monarchiques. Si les ministres appellent loi monarchique toute loi qui tendroit seulement à augmenter leur pouvoir, ils doivent s'attendre à ne pas nous trouver de cet avis; ils nous ont forcés à distinguer le roi du ministère.

Nous verrons en peu de temps quel sera le succès du nouveau plan, et comment on parviendra à faire des lois monarchiques sans employer des hommes monarchiques. Ce qu'il y a de certain, c'est que tout ce que nous avions prédit est arrivé; c'est que le système ministériel nous a conduits à l'abîme, et que la loi des élections, amenant régulièrement ses séries, marque avec exactitude le moment de notre politique. La conspiration des intérêts moraux de la révolution a parfaitement réussi. Quelques personnes prétendent qu'il y a trahison dans certains hommes, nous croyons qu'il y a incapacité; cela revient au même en fait de gouvernement, l'incapacité est une trahison.

A l'appui de ce sentiment, remarquez jusqu'à quel point le ministère a perdu sa considération, tant chez les étrangers que parmi nous. Chez les étrangers sa diplomatie ne se compose plus que d'excuses et d'apologies. Nous avons vu la copie d'une circulaire adressée à nos ambassadeurs. Si cette circulaire est authentique, et si la copie en est exacte, comme tout nous porte à le croire, jamais document plus déplorable ne seroit sorti de ce cabinet illustré par le génie des Sully et des Richelieu. Il s'agit dans ce document d'expliquer le résultat des dernières élections. On déclare qu'elles ne sont point aussi mauvaises qu'on le dit; que si quelques choix ont affligé le ministère, la majorité des choix a réalisé les espérances du gouvernement. On fait entendre qu'on est sûr du vote de certains hommes, lesquels, après tout, ont des vertus privées, et qui, dans l'intérêt de leur fortune, se rattacheront à la monarchic légitime. Il est question des ultraroyalistes, qui continuent à s'isoler de la nation, et qui pourtant ont

des talents et de l'esprit. Singulier aveu! il n'y a pas longtemps que tous les royalistes étoient des stupides. On parle aussi du parti libéral : ce parti, dit la circulaire, ne tient à rien, mais il est lié à la masse de la nation par la consanguinité des intérêts. Si ce parti ne tient à rien, comment est-il lié à la masse de la nation? Il a fallu la révolution pour justifier cette manière d'écrire, pour nous apprendre qu'il y avoit des liaisons de sang entre les intérêts. A cette apologie sans vérité, sans dignité, nisérable de raison, pitoyable de style, les étrangers ont fait, dit-on, une réponse froide et sèche, et l'on a été obligé de répliquer d'une manière moins triomphante.

L'attitude si peu noble que nos guides politiques prennent avec les étrangers est-elle plus relevée en France? Qui ne se rit du ministère? Jamais l'autorité a-t-elle été plus dégradée que depuis qu'elle repose entre les mains de ce ministère ! Les fonctionnaires publics ont perdu toute influence. A force de voir déplacer les préfets et les sous-préfets, le peuple a fini par les considérer comme des hommes engagés dans la domesticité ministérielle; serviteurs plus ou moins industrieux, que leurs maîtres mettent à la porte quand ils ne sont pas contents de leurs services.

Dans l'armée, le découragement est à son comble. Aucun officier n'est sûr de garder la place qu'il occupe : malheur au militaire, dans quelque grade que ce soit, qui a défendu la cause royale! Un travail sourd se fait de toutes parts: tel corps dont l'esprit étoit excellent il y a six mois n'est plus aujourd'hui reconnoissable. Tout s'altère, se détériore; tout tombe en dissolution. Si l'opinion publique n'avoit soutenu la France, il n'eût pas été nécessaire d'attendre jusqu'aux élections prochaines pour arriver à de grands malheurs.

Les ministres prétendent repousser ces faits accablants par des dénégations; ne pouvant prouver, ils insultent. « Les royalistes, disent-ils, sont des hommes qui, pleins de leurs souvenirs, refusent de se mêler aux intérêts communs de la nation. La violence de leurs accusations contre le ministère ne décèle que l'amertume des regrets d'une ambition trompée. Que les royalistes saisissent le timon de l'État, et dans six mois la France est perdue. »

Voilà le cercle des récriminations dans lequel tourne le ministère. Un bon raisonnement, un fait clair, répondroient mieux qu'une déclamation, qui, fùt-elle fondée en vérité, ne prouveroit pas encore la capacité des ministres. Mais n'est-ce pas une chose curieuse que ce reproche d'ambition fait éternellement aux royalistes par ceux-là même qui depuis quatre ans perdent la France pour garder leurs places? Quand les royalistes se compareroient aux hommes d'État qui

nous gouvernent, ils pourroient peut-être, sans blesser la modestie, se croire aussi habiles que ces hommes d'État. Et pourquoi les royalistes n'auroient-ils pas cette noble ambition qui vient du sentiment des vertus qu'on peut déployer, comme leurs ennemis ont cette ignoble ambition qui naît de l'envie des talents qu'on ne peut atteindre? Si es royalistes arrivoient au pouvoir, vous prétendez que dans six mois la France seroit perdue nous pensons, au contraire, qu'elle seroit sauvée. Prenons le public pour juge, en exposant le tableau d'une administration royaliste telle que nous la concevons.

Et d'abord, les seuls hommes qui aient des idées constitutionnelles sur la Charte, les seuls hommes qui entendent parfaitement le jeu du gouvernement représentatif, ce sont les royalistes: nous n'en voulons pour preuve que leurs discours et leurs écrits. Les libéraux inclinent à la démocratie pure ou à la démocratie royale, laquelle conduit également à la république; les ministériels élevés à l'école de Buonaparte ne rêvent que le pouvoir absolu il n'y a donc que les royalistes à qui la Charte convienne réellement. Dans tous les temps ils abandonnèrent au roi leur vie et leur fortune, mais ils ne lui livrèrent jamais leur honneur et leur liberté. Nous ne connoissons rien de plus indépendant qu'un véritable royaliste.

Il faut dire encore que les royalistes ont été les premiers à déclarer que le retour à l'ancien régime est impossible; qu'aucun élément de la vieille constitution n'existe aujourd'hui, et que la réédification d'un monument aussi complétement détruit ne pourroit être entreprise sans exposer la France à d'interminables révolutions.

Voilà donc les royalistes arrivés au pouvoir, fermement résolus à maintenir la Charte : tout leur édifice seroit posé sur ce fondement; mais au lieu de bâtir une démocratie, ils élèveroient une monarchie. Ainsi leur premier devoir, comme leur premier soin, seroit de changer la loi des élections. Ils feroient en même temps retrancher de la loi de recrutement le titre vi, et rendroient aussi à la couronne une de ses plus importantes prérogatives. Ils rétabliroient dans la loi sur la liberté de la presse le mot religion, qu'à leur honte éternelle de prétendus hommes d'État en ont banni. Ministres, vous fondez une législation athée; elle produira des mœurs conformes à vos règles.

Après la modification de ces lois capitales, les royalistes proposeroient les lois les plus monarchiques sur l'organisation des communes et sur la garde nationale. Ils affoibliroient le système de centralisation; ils rendroient une puissance salutaire aux conseils généraux. Créant partout des agrégations d'intérêts, ils les substitueroient à ces individualités trop favorables à l'établissement de la tyrannie. En un

mot, ils recomposeroient l'aristocratie, troisième pouvoir, qui manque à nos institutions, et dont l'absence produit le frottement dangereux que l'on remarque aujourd'hui entre la puissance royale et la puissance populaire. C'est dans cette vue que les royalistes solliciteroient les substitutions en faveur de la pairie. Ils chercheroient à arrêter par tous les moyens légaux la division des propriétés, division qui dans trente ans, en réalisant la loi agraire, nous fera tomber en démocratie forcée.

Une autre mesure importante seroit encore prise par l'administration royaliste : cette administration demanderoit aux chambres, tant dans l'intérêt des acquéreurs que dans celui des anciens propriétaires, une juste indemnité pour les familles qui ont perdu leurs biens dans le cours de la révolution. Les deux espèces de propriétés qui existent parmi nous, et qui créent, pour ainsi dire, deux peuples sur le même sol, sont la grande plaie de la France. Pour la guérir, les royalistes n'auroient que le mérite de faire revivre la proposition de M. le maréchal Macdonald on apprend tout dans les camps françois, la justice comme la gloire.

C'est ainsi qu'en agiroient les royalistes relativement aux choses. Mais comment se conduiroient-ils pour les hommes ? N'auroient-ils pas des ressentiments à satisfaire?

Les royalistes sont étrangers à la haine. Ils aiment trop leur pays, ils ont trop de jugement, trop de raison pour n'être pas convaincus que la vengeance est un mauvais moyen de gouverner. Il est sans doute quelques hommes qui se sont vendus, corps et âme, au ministère, et qui dans tout changement possible tomberont avec les maîtres dont ils ont servi les passions; mais tout agent du pouvoir qui, ne faisant qu'obéir à un ordre supérieur, l'a exécuté sans blesser l'honneur et la justice, seroit conservé par une administration royaliste. La gloire d'une semblable administration seroit de donner des leçons de modération et de douceur à ceux qui n'ont offert que des exemples de persécution et de violence. Les royalistes ne seroient plus exclus des emplois; la trahison des Cent Jours ne seroit plus entre deux candidats un titre de préférence; mais quiconque auroit des vertus et des talents, quiconque seroit capable d'un retour sincère à la légitimité, seroit reçu avec joie : les royalistes éviteroient de faire sentir aux autres l'injustice dont ils ont été les victimes.

Maintenant, que tout homme impartial ose dire, la main sur le cœur, qu'avec un pareil système on ne concilieroit pas les intérêts et les partis. N'en doutons point : une administration royaliste qui se conduiroit d'après de pareils principes se maintiendroit au pou-

« ZurückWeiter »