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guerre passagère que nous n'avons pas voulu, mais que nous avons acceptée.

Ces grandes considérations devroient faire cesser toutes divisions politiques; nous devrions imiter ces vieux compagnons de Conegliano, ces vétérans de l'armée de Condé, qui dorment aujourd'hui sous la même tente et qui n'ont plus qu'un même drapeau.

DISCOURS

SUR LES

DEBATS DU PARLEMENT D'ANGLETERRE,

PRONONCÉ A LA CHAMBRE DES PAIRS,

LE 26 DÉCEMBRE 1826.

Dans la déclaration que M. le ministre des affaires étrangères a cru devoir faire connoître, j'ai été étonné du silence que le noble ministre a gardé sur les discours prononcés dernièrement dans le parlement d'Angleterre. Je respecte cette prudence, bien que je n'en comprenne pas les motifs; mais moi, sur la tête de qui aucune responsabilité ne pèse, si ce n'est, comme pour tout François, la responsabilité de mon pays, je dirai franchement ce que M. le ministre des affaires étrangères a cru devoir omettre.

Vous vous souvenez peut-être, messieurs, de m'avoir vu repousser, comme ministre, à cette tribune, des outrages adressés au nom françois dans le parlement anglois. Les généreuses victoires de M. le dauphin répondroient bien mieux et bien plus haut que nos vaines paroles aux déclamations de nos adversaires.

Aujourd'hui les choses sont bien changées: je n'eus à combattre en 1823 que l'opposition angloise; en 1826, c'est le principal ministre de Sa Majesté britannique qui dépasse dans la carrière les membres de cette opposition. Ma tâche est pénible: ce ministre fut mon honorable ami; j'admire ses talents, je respecte sa personne; mais il me pardonnera, j'espère, d'essayer de faire pour mon pays ce qu'il a trop bien fait pour le sien.

Il faut d'abord, messieurs, que je m'exprime nettement sur le fond de l'affaire de Portugal.

Je ne reconnoîtrai jamais à des soldats le droit de faire et de défaire des institutions politiques, de proclamer et de détrôner des rois ; j'aime peut-être mieux la Charte portugaise que les ministres anglois eux

mêmes, qui en parlent presque dérisoirement, et qui ont cru devoir rappeler sir Charles Stuart de sa mission, pour avoir envoyé cette Charte à Lisbonne. Je pense que l'indépendance appuie l'indépendance, qu'un peuple libre est une garantie pour un autre peuple libre; je crois qu'on ne renverse pas une constitution généreuse, quelque part que ce soit sur le globe, sans porter un coup à l'espèce humaine tout entière.

Cette large part faite à mes principes, j'entre avec hardiesse dans l'examen du document qui nous est venu d'outre mer.

Le ministre de Sa Majesté britannique a commencé son discours par l'inventaire des traités qui lient l'Angleterre au Portugal; il auroit pu en citer davantage : il auroit pu parler de l'alliance de la maison de Lancastre avec l'ancienne maison de Portugal; mais alors nous aurions pu lui dire que la maison de Bragance tire son origine de la maison de France. Pourquoi se tant effaroucher de nos liaisons avec l'Espagne, quand on fait un si fastueux étalage des rapports que l'on a eus dans tous les temps avec le Portugal? Et nous, n'avons-nous pas des traités qui nous enchaînent à l'Espagne? Sans remonter à la reine Brunehaut, à Charlemagne et à la mère de saint Louis, n'avons-nous pas le traité du roi Jean et de Pierre roi de Castille, en 1351, pour le mariage de Blanche de Bourbon; le traité de Charles V et de Henri II le Magnifique, roi de Castille, en 1368; le renouvellement de la même alliance en 1380; le traité de Charles VI et de Jean roi de Castille, en 1387, contre l'Angleterre, et renouvelé en 1408; le traité entre Louis XI et Henri roi de Castille et de Léon, en 1469; un autre traité avec Ferdinand et Isabelle, roi et reine de Castille, en 1478? Louis XII renouvela ce traité en 1498. Germaine de Foix, nièce de Louis XII, fut promise en mariage à Ferdinand roi d'Espagne, en 1503. Autre traité d'alliance.

Le traité du 13 octobre 1640 avec Louis XIII et la principauté de Catalogne, et les conditions de Barcelone du 19 septembre 1641, nous donnèrent des droits sur la Catalogne; puis viennent le fameux traité des Pyrénées du 7 mars 1659, le contrat de mariage de Louis XIV, du 7 novembre de la même année, tous les traités qui accompagnèrent et suivirent la guerre de la Succession de 1701 à 1713, et enfin le pacte de famille en 1761, qui, par son article 8, déclare que les États respectifs doivent être regardés et agir comme s'ils ne faisoient qu'une seule et même puissance. Que le pacte de famille ait été annulé par les derniers traités, cela est vrai jusqu'à un certain point; mais il n'est pas du tout clair que ces mêmes traités avoient maintenu toutes les conventions antérieures entre l'Angleterre et le Portugal.

Au reste, qu'est-ce que cette érudition diplomatique prouve des deux côtés? Rien du tout; elle n'établit pas plus notre droit nouveau de nous mêler des affaires d'Espagne qu'elle ne confirme le droit que l'Angleterre prétend avoir de s'immiscer dans les affaires intérieures du Portugal nos droits respectifs se tirent tout simplement de part et d'autre de nos intérêts essentiels. On parle beaucoup d'un casus fœderis, lequel seroit arrivé. Un membre de l'opposition angloise a très-bien répondu qu'il ne voyoit pas comment la révolte de deux régiments portugais établissoit le casus fœderis. On cherche des coupables, les Espagnols sont derrière l'insurrection portugaise: si ce ne sont les Espagnols, ce sont les François; pourquoi pas les Autrichiens? Don Miguel n'est-il pas à Vienne? Dans ce pays-là on n'aime pas beaucoup les chartes pourquoi la colère du cabinet anglois ne se tourne-t-elle pas de ce côté? Pourquoi, messieurs? Il y a de bonnes raisons pour cela; ces raisons sont les mêmes qui font que ie libéralisme anglois porte le bonnet de la liberté à Mexico et le turban à Athènes.

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Mais tandis qu'on proclame le casus fœderis, s'il arrivoit, ce qui n'est nullement probable, que Lisbonne tombât aux mains du marquis de Chaves et que les Anglois, au lieu d'y trouver un allié, n'y trouvassent qu'un ennemi, s'il falloit entrer de force en Portugal, n'est-il pas clair qu'au lieu d'alliance et d'occupation il y auroit conquête, et conquête sur les seuls Portugais? Que deviendroit alors le casus fœderis? La question politique sera entièrement changée pour l'Europe. Je viens maintenant, messieurs, à la partie des discours qui nous regardent particulièrement; il faut rapporter les textes : « Je ne puis que redouter la guerre quand je pense au pouvoir immense de ce pays, quand je pense que les mécontents de toutes les nations de l'Europe sont prêts à se ranger du côté de l'Angleterre.

« Un des moyens de redressement étoit une guerre contre la France; il y avoit encore un autre moyen : c'étoit de rendre la possession de ce pays inutile entre des mains rivales; c'étoit de la rendre plus qu'inutile, c'étoit enfin de la rendre préjudiciable au possesseur : j'ai adopté ce dernier moyen. Ne pensez-vous pas que l'Angleterre ait trouvé en cela une compensation pour ce qu'elle a éprouvé en voyant entrer en Espagne l'armée françoise et en voyant bloquer Cadix?

« J'ai regardé l'Espagne sous un autre aspect; j'ai vu l'Espagne et les Indes; j'ai dans ces dernières contrées appelé à l'existence un nouveau monde, et j'ai ainsi réglé la balance; j'ai laissé à la France tous les résultats de son invasion.

« J'ai trouvé une compensation pour l'invasion de l'Espagne, pendant que je laisse à la France son fardeau, fardeau dont elle voudroit

bien se débarrasser, et qu'elle ne peut porter sans se plaindre. C'est ainsi que je réponds à ce qu'on a dit sur l'occupation de l'Espagne... Je sais, dis-je, que notre pays verra se ranger sous ses bannières, pour prendre part à la lutte, tous les mécontents et tous les esprits inquiets du siècle, tous les hommes qui, justement ou injustement, ne sont pas satisfaits de la condition actuelle de leur patrie.

« L'idée d'une pareille situation excite toutes les craintes; car elle montre qu'il existe un pouvoir entre les mains de la Grande-Bretagne plus terrible peut-être qu'on n'en vit jamais en action dans l'histoire de la race humaine. (Écoutez!) Mais est-il bon d'avoir une force gigantesque; il peut y avoir de la tyrannie à en user comme un géant, la conscience de posséder cette force fait notre sécurité; et notre affaire est de ne point chercher d'occasion de la déployer, excepté partiellement et d'une manière suffisante pour faire sentir qu'il est de l'intérêt des deux côtés de se garder de convertir leur arbitre en compétiteur. (Écoutez!) La situation de notre pays peut être comparée à celle du maître des vents, telle que le décrit le poëte,

Celsa sedet OEolus arce.

Voici donc la raison, raison inverse de la crainte, contraire à l'impuissance, qui me fait appréhender le retour de la guerre, » etc.

Ces paroles ne peuvent que nous attrister profondément; c'est la première fois que des aveux aussi dédaigneux, que des malédictionsaussi franches ont été prononcés à une tribune publique; ni lesChatam, ni les Fox, ni les Pitt n'ont exprimé contre la France dessentiments aussi pénibles. Lorsque lord Londonderry faisoit au parlement anglois le récit de la bataille de Waterloo, que disoit-il danstoute l'exaltation de la victoire? Il disoit : « Les soldats françois et les soldats anglois lavoient leurs mains sanglantes dans le même ruisseau. en se félicitant mutuellement de leur courage. » Voilà le langage d'un noble ennemi.

Que l'Angleterre soit un géant, je ne lui dispute point la taille qu'elle se donne; mais ce géant ne fait aucune frayeur, que je crois, à la France. Un colosse a quelquefois les pieds d'argile. Que l'Angleterre soit Éole, je le veux bien encore, mais Éole n'auroit-il pas des tempêtes dans son empire? Il ne faut pas parler des mécontents qui peuvent se trouver en d'autres pays, quand on a chez soi cinq millions de catholiques opprimés, cinq millions d'hommes qu'on est obligé de contenir par un camp permanent en Irlande; quand on est

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