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voulu faire triompher ce principe suranné de la vieille école politique: moi, je ne crois pas au droit divin, mais je ne crois pas davantage à la souveraineté du peuple. Je puis très-volontiers me passer d'un roi, mais je ne me reconnois pas le droit d'imposer à personne le roi que j'aurois choisi. Monarque pour monarque, Henri de Béarn me paroissoit préférable pour l'ordre et la liberté de la France. J'ai donc donné ma voix à Henri V, comme mon voisin de droite a pu choisir LouisPhilippe Ier, mon voisin de gauche Napoléon II, mon voisin en face la république.

Il y a des hommes qui, après avoir prêté serment à la république une et indivisible, au Directoire en cinq personnes, au consulat en trois, à l'empire en une seule, à la première Restauration, à l'Acte additionnel aux Constitutions de l'empire, à la seconde Restauration, ont encore quelque chose à prêter à Louis-Philippe je ne suis pas si riche.

Il y a des hommes qui ont jeté leur parole sur la place de Grève, en juillet, comme ces chevriers romains qui jouent à pair ou non parmi des ruines. Ces hommes n'ont vu dans la dernière révolution qu'un coup de dé; pourvu que cette révolution dure assez pour qu'ils puissent tricher la fortune, advienne que pourra. Ils traitent de niais et de sot quiconque ne réduit pas la politique à des intérêts privés : suis un niais et un sot.

Il y a des peureux qui auroient bien voulu ne pas jurer, mais qui se voyoient égorgés eux, leurs grands parents, leurs petits-enfants et tous les propriétaires, s'ils n'avoient trembloté leur serment: ceci est un effet physique que je n'ai pas encore éprouvé; j'attendrai l'infirmité, et si elle m'arrive, j'aviserai.

Il y a des grands seigneurs de l'empire unis à leurs pensions par des liens sacrés et indissolubles, quelle que soit la main dont elles tombent une pension est à leurs yeux un sacrement : elle imprime caractère comme la prêtrise et le mariage; toute tête pensionnée ne peut cesser de l'être : les pensions étant demeurées à la charge du trésor, ils sont restés à la charge du même trésor. Moi j'ai l'habitude du divorce avec la fortune: trop vieux pour elle, je l'abandonne, de peur qu'elle ne me quitte.

Il y a de hauts barons du trône et de l'autel qui n'ont point trahi les ordonnances; non! mais l'insuffisance des moyens employés pour mettre à exécution ces ordonnances a échauffé leur bile: indignés qu'on ait failli au despotisme, ils ont été chercher une autre antichambre. Il m'est impossible de partager leur indignation et leur demeure.

Il y a des gens de conscience qui ne sont parjures que pour être parjures, qui, cédant à la force, n'en sont pas moins pour le droit ; ils pleurent sur ce pauvre Charles X, qu'ils ont d'abord entraîné à sa perte par leurs conseils et mis ensuite à mort par leur serment; mais si jamais lui ou sa race ressuscite, ils seront des foudres de légitimité. Moi, j'ai toujours été dévot à la mort, et je suis le convoi de la vieille monarchie comme le chien du pauvre.

Enfin, il y a de loyaux chevaliers qui ont dans leur poche des dispenses d'honneur et des permissions d'infidélité je n'en ai point.

J'étois l'homme de la restauration possible, de la restauration avec toutes les sortes de libertés. Cette restauration m'a pris pour un ennemi; elle s'est perdue je dois subir son sort. Irai-je attacher quelques années qui me restent à une fortune nouvelle, comme ces bas de robe que les femmes traînent de cour en cour, et sur les quels tout le monde peut marcher? A la tête aes ieunes générations, je serois suspect; derrière elles, ce n'est pas ma place. Je sens trèsbien qu'aucune de mes facultés n'a vieilli: mieux que jamais je comprends mon siècle; je pénètre plus hardiment dans l'avenir que personne; mais la nécessité a prononcé : finir sa vie à propos est une condition nécessaire de l'homme public.

Je dois, en terminant, prévenir une méprise qui pourroit naître, dans certains esprits, de ce que je viens d'exposer.

De prétendus royalistes n'aspirent, dit-on, qu'à voir l'Europe attaquer la France. Eh bien, le jour où la France seroit envahie seroit celui qui changeroit mes devoirs. Je ne veux tromper personne : je ne trahirai pas plus ma patrie que mes serments. Royalistes, s'il en existe de tels, qui appelez de vos vœux les baïonnettes ennemies, ne vous abusez pas sur mes sentiments: reprenez contre moi votre haine et vos calomnies; je reste un renégat pour vous; un abîme sans fond nous sépare. Aujourd'hui je sacrifierois ma vie à l'enfant du malheur; demain, si mes paroles avoient quelque puissance, je les emploierois à rallier les François contre l'étranger qui rapporteroit Henri V dans ses bras.

Si j'avois l'honneur de faire encore partie de la chambre des pairs, j'aurois dit à la tribune de cette chambre ce que je dis dans cette brochure, sauf ce qui est relatif au serment car sous ce rapport ma position n'eût plus été la même. Ma voix sera peut-être importune; mais que l'on se console, on l'entend pour la dernière fois dans les affaires politiques, toutes choses demeurant comme elles sont. Prêt à aller mourir sur une terre étrangère, je voudrois qu'il n'y eût

VIII.

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plus d'autre François exilé que moi; je voudrois que la proposition de bannissement ne fût pas acceptée : c'est en faveur de quelques têtes qu'on veut proscrire que je publie mon opinion. Au mois d'août je demandois pour le duc de Bordeaux une couronne; je ne sollicite aujourd'hui pour lui que l'espérance d'un tombeau dans sa patrie : est-ce trop?

FIN DES OPINIONS ET DISCOU

DOCUMENTS GÉNÉRAUX'.

N. 1 (6).

Extrait des instructions envoyées au ministère de la police.

Paris, le 12 septembre 1816.

Sous le rapport de la convocation, point d'exclusions odieuses, point d'applications illégales des dispositions de la haute police pour écarter ceux qui sont légalement appelés à voter; surveillance active, mais liberté entière; point d'extension arbitraire aux adjonctions autorisées par l'ordonnance, et de nature à détruire l'effet d'une précaution dictée par une sage prévoyance. Sous celui des élections, ce que le roi veut, ses mandataires doivent le vouloir. Il n'y a point deux sortes d'intérêts dans l'État; et pour faire disparoître jusqu'à l'ombre des partis, qui ne sauroient subsister sans menacer son existence, il ne faut que des députés dont les intentions soient de marcher d'accord avec le roi, avec la Charte, avec la nation, dont les destinées reposent en quelque sorte entre leurs mains. Les députés qui se sont constamment écartés de ces principes tutélaires ne sauroient donc être désignés par l'autorité locale, se prévaloir de son influence, obtenir une faveur qui tourneroit au détriment de la chose publique.

Point de grâce pour la malveillance qui se déclareroit par des actes osten

1. J'ai marqué de deux numéros ces Pièces justificatives : le premier est le numéro d'ordre de l'impression, le second est le numéro d'ordre des manuscrits.

Je ne publie que les Documents généraux : ce sont des pièces déjà imprimées, ou des pétitions, ou des lettres de protestation, adressées à divers ministres : je ne donne pas même tous ces documents: il m'en reste en manuscrit un assez grand nombre, notamment sur les départements de la Corrèze, des Basses-Alpes, de l'Aude, de la Côte-d'Or, de l'Ain, de la Nièvre, du Pas-de-Calais et de Seine-et-Marne.

Quant à la correspondance privée et aux renseignements particuliers, je les supprime. Si ma proposition eût été prise en considération, j'aurois confié à la prudence de MM les pairs ces renseignements particuliers; mais la proposition ayant été écartée, Je dois retrancher, par des raisons faciles à comprendre, des détails trop personnels. Au reste, les originaux de ces pièces sont déposés chez un notaire. On pourra les consulter, mais seulement en ma présence, ou en vertu d'une autorisation écrite de ma main. Toutefois, on n'en pourra prendre ni notes ni copies.

(Note de la brochure publiée en 1816.)

sibles, qui afficheroit de coupables espérances, qui croiroit trouver dans un grand acte de politique et de justice une occasion favorable de trouble et de désordre. La loi du 29 octobre reste dans toute sa vigueur; mais ce n'est point pour en abuser, c'est pour s'en servir à propos avec connoissance de cause, et en rendant un compte exact de leurs opérations, que le soin d'en appliquer les dispositions a été confié à des administrateurs éclairés.

Ils s'opposeront à la publication de ces correspondances empressées, et toujours marquées au coin de l'exagération, que les membres des sociétés secrètes sont en possession de faire parvenir sous le manteau du royalisme. Dans l'ordonnance du roi ils ne verront que sa volonté, les besoins de l'État et la Charte. Dans leurs incertitudes, ils s'adresseront aux ministres. A des demandes exprimées avec franchise ils recevront des réponses non moins franches: des directions étrangères ne pourroient que les égarer. Leur tâche est importante, mais elle est facile, parce qu'elle est clairement indiquée et qu'ils sont assurés de l'appui d'un ministre surveillant et fort de la volonté du roi et de sa confiance.

Celle que Sa Majesté a placée dans les préfets ne sera point trompée dans cette circonstance. Elle attend d'eux qu'ils dirigent tous leurs efforts pour éloigner des élections les ennemis du trône et de la légitimité, qui voudroient renverser l'un et écarter l'autre; et les amis insensés qui l'ébranleroient en voulant le servir autrement que le roi ne veut l'être, qui, dans leur aveuglement, osent dicter des lois à sa sagesse, et prétendent gouverner pour lui. Le roi ne veut aucune exagération. Il attend des choix des colléges électoraux des députés qui apportent à la nouvelle chambre les principes de modération qui sont la règle de son gouvernement et de sa politique, qui n'appartiennent à aucun parti, à aucune société secrète, qui n'écoutent d'autres intérêts que ceux de l'État et du tròne, qui n'apportent aucune arrière-pensée, et respectent avec franchise la Charte, comme ils aiment le roi avec amour.

Le ministre d'État au département de la police générale,

Signé le comte DECAZES'.

No 2 (88).

Ministère de la police générale.

M. l'inspecteur général se rendra dans les départements ci-contre. Dans chacun d'eux il s'adressera directement à M. le préfet; il fera connoître à ce magistrat que l'objet confidentiel de sa mission est de lui exprimer toute la pensée du gouvernement, qu'il convient de suivre et d'imprimer relativement à la convocation des colléges électoraux.

Sous le rapport de la convocation, etc., etc.

1. A Toulouse, de l'imprimerie de Douladoure.

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