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corrompus renferme en son cornet vieilli une source de la plus pure rosée, cette plante, trop jeune encore, n'eût point montré comment Dieu a caché l'espérance au fond des cœurs ulcérés par la douleur, comment il a fait jaillir la vertu du sein des misères de la vie.

Le troisième règne de la nature, ainsi que les deux premiers, n'auroit pu conserver ses charmes. Il falloit des pâtes calcaires durciespar un soleil qui n'avoit point été pour étayer les plans verticaux des montagnes, et dérouler dans leur escarpement de grands entablements de neige, parmi le pourpre des granits, le vert des porphires et les nuances variées des marbres. Les géologistes nous disent que les minéraux, que les pierres précieuses, que les cristallisations, les spaths, les agrégats de toutes les sortes, sont les fruits d'un travail lent et graduel de la nature; cela peut convenir au système d'un savant, mais pour nous, qui croyons que Dieu est aussi grand poëte que grand minéralogiste, nous nous figurons la terre comme une nymphe qui pour chevelure a des forêts, pour mamelles des montagnes, pour yeux l'astre du jour et celui de la nuit, pour voix les vents et les eaux, pour manteau les mers et toutes leurs perles. Comment imaginer qu'un globe si magnifique ait jamais manqué d'argent et d'or? à moins toutefois qu'on ne suppose que ces métaux n'aient commencé de végéter dans ses flancs que depuis le péché de l'homme.

LE DIMANCHE'.

Les législateurs antiques ont marqué dans leurs codes les époques des fêtes des nations.

Et quel sera le jour du repos d'Israel? Le jour même du repos de Dieu! L'Hébreu et son héritier le Gentil dans les jours de son obscur travail n'auront rien moins devant les yeux que la création successive de l'univers; magnifique symbole de la formation de la société qui naît du travail graduel des hommes. Certes, voici une étrange sorte de computation, et nous ne voyons pas que la Grèce, pourtant si poétique, se soit jamais avisée de rapporter les misérables travaux du manœuvre et les soins du laboureur à la création de la lumière, et à la naissance du bœuf et de l'agneau. Étrange manière, sans doute, de faire dire au bûcheron en prenant sa cognée, ou au tisserand enlaçant

1 Variante de la fin du chapitre iv, t. II, p. 379-80.

sa navette : « C'est aujourd'hui que Dieu a planté les chênes; c'est aujourd'hui qu'il a tissu le soleil, ou croisé la trame du cœur de l'homme. >>

Enfin, voyez ces mœurs charmantes, les plus belles mœurs de la terre, les mœurs patriarcales, que la loi du Très-Haut s'est, pour ainsi dire, plu à revêtir. Les anciens vouloient qu'on ne promulguât les lois qu'au son de la lyre, Dieu a publié les siennes au bruit de la foudre. Mais cette foudre étoit comme une lyre dans les mains du père des concerts; elle faisoit résonner tous les sommets du Liban d'une symphonie majestueuse. Jéhovah avoit sans doute monté ses tonnerres, non sur ce mode terrible qui effraye les mortels coupables, mais sur cette clef qui réjouit le laboureur en lui annonçant les pluies bienfaisantes de l'été. « Le jour septième, dit la loi, tu ne feras aucun ouvrage, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ton hôte devant tes portes. » Ne voit-on pas ici tout l'Orient chenu, avec ses chameaux, son hospitalité et ses mœurs? Le mot hébreu sheguarim, qui veut dire portes, a pour racine shaguar témoigner, parce que c'étoit aux portes des cités que la justice se rendoit par les vieillards. Qui ne se rappelle sur-le-champ, par ce seul mot du décalogue, Laban aux portes de la ville, demandant aux anciens du peuple Ruth, sa parente, en mariage? Églogue admirable, à laquelle l'antiquité n'a rien à comparer. Ne voit-on pas encore le voyageur reçu d'abord aux puits des chameaux par quelque jeune fille aussi belle que Nausicaa, qui ressembloit ellemême à la tige du palmier de Délos? La fille de Bathuel, fils de Melcha, fils de Nachor, mène ensuite l'étranger à la porte de son père, rassasié de jours. Le patriarche reçoit l'étranger avec des pleurs de joie, et lui dit : « Entrez chez moi avec tous vos ânes forts, car il y a beaucoup de place ici pour le voyageur, Dieu ayant béni ma maison. >> Ceci étant fait, l'ancien des peuples entre avec son hôte; on lave ses beaux pieds dans de l'eau de fontaine, et une vierge parfaitement innocente les essuie avec une écrue d'un jeune bélier. Or, la joie a élevé en dedans une voix secrète, car les paroles du bord de la fontaine ont été ouïes, et le serviteur d'Abraham est venu demander en mariage pour Isaac la sage Rebecca, sa cousine paternelle par la couche de son oncle Nachor.

DES PLANTES

ET DE LEURS MIGRATIONS1.

Ici nous quittons la chair et le sang, les appétits grossiers, les affections animales; nous entrons dans ce règne enchanteur, où les merveilles de la Providence prennent un caractère plus suave. En s'élevant dans les airs et sur le sommet des monts, on diroit que les plantes empruntent quelque chose du ciel dont elles se rapprochent. Au lever de l'aurore, par un profond calme, voyez dans cette prairie toutes ces fleurs immobiles sur leurs tiges; elles se penchent à mille attitudes diverses, elles regardent tous les points de l'horizon. Dans ce moment même, où vous croyez que tout est tranquille, un grand mystère s'accomplit, la nature conçoit et ces plantes sont autant de jeunes mères tournées vers la région mystérieuse d'où leur doit venir la fécondité. L'une s'incline pour écouter les paroles secrètes qu'un zephyr lui révèle de la part d'une compagne ; l'autre envoie ses parfums à quelque tige aimée, comme un jeune époux répand ses désirs sur les traces d'une jeune épouse. Les ondes roulent la postérité des lis, les brises sont les berceaux où dorment les nouveau-nés des roses; une abeille cueille du miel de fleur en fleur, et sans le savoir féconde toute une prairie; un papillon porte un peuple sur son aile, un monde descend dans une goutte de rosée, les sylphes ont des sympathies aériennes, des communications moins invisibles. Cependant toutes les amours des plantes ne sont pas également tranquilles; il en est d'orageuses, comme celles des hommes : il faut des tempêtes pour marier sur des hauteurs inaccessibles le cèdre du Liban au cèdre du Sinal, tandis qu'au bas de la montagne le plus doux vent suffit pour établir entre les fleurs un commerce de volupté et favoriser le long des ruisseaux leurs générations odorantes: n'est-ce pas ainsi que le souffle des passions agite les rois de la terre sur leurs trônes, tandis que les bergers vivent heureux à leurs pieds?

La fleur donne le miel, elle est la fille du matin, le charme du printemps, la source des parfums, la grâce des vierges, l'amour des poetes; elle passe vite comme l'homme, mais elle rend doucement ses feuilles à la terre. On conserve l'essence de ses odeurs : ce sont ses pensées qui lui survivent. Chez les anciens, elle couronnoit la coupe du banquet et les cheveux blancs du sage; les premiers chrétiens en coup. 110.

1. Variante du même chapitre, t. II,

vroient les reliques des martyrs et l'autel des catacombes : aujourd'hui, et en mémoire de ces antiques jours, nous la mettons dans nos temples. Dans le monde, nous attribuons nos affections à ses couleurs : l'espérance à sa verdure, l'innocence à sa blancheur, la modestie à ses teintes de rose; il y a des nations entières où elle est l'interprète des sentiments. Toute l'Inde communique par une fleur; livre charmant, qui ne cause ni troubles ni guerres, et qui ne garde que l'histoire fugitive des révolutions du cœur. Chez les sauvages floridiens, lorsqu'un jeune homme veut déclarer son amour à une jeune fille, il se lève au milieu de la nuit, allume une torche de pin, se rend à la cabane de sa maîtresse comme un chasseur qui veut prendre une colombe au flambeau. Si la vierge réveillée couvre sa tête d'un voile, et dit : «< Guerrier, je ne te vois pas, » c'est le signe du refus; si elle éteint le flambeau, elle accepte la main du jeune homme. Alors il dépose sur la couche de sa future épouse une rose de magnolia, où le fruit mûr, semblable à un grain de corail, pend au bout d'une longue soie; c'est le symbole d'une mère qui porte à son sein l'espérance de la patrie.

On a cru longtemps que les végétations n'avoient point la faculté locomotive, et l'on se trompoit; à la vérité, ce n'est pas toujours la plante entière ou une partie de la plante qui voyage, mais seulement sa graine: c'est sa postérité qu'elle envoie peupler d'autres régions; les cocotiers sont de cette dernière espèce. On les trouve au milieu de l'Océan sur des écueils de sables; ils cachent dans leurs rameaux des fruits arrondis et pleins de lait, comme les mamelles d'une mère; ils ont filtré le sel des eaux qui baignent leurs souches en un miel délicieux. Quand la tempête survient, ils secouent leurs trésors sur les mers, et les mers les roulent à des côtes habitées, où ils se transforment en beaux arbres. Telle une petite société d'infortunés nourrit de larmes amères les doux fruits de la vertu, et ce n'est qu'au souffle de l'orage qu'elle laisse tomber ces fruits pour les hommes.

En plaçant les sexes sur des individus différents dans plusieurs familles de plantes, la Providence a multiplié les mystères et les beautés de la nature. Les colons de la Virginie croient que les érables à fleurs rouges sont des mâles, et que ceux dont la fleur est blanche sont des femelles; quoi qu'il en soit, on voit souvent dans quelque vallée des Alleghanys croître sur le même tronc deux de ces arbres solitaires. La brise, qui descend de l'escarpement de la montagne en se laissant rouler sur des nappes de verdure, et en apportant la fraîcheur des sources hautaines, tire des tiges blanches et roses des deux érables; tantôt s'inclinant pour s'unir, ils ferment leurs cimes

en berceau; tantôt s'entr'ouvrant avec lenteur, ils dévoilent l'azur céleste. Si ce n'est pas l'épouse et l'époux, du moins c'est la sœur et le frère; on les reconnoît aisément à leur air de famille et au délicieux langage du désert dar lequel ils s'entretiennent ensemble.

Sur les branches de ces érables, on aperçoit quelquefois une plante parasite qui ressemble à une joubarbe ou à une tête d'artichaut; cette plante est creuse en dedans et contient un verre d'une excellente eau. Les sauvages qui la connoissent trouvent une source dans la tige d'un arbre; mais il y a quelque chose de plus miraculeux encore : si le vent arrache ce fongus, il prend racine partout où il tombe. On en a vu qui, par un hasard singulier, sembloient s'attacher aux pas des chasseurs, comme des fontainiers voyageant à leur suite. Certes, les échansons qui marchoient autrefois avec les cours servoient aux rois des vivres bien moins rares : la Providence est le génie bienfaisant qui tous les soirs fait sortir de la terre devant le sauvage une table chargée de mets et de liqueurs.

Presque tous les arbres de la Floride et de la Louisiane, en particulier le cyprès, le cèdre et le chêne vert, sont couverts d'une espèce de mousse blanche, qui descend de l'extrémité de leurs rameaux jusqu'à terre. Quand la nuit, au clair de la lune, vous apercevez, sur la nudité d'une savane, une yeuse isolée revêtue de cette draperie, vous croiriez voir un fantôme traînant après lui ses longs voiles. La scène n'est pas moins pittoresque au grand jour, car une foule de brillants scarabées, de colibris, de petites perruches vertes, de cardinaux empourprés, viennent s'accrocher à ces mousses, et présentent avec elles l'effet d'une tapisserie en laine blanche, où l'ouvrier auroit brodé des insectes et des oiseaux éclatants.

Les Espagnols se font des lits de cette barbe des vieux chênes, et les Indiens y trouvent des maisons de campagne durant l'été. Quelquefois vous rencontrez sous ces berceaux mouvants, à l'ombre d'un cèdre, une famille de Sioux logée tout entière aux frais de la Providence.

Les mousses, en s'abaissant de toutes parts, forment les divers appartements du palais; les jeunes garçons montent sur les rameaux de l'arbre, et se couchent dans les espèces de hamac que le chevelu végétal forme en s'entrelaçant; au-dessous, au pied du tronc, habitent le père et la mère : les filles sont dans une arcade retirée. Quand Dieu envoie les vents pour balancer ce grand cèdre; que le château aérien bâti sur ses branches va flottant avec les oiseaux et les sauvages qui dorment dans ces abris; que mille soupirs sortent de tous les corridors et de toutes les voûtes du mobile édifice, les sept merveilles du monde n'ont rien de comparable à ce monument du désert.

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