Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

qui redemandoit son roi. En nous rendant le premier des biens, l'Europe fit dans ses intérêts une chose habile: consacrer le principe de la légitimité, c'étoit pour les souverains consacrer leurs droits.

Mais ce n'est pas tout qu'une déclaration de droits; il faut encore prendre les mesures qui les soutiennent, connoître le mal qui reste, prévenir celui qui peut renaître.

Tout n'a pas été fini lorsque le joug de l'usurpateur a été brisé : les triomphes disparus en France ont laissé voir la révolution cachée derrière eux. Buonaparte pendant les Cent Jours a rappelé cette révolution, son ancienne alliée; elle seroit redevenue son esclave après la victoire. Buonaparte a fui, la révolution est restée. Hâtons-nous de la renvoyer à son maître.

L'Europe à son tour délivrée de la guerre, et n'étant plus obligée de penser à sa sûreté, a vu reparoître les symptômes du mal que nous lui avons inoculé.

Que les gouvernements connoissent donc leur situation politique; que de petits détails ne les empêchent pas de voir l'ensemble des objets; qu'il n'y ait parmi nous ni ultra ni ministériels divisés, mais des François étroitement unis, lorsqu'il s'agit du roi et de la patrie.

Il n'existe aujourd'hui qu'une grande chose : le combat de l'incrédulité contre la religion, de l'esprit républicain contre l'esprit monarchique.

Les idées irréligieuses et républicaines sont plus actives dans cette lutte, parce qu'elles sont plus jeunes et qu'elles ont l'attaque.

Elles trouveroient encore un puissant appui en Amérique. L'insurrection du Brésil et des colonies espagnoles doit faire trembler tout homme sage. Une moitié du globe républicaine va se trouver en face de l'autre moitié restée monarchique. Ne vous rassurez pas sur l'étendue de la mer qui sépare les deux hémisphères : les malheurs et les passions volent plus vite que les vaisseaux. L'Europe descendit sur les rivages de l'Amérique; elle extermina les rois de ce monde nouveau. Il faudroit craindre pour les rois de l'ancien monde, si jamais l'Amérique venoit à son tour aborder en Europe, l'épée dans une main, les droits de l'homme dans l'autre.

<< Mais le Mexique, le Pérou, le Brésil seront libres et heureux comme l'Amérique septentrionale; ils ne seront plus régis par des lois tyranniques surannées? >>

D'abord, c'est une ignorance d'avancer que toutes les lois qui régissoient ces grandes colonies étoient tyranniques; et en fait de lois, les lois surannées, les vieilles lois sont ordinairement les meilleures.

Ensuite, sur cent révolutions qui arrivent chez de vieux peuples, quatre-vingt-dix-neuf sont funestes et finissent par le despotisme.

« Mais une révolution en Brésil ouvriroit une porte au commerce?» Vraiment! consolons-nous donc du sang qui va couler. Que le monde soit bouleversé; tout va bien, pourvu que des marchands s'enrichissent. Portons à Fernambourg des pacotilles de bottes et de souliers, nous en rapporterons des bonnets rouges; il y a tout à gagner pour la société à cet échange.

Je me demande souvent si l'ancien monde peut éviter une révolution générale. La chute de la religion, qui entraîne celle des lois et des mœurs, a toujours été suivie, chez les peuples, d'un bouleversement politique. Quand le polythéisme tomba, l'empire romain, c'est-àdire le monde, fut renversé.

La religion chrétienne, à qui la parole de Dieu assure une éternelle durée, s'établira chez des nations où elle n'existe pas encore; mais elle menace de quitter l'Europe. Or, c'est depuis que le principe chrétien est affoibli, que la France a été bouleversée, que tant de gouvernements semblent menacer ruine.

Je crois donc à des modifications politiques assez générales; mais je pense qu'avec de la raison et de la sagesse on peut éviter les maux qui résulteroient d'une chute violente. Je pense qu'avec de l'habileté on peut arriver au but par une progression insensible: on s'y reposera si l'on y descend, on s'y brisera si l'on y tombe.

On ne s'arrête pas, dit-on, sur une pente rapide. Cela est vrai pour le foible, cela n'est pas vrai pour le fort. L'homme robuste s'accroche aux rochers, s'assied, reprend haleine; il attend que ses forces soient réparées par un vigoureux effort, il peut quelquefois remonter la pente, regagner le terrain perdu.

Voici les ressources:

L'esprit du siècle est républicain; mais les mœurs sont en contradiction avec l'esprit du siècle. On peut avoir les goûts républicains, mais on n'a pas les vertus républicaines lorsqu'on a besoin de luxe, de jeux, de théâtres, en un mot de tous les plaisirs nécessaires aux peuples corrompus par une longue civilisation.

De cet esprit indépendant, de ces mœurs qui tendent à l'obéissance, se forme le caractère du siècle.

Ainsi, dans notre révolution on nous a vus passer de la licence la plus effrénée à la plus lâche servitude, selon que notre esprit et nos mœurs l'emportoient dans la lutte où nous étions engagés.

Voilà ce que les gouvernements monarchiques doivent connaître: l'esprit du siècle est contre eux, les mœurs du siècle sont pour eux.

Ce contre-poids sciemment employé doit faire pencher la balance du côté des trônes. Mais il faut savoir comment on manie cet esprit et ces mœurs : une erreur per droit tout. Si l'Europe ne peut être républicaine à cause de ses mœurs, elle peut toutefois tenter de le devenir. Cet essai amèneroit des malheurs épouvantables.

Il y a deux moyens sûrs, quoique opposés, de produire une révolution :

Le premier pèche par excès: il consiste à contrarier en tout l'esprit de son siècle. On prévient cet excès en donnant au peuple les libertés politiques que le siècle réclame.

Le second moyen de révolution pèche par défaut. Il résulte d'une condescendance funeste pour les hommes qui font le plus de mal à la société.

Ainsi, soyez généreux pour les choses, précautionnés pour les hommes. Accordez à la raison, au progrès des lumières, à l'esprit du siècle tout ce qu'il faut lui accorder; mais ne cédez jamais sur les principes de morale et de religion qui doivent se trouver dans les agents que vous employez. Faites la part au temps, à l'invincible nécessité. Par delà cette part, tout doit être donné à la justice, non à cette justice rigoureuse qui élève des échafauds et passe partout où le crime a passé, mais de cette justice morale qui consiste à préférer le bon au méchant, le sujet fidèle au traître, l'homme qui a tenu ses serments à celui qui les a violés tous.

C'est ainsi que l'Europe pourra devenir constitutionnelle sans devenir gothique ou républicaine, deux sortes d'états qu'elle ne supporteroit pas; le premier est repoussé par son esprit, le second par ses mœurs. C'est ainsi que les monarchies pourront subsister avec des chartes, si en même temps on ne confie l'exécution de ces chartes qu'à des mains fidèles.

Il faudra fortifier aussi le côté aristocratique des institutions pour mieux défendre la royauté contre l'invasion populaire.

L'Angleterre, selon moi, vient de faire une chose bonne et une chose nuisible pour elle.

Le parlement a repoussé le bill d'élection, et en cela a bien combattu l'esprit républicain du siècle; mais il a rejeté le bill des catholiques, et par là il me semble avoir contrarié les mœurs du siècle qui inclinent à la tolérance.

Enfin, pour maintenir les monarchies, il faut surtout que les rois consentent à être rois; il faut qu'ils croient en leur propre pouvoir, s'ils veulent que leurs sujets y croient. C'est la foi qui sauve.

J'entends dire « Les rois étrangers s'embarrassent peu des révo

lutionnaires de leur pays; ils ont de bonnes armées, qui mettroient les rebelles à la raison. »>

Louis XVI, en 1789, avoit aussi de bons soldats.

J'entends dire encore : « L'Europe ne craint nullement les jacobins de France. S'il y avoit un mouvement, dans huit jours les alliés seroient à Paris. »

La Russie, la Prusse, l'Autriche, l'Espagne, qui ont si noblement secoué le joug de l'oppresseur de l'Europe, savent, par ce qu'elles ont fait elles-mêmes, qu'on ne prive pas pour longtemps une grande nation de son indépendance. C'est avec les honnêtes gens de la France que les alliés veulent et doivent combattre les révolutionnaires françois.

La France, de toutes façons, n'a donc rien à redouter, pourvu que l'on sache profiter de ses ressources et que l'on connoisse son génie.

Cette France est un singulier pays! Vous semble-t-elle abattue, soyez tranquilles un mot la relèvera; quelques gouttes de pluie y sèmeront des trésors, un coup de canon la couvriroit de soldats. Aimons donc Ja France, et le roi qui est toute la France.

LETTRE SUR LES TUILERIES.

AU RÉDACTEUR DE L'ARTISTE.

12 avril 1831.

J'ai lu dans votre journal un judicieux article au sujet des changements que l'on prétend opérer dans le château des Tuileries. Des réclamations se sont élevées de toutes parts. Chacun a cru pouvoir proposer son plan. Voici, monsieur, sans autre préambule, quel seroit le mien, si j'étois architecte ou roi.

J'abattrois les deux adjonctions massives qui lient le pavillon Marsan et le pavillon de Flore au palais de Philibert Delorme. J'isolerois ce charmant palais et j'étendrois le jardin à l'entour jusqu'à la huitième arcade au delà de la grille qui ferme la cour sur la place du Carrousel. Lorsque les deux adjonctions seroient démolies, il resteroit nécessairement au château des Tuileries deux façades nues, l'une au midi et l'autre au nord. Je les ornerois dans le style de l'édifice primitif; je raserois les toits de cet édifice, qui se couronneroit de ses balustrades

en diminuant la hauteur du pavillon du milieu, surchargé de constructions postœuvres.

Cela fait, monsieur, je jetterois par terre le pavillon Marsan et le pavillon de Flore; je couperois de la galerie du Louvre et de la galerie correspondante sur la rue de Rivoli trois arcades pour élever en leur place deux pavillons harmoniés avec le palais isolé des Tuileries, pavillons auxquels viendroient s'appuyer et se terminer les deux longues galeries parallèles. Si ces pavillons étoient bâtis sur l'emplacement des masses carrées que je veux extirper, ils masqueroient latéralement le chef-d'œuvre de Philibert Delorme, et l'on viendroit toujours, en passant le Pont-Royal, se casser le nez contre un mur. Les deux nouveaux pavillons bâtis en retrait découvriroient un ensemble d'architecture se jouant au milieu des arbres.

Lorsque je porte le jardin des Tuileries jusqu'à la huitième arcade au delà de la grille du Carrousel, c'est que je veux faire entrer l'Arc de Triomphe dans le jardin même; trop petit comme monument dans un immense forum, il seroit charmant comme fabrique dans un jardin. Ce jardin seroit clos sur le Carrousel par une grille de fer dorée.

A partir de la porte bâtie qui sépare la nouvelle et l'ancienne galerie du Louvre, je planterois un autre jardin en faisant disparoître l'amas de maisons qui encombrent le reste de la place. Ainsi, quand on iroit d'une rive de la Seine à l'autre, du quartier Saint-Germain au quartier Saint-Honoré, on passeroit entre deux magnifiques palais et deux superbes jardins. L'espace entre les deux grilles seroit d'environ trois cent soixante-quinze pieds, ce qui permettroit d'établir de larges trottoirs à l'orée des deux grilles.

Il ne m'en coûte pas davantage, monsieur, puisque j'ai le marteau, la truelle et la bêche à la main, d'achever mon ouvrage.

A l'est, en face de la colonnade du Louvre, je renverse ces laides habitations qui cachent la rivière et le Pont-Neuf et qui font la moue au chef-d'œuvre de Perrault; j'arrache les masures accolées dans les angles et aux murs de Saint-Germain-l'Auxerrois; j'entoure d'arbres cette basilique, et je la laisse subsister comme mesure et échelle de l'art et des siècles en face de la colonnade du Louvre.

A l'ouest, au delà du jardin des Tuileries, j'exécute bien autre chose, monsieur; au milieu de la place Louis XV je fais jaillir une grande fontaine dont les eaux perpétuelles, reçues dans un bassin de marbre noir, indiqueront assez ce que je veux laver. Quatre autres fontaines plus petites, aux quatre angles de la place, accompagneront cette fontaine centrale. J'appliquerai sur les deux massifs d'arbres des ChampsÉlysées, à droite et à gauche, deux colonnades doubles à jour pour

« ZurückWeiter »