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négative, et que, n'enseignant rien, elles ne peuvent être déposées à un bureau de renseignements.

La clôture de la discussion est demandée. M. le ministre des affaires étrangères monte encore à la tribune, et se déclare pour la modification de la loi des élections. M. Benjamin Constant réplique. La clôture de la discussion est prononcée. Épreuve par assis et levé, douteuse; appel nominal; dépouillement du scrutin, qui donne 117 boules I lanches pour l'ordre du jour, et 112 boules noires contre : majorité, cinq voix.

Trois voix ont donc décidé l'ordre du jour, puisqu'en passant à la gauche elles auroient amené une autre conclusion: or, les ministres présents étant tous trois membres de la chambre des députés, il en résulte que ces trois ministres ont seuls gagné la bataille : dans les anciens combats, souvent la victoire étoit due à la valeur personnelle des généraux. Qu'on dise encore que le ministère n'a pas la majorité lorsqu'il la porte dans son sein, comme ces plantes qui renferment en elles-mêmes leur propre vertu! Ainsi, se levant tour à tour pour la gauche ou pour la droite, trois ministres pourront faire triompher à leur gré les dieux de Carthage ou de Rome.

Ces mémorables séances jettent un grand jour sur notre position politique. Il en faut examiner les résultats.

Dans la discussion générale, la droite et la gauche ont eu presque toujours raison. Elles étoient d'accord sur le principe du droit de pétition; mais elles différoient en ce que la gauche appuyoit les pétitionnaires comme favorables à son opinion, et que la droite les repoussoit comme opposés à la sienne.

Toutefois, dans l'opposition de gauche, c'est ce qu'on appelle le parti Ternaux qui a prévalu. Ce parti vouloit le dépôt des pétitions au bureau des renseignements, et les autres membres de la gauche désiroient le renvoi au ministère de l'intérieur. Les modérés l'ont emporté : le parti n'en est donc pas encore à l'impavidum ferient ruinæ.

La minorité de droite défend les principes partout où elle les trouve, sans songer à ses intérêts particuliers, et les ministres ont profité cette fois de sa loyauté et de ses talents. Mais dans quelle position s'est placé le ministère ! Quoi! repousser l'année dernière un moyen de salut, pour se faire traiter cette année d'une manière si humiliante! La proposition de M. Barthélemy, à l'époque où elle a été faite, auroit, s'écrie-t-on, renversé le ministère. Ainsi vous étiez sur le bord d'un abîme vous voyiez cet abîme, puisque vous prétendez maintenant l'éviter; mais comme alors vos intérêts étoient compromis, comme un peu de temps vous restoit encore, vous avez mieux aimé augmenter le

péril de la France que de nous sauver; vous avez joué votre patrie contre votre ambition.

Le côté gauche de la chambre des députés s'est trouvé fort ce jour-là de cent douze membres, et le côté droit de cent dix-sept : le premier comptoit quatre absents, et le second en comptoit douze. Si tous ces députés eussent été présents, le scrutin auroit donné cent seize boules contre cent vingt-neuf : majorité pour la droite, treize voix par conséquent, sept voix passant à la gauche changeroient tous les résultats.

On ne peut s'empêcher d'être épouvanté en songeant que le sort de la nouvelle loi des élections, si toutefois elle est présentée, tient à une chance si douteuse.

Heureusement, et malgré ces trop justes sujets d'alarmes, nous croyons encore que la loi, franchement monarchique, pourroit passer à une petite majorité; mais pour peu qu'elle soit insidieuse, elle sera probablement rejetée. Dans ce cas qu'arrivera-t-il ?

En restant sous l'empire de la loi actuelle, ou un cinquième de la chambre des députés sera renouvelé au mois d'octobre, ou la chambre sera dissoute, et alors il y aura des élections générales. Fasse le ciel que la fille sanglante de la Convention n'entre pas !

Aimera-t-on mieux avoir recours à un coup d'État? Quel sera ce coup?

Fera-t-on une loi des élections par ordonnance? Mais cette loi sera donc dans les intérêts d'une des deux grandes opinions qui régissent la France? Frapper un coup d'État dans le vide entre deux partis, ce seroit vouloir tomber le front par terre. Cassera-t-on la chambre des députés pour ne plus la rassembler? Lèvera-t-on l'impôt par ordonnance? Si le ministère veut connoître les bornes de son pouvoir et en finir avec la monarchie, il n'a qu'à tenter un pareil coup d'État.

En attendant l'avenir, voici quelle est notre position : le parti buonapartiste l'emporte sur le parti républicain, dont le nom et les principes ne servent plus que de voile à une faction réelle et puissante. L'administration a tellement fatigué les honnêtes gens et encouragé les pervers, tellement désorganisé tout, tellement dégradé nos institutions, tellement sapé les fondements de la monarchie légitime, qu'on ne semble plus obéir au gouvernement de droit que parce qu'il est le gouvernement de fait. Quel seroit le résultat de cette position, si l'on n'apportoit un prompt remède à nos maux? Écoutez : nous connoissons quatre-vingts hommes qui ont banni les Bourbons à perpétuité, et c'est demain le 21 janvier.

VIII.

4

Paris, le 18 février 1820.

Nous venons payer à la mémoire de Mer le duc de Berry ce tribut de douleurs que la royale famille est depuis longtemps accoutumée à recevoir de nous. Hélas! nous avons entendu le dernier soupir du dernier descendant de Louis XIV par la lignée françoise; nous avons vu un père au désespoir, un frère inconsolable à genoux, en prière devant ces bancs rassemblés à la hâte, sur lesquels expiroit un fils de France; nous avons vu une femme tenant son enfant dans ses bras, et toute couverte du sang de son mari; nous avons vu un vénérable monarque s'approcher pour fermer les yeux du jeune héritier de sa couronne! MADAME étoit là, dominant cette scène de deuil comme une héroïne éprouvée aux combats de l'adversité. Mer le duc de Bourbon prenoit sa part de la douleur : il croyoit assister à la mort de son fils! Coup affreux qui a frappé l'arbre dans sa racine! Ah, malheureuse France! parce que tu l'avois proscrit dans sa jeunesse, as-tu méconnu ton enfant, et n'a-t-il pu se sauver dans tes bras!

La révolution sembloit rassasiée du sang des Bourbons: elle n'en étoit qu'enivrée; cette ivresse, loin d'apaiser sa soif, en augmentoit l'ardeur. Louis XVI, Mme Élisabeth, Louis XVII, le duc d'Enghien, n'ont pas suffi aux ennemis de la légitimité : ils ont fait un nouveau choix parmi les enfants de saint Louis : en immolant le duc de Berry, ils ont voulu répandre à la fois le sang que ce prince avoit reçu de tant de monarques et celui qui devoit animer le cœur d'une longue postérité de rois.

La main qui a porté le coup n'est pas la plus coupable. Ceux qui ont assassiné Mér le duc de Berry sont ceux qui depuis quatre ans établissent dans la monarchie des lois démocratiques; ceux qui ont banni la religion de ces lois; ceux qui ont cru devoir rappeler les meurtriers de Louis XVI; ceux qui ont entendu agiter avec indifférence à la tribune la question du régicide; ceux qui ont laissé prêcher dans les journaux la souveraineté du peuple, l'insurrection et le meurtre, sans faire usage des lois dont ils étoient armés pour réprimer les délits de la presse; ceux qui ont favorisé toutes les fausses doctrines; ceux qui ont récompensé la trahison et puni la fidélité; ceux qui ont livré les emplois aux ennemis des Bourbons et aux créatures de Buonaparte; ceux qui, pressés par la clameur publique, ont promis de changer une loi funeste, et qui ont ensuite laissé trois mois s'écouler, comme pour donner le temps aux révolutionnaires de se reconnoître et d'aiguiser leurs poignards voilà les véritables meurtriers de Mer le duc de Berry.

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Il n'est plus temps de se le dissimuler : cette révolution que nous avons tant de fois et si inutilement prédite est commencée : elle a même produit des maux qui sont déjà irréparables. Qui rendra la vie à Mer le duc de Berry? et avec cette vie précieuse, qui nous rendra les espérances que la gloire et l'amour y avoient attachées? Un jeune lis nourri dans une terre étrangère verra-t-il éclore la tendre fleur que la foudre semble avoir respectée?

Si du sang de nos rois quelque goutte échappée...

Autre espérance: si un prince chéri écoutoit nos vœux! .

Joseph orna les foyers de Jacob dans sa maturité, et transmit aux rois d'Israel les bénédictions célestes.

Paris, ce 3 mars 1820.

Dans la séance du 22 février 1817, nous prononçâmes à la chambre des pairs un discours sur le projet de loi relatif aux journaux; nous y retrouvons ce passage:

« Un ministre défendant à la tribune des députés la loi que je combats dans ce moment m'a désigné comme un individu qui siège dans une autre chambre et qui avance des absurdités telles qu'on ne doit pas les répéter. Je ne suis pas assez important pour employer à mon tour un langage si haut. Si jamais M. le comte Decazes étoit exposé à ces revers dont j'ai déjà vu tant d'exemples, il peut être sûr que le jour où il seroit rayé du tableau des ministres, son nom ne seroit prononcé dans mes discours qu'avec les égards dus à un homme qui, après avoir été honoré de la confiance de son roi, a éprouvé l'inconstance de la fortune. »>

Telles étoient les paroles que nous adressions alors à M. le ministre de la police nous serons conséquent dans nos sentiments comme nous le sommes dans nos doctrines. Nous ne traiterons ni d'absurde ni d'individu l'ancien ministre : évitant avec soin toute personnalité, notre sévérité se renfermera dans les bornes de la politique. Bien que la chute du président du conseil n'ait pas été rude, et qu'il soit doucement descendu du pouvoir dans le sein des honneurs, il est pourtant vrai qu'il ne règne plus dès lors il rentre sous la sauvegarde de de sa vie privée. Il y a plus : nous croyons que la nature avoit fait M. le duc Decazes meilleur qu'il ne s'est montré dans sa carrière publique; il a été trompé par les agents de police et par les petites créatures dont il s'étoit entouré. On doit s'étonner seulement que des

hommes d'une capacité si bornée aient exercé une si longue influence. Leur existence politique concordoit apparemment avec un dessein caché de la Providence : ils nous étoient imposés pour châtiment de nos erreurs. Dans ce cas, ils auront eu la durée de la peine prononcée contre nous au tribunal d'en haut; et comme depuis Robespierre jusqu'à Buonaparte nous avions péché par excès de crime et de génie, il étoit juste que nous fussions condamnés au tourment des fautes et au supplice de la médiocrité.

L'ancien ministre reconnoîtra aujourd'hui dans des ennemis généreux les amis qu'il auroit dû choisir pour sa gloire et pour le bonheur de la France. Les royalistes sont sans fiel: M. le duc Decazes vivra paisiblement au milieu de nous, comme tous ces hommes qui nous ont bannis, persécutés, dépouillés, et auxquels nous n'adressons pas même un reproche.

La blessure que la France a reçue est profonde : cette blessure ne peut être guérie que par le baume de la religion, ne peut être pansée que par une main monarchique. Ne nous faisons pas d'illusion; rien de ce que nous voyons aujourd'hui n'existe réellement : il n'y a plus de chambres, il n'y a plus de lois, il n'y a plus de ministère, parce qu'il n'y a plus d'autorité. Si tout tient encore ensemble, c'est par la vertu magique du nom du roi et par l'épouvante qu'inspirent les crimes commis autour de nous. On serre les rangs parce qu'on a peur; on marche sans règle, mais sans désordre, parce qu'on redoute l'avenir. L'esprit de gouvernement est dans la foule, et n'est plus dans l'État : disposition admirable pour qui sauroit en profiter.

On nous a dit et on devoit nous dire que le crime de Louvel est un crime isolé. Le crime de Sand est aussi un crime isolė; les étudiants de la Prusse qui écrivent qu'il faut ici un peu de Sand sont aussi des fanatiques isolės; les soldats insurgés de l'Espagne sont aussi des factieux isolės; les trente assassins du ministère anglois sont aussi trente assassins isolés. Il n'y a pas de complot général; mais il y a donc peste européenne, et cette peste sort de nos doctrines antisociales.

Malheur à nous! malheur au monde, si le nouveau ministère alloit conclure de tant de désastres qu'on n'a pas encore assez fait pour les ennemis de la légitimité! On leur a déjà livré six Bourbons: combien en faut-il pour les satisfaire?

Le peuple ne lit pas les lois, il lit les hommes, et c'est dans ce code vivant qu'il s'instruit : quand il voit préférer par le gouvernement de droit les partisans du gouvernement de fait; quand il voit placer à la tête des préfectures les anciens agents de la police d'un régicide; quand il voit introduire dans les administrations les fauteurs de la

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