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voulu achever par la force ce qu'ils avoient commencé par la corruption, obtiendroient-ils la sanction des pairs et des députés?

«Eh quoi! leur diroit-on justement à la tribune, la loi actuelle sur la liberté de la presse ne vous a pas suffi, cette loi qui donne au gouvernement le droit de refuser l'autorisation d'établir un nouveau journal, qui accorde aux tribunaux le pouvoir de supprimer un journal existant, de confisquer une propriété, contre le texte précis d'un article de la Charte! La plupart des feuilles publiques ont été achetées par vous ou par vos amis qu'aviez-vous donc fait pour vous effrayer de trois journaux qui restoient libres? Ne pouviez-vous vous contenter de la corruption et des procès en tendance? Certes, cette censure étoit assez rigoureuse! >>

Entêté ainsi qu'il l'est de ses systèmes, le ministère actuel, s'il existe à la session prochaine, représentera-t-il sa loi des rentes? Cette loi sera-t-elle encore attachée à l'idée d'une loi en faveur des émigrés, comme une preuve de cette fatalité qui poursuit quelquefois les plus nobles infortunes? Mais cette loi sur les rentes ou sera la même, ou sera modifiée si elle est la même, elle rencontrera les mêmes obstacles; si elle est modifiée, pourquoi n'avoir pas admis les amendements proposés dans l'une et l'autre chambre? Au reste, ne préjugeons rien ; car si la rente tomboit au-dessous du pair, on seroit dans l'impossibilité de revenir à une mesure désastreuse sous tous les rapports.

Pour s'assurer de la majorité dans la chambre héréditaire, fera-t-on, comme on nous er menace, une nomination de soixante ou de cent pairs? Où les prendra-t-on, ces pairs? Dans la chambre élective? Mais alors il faudra des réélections, et on les redoute. Dans les propriétaires, dans les notabilités des provinces et de la capitale? Mais croit-on que des pairs choisis dans la chambre élective ou ailleurs soient si prompts à soumettre leur conscience à ce qu'il plaira aux ministres de leur faire voter? Après avoir tant crié contre un exemple fatal donné par un autre ministère, un ministère royaliste commettroit-il la même faute? A-t-on oublié que la majorité de la chambre des pairs ne fut pas brisée, comme on l'avoit espéré, en recourant à une mesure subversive de la charte; que le lendemain de leur nomination, les nouveaux pairs firent céder le sentiment de la reconnoissance aux intérêts de la patrie? Un second exemple a confirmé ce que le premier nous avoit appris.

Et voilà ce qu'il y a d'admirable dans nos institutions! elles portent en elles-mêmes leur principe de conservation. Au moment où l'on prétend s'en servir pour en abuser, elles fournissent le remède contre le mal que l'on médite. Cherchez dans les dernières classes de

la société un homme sans nom et sans fortune; faites-le pair, et à l'instant il réclamera l'indépendance et la dignité du rang où vous l'aurez élevé. Que pouvez-vous contre lui? Investi d'une portion de la souveraineté émanée du monarque, il est au-dessus de vos ressentiments: vous passerez, et il transmettra à sa postérité sa puissance héréditaire.

Où en serions-nous enfin, que deviendroit la France si pour faire adopter une loi, si pour maintenir des ministres dans leur place ces ministres attaquoient sans cesse les principes de nos institutions, cassant la chambre des députés, augmentant à l'infini la chambre des pairs, compromettant la prérogative royale et ne sauvant leur existence qu'au prix de celle de la Charte? Mieux vaudroit déclarer qu'on ne veut point de monarchie représentative.

Tous les ministères précédents ont été renversés pour avoir voulu gouverner contre l'esprit de nos institutions; celui-ci, engagé sur la même pente, tombera dans le même abîme. Qu'on prenne les discours des ministres actuels; qu'on lise ce qu'ils ont dit sur la liberté de la presse, sur celle des élections, sur la centralisation administrative, sur la nécessité d'une loi communale, sur le devoir de ne placer que des hommes d'une fidélité éprouvée, sur l'instruction publique, sur l'amélioration à apporter au sort du clergé, et demandez-leur ce qu'ils ont fait pour rendre leurs actions conformes à leurs paroles.

Mais ce qui étoit mauvais, dangereux sous des ministres auxquels, à tort ou à raison, on refusoit le nom de royalistes l'est bien autrement sous un pouvoir qui se pare de ce beau titre. Qui pourra-t-on croire désormais quand on voit des hommes en qui l'opinion monarchique avoit placé toute sa confiance fuir devant leurs engagements, oublier leurs principes et ne rien faire de ce qu'ils avoient promis?

Walpole chercha en Angleterre à fonder sa puissance sur la corruption; il ne put faire un grand mal, car il trouva pour lui résister la fortune individuelle. Une aristocratie puissante n'avoit pas besoin de billets de banque, dont il marquoit quelquefois les passages des livres qu'il envoyoit à ses créatures.

Mais si on essayoit de transporter un tel système en France, il indiqueroit dans les imitateurs un esprit bien plus fatal que celui dont le ministre britannique étoit animé. Ces imitateurs rencontreroient pour obstacles à leur dessein non des richesses, mais des vertus; car la noble indigence de presque tous les François ne laisse parmi nous que des vertus à séduire.

Nous ne croyons pas à cette conjuration diabolique pour corrompre le peuple le plus désintéressé qui soit sur la terre; nous ne pensons

pas qu'elle pût réussir; mais, enfin, supposons un moment qu'elle existe, admettons un moment son succès, quel en seroit le résultat? Nos institutions crouleroient sans doute; mais passerions-nous sous la domination du génie? Non : nous nous trouverions en face de la médiocrité effrayée de ses propres œuvres, ne sachant pas plus administrer la servitude que la liberté, et aussi incapable de gouverner ce qu'elle auroit fait que ce qu'elle auroit détruit.

La monarchie s'est rétablie sans efforts en France, parce qu'elle est de droit parmi nous, parce qu'elle est forte de toute notre histoire, parce que la couronne est portée par une famille qui a presque vu naître la nation, qui l'a formée, civilisée, qui lui a donné toutes ses libertés, qui l'a rendue immortelle; mais le temps a réduit cette monarchie à ce qu'elle a de réel. L'âge des fictions est passé en politique; on ne peut plus avoir un gouvernement d'adoration, de culte et de mystère chacun connoît ses droits; rien n'est possible hors des limites de la raison; et jusqu'à la faveur, dernière illusion des monarchies absolues, tout est pesé, tout est apprécié aujourd'hui.

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Ne nous y trompons pas une nouvelle ère commence pour les nations. Sera-elle heureuse? La Providence le sait. Quant à nous, il ne nous est donné que de nous préparer aux événements de l'avenir, que de pressentir ce qui sera, pour éviter des résistances inutiles.

L'homme qui pouvoit seul retarder le mouvement du siècle n'est plus; le bras qui fendit les rochers du Simplon pour tracer un chemin à notre gloire a été brisé à son tour; le formidable oppresseur des libertés publiques a été jeté, pour mourir, aux pieds des peuples du NouveauMonde, où ces libertés fermentent; mais en passant il a mûri le siècle; lui-même, au milieu des vieux empires, étoit une étonnante nouveauté; et s'il génoit par son despotisme le développement des idées, il favorisoit par son côté extraordinaire ce qu'il y avoit de grand et d'inconnu dans l'esprit des temps.

L'Atlantique n'est plus qu'un ruisseau que l'on passe dans quelques jours; l'influence de la politique des États qui peuvent s'établir en Amérique se fera sentir en Europe: celle-ci a déja changé.

Affranchie de la tutelle de notre épée, l'Allemagne n'a repris que la moitié de sa gothique constitution; le lien fédératif s'est renoué d'une autre manière; des gouvernements représentatifs sont venus se placer dans l'union. L'Italie s'est agitée; mais en voulant réparer ses ruines elle les a fait tomber sur elle. Le Portugal a rétabli son ancienne constitution représentative. L'Espagne, qui avoit pris d'abord la révolution pour la liberté, tôt ou tard retrouvera celle-ci dans ses vieilles cortès. L'Espagnol n'est jamais pressé : ce qu'il ne fait pas aujourd'hui, il le

fera demain; et, dans sa résignation chrétienne, il a quelque chose de la patience du Dieu dont il attend les ordres.

De tels signes ne peuvent laisser de doutes sur le mouvement général des esprits. La France a payé cher ses libertés publiques: heureux les autres peuples si, avertis par son exemple, ils arrivent au même bien avec moins de malheurs!

Ne nous figurons pas que nous puissions rétrograder : il n'y a de salut pour nous que dans la Charte. Qu'avons-nous fait depuis dix ans que nous luttons contre l'esprit de nos institutions? Nous n'avons réussi qu'à mettre la France dans un état de gêne insupportable : essayons de la bonne foi, ne fût-ce que comme un moyen nouveau d'administration.

Nous l'espérons le système antinational, antifrançois que l'on a suivi jusque ici expirera avec le présent ministère. Tous les hommes valant quelque chose, las de tant de déceptions, las de se faire une guerre qui ne tourne qu'à leur détriment, qu'à l'affoiblissement de l'État, sont prêts à se réunir dans un amour sincère de la légitimité et des libertés publiques.

La monarchie constitutionnelle n'est point née parmi nous d'un système écrit, bien qu'elle ait un code imprimé : elle est fille du temps et des événements, comme l'ancienne monarchie de nos pères. Nous ne sommes plus dans l'âge de la république par nos mœurs, ni dans celui du gouvernement absolu par nos lumières. Toutes les fois qu'on voudra nous conduire à la démocratie ou au despotisme, on trouvera une résistance nationale qui ramènera au gouvernement mixte, parce que nous sommes arrivés à cet état tempéré dans l'ordre social, qui nous rend le joug populaire et le pouvoir arbitraire d'un seul également insupportables.

La Charte n'est contraire à aucun principe monarchique, quoi qu'en puissent dire les esprits étroits ou passionnés ; la religion doit en faire la base; le clergé doit y trouver sa considération et l'autorité royale y puiser une force nouvelle. En embrassant avec sincérité la monarchie représentative, en ne repoussant aucune de ses conséquences, en gouvernant dans le sens de nos institutions, sans dessein caché, sans arrière-pensée, notre chère et belle patrie s'élèvera bientôt au comble de la prospérité.

Il y a d'autres hommes qui craignent pour la liberté ; ils doutent qu'elle puisse jamais s'établir parmi nous au milieu des doubles ruines de la république et de l'empire. Ces hommes sont trop sensibles aux apparences; ils prennent les fautes du gouvernement pour des obstacles inhérents à notre position. Pourquoi la liberté ne se main

tiendroit-elle pas dans l'édifice élevé par le despotisme et où il a laissé quelques traces? La victoire, pour ainsi dire parée des trois couleurs, s'est réfugiée dans la tente du duc d'Angoulême; la légitimité habite le Louvre, bien qu'on y voie encore des aigles et les insignes de l'usurpation.

Paris, 29 juin 1825.

Paris a vu ses dernières fêtes; le roi est parti. L'événement politique et religieux, l'époque d'indulgence, de réconciliation, de faveur, le sacre, en un mot, qui, par sa nature même, a tant favorisé les projets ministériels, est passé. Déjà la triste vérité reste seule devant nous, dépouillée des illusions dont on l'avoit environnée pour la rendre un moment supportable. Nous nous retrouvons face à face d'une administration repoussée de la France entière, d'un crédit ébranlé, d'un amortissement dénaturé, sans que les divisions aient cessé, sans que les inquiétudes qui sont au fond des cœurs se soient dissipées.

De quelle espérance bercera-t-on à présent l'avenir? Avec quoi fera1-on prendre patience à l'opinion? Quels sont les projets désastreux que l'on invitera à voter dans l'attente d'une félicité prochaine et réparatrice? La royauté a désormais tout son lustre; ce qui la regarde est accompli : le cours des choses ordinaires a recommencé pour n'être plus interrompu. La monarchie n'aura plus d'occasion de reprendre, pour ainsi dire, la vie dans elle-même, dans sa propre essence. Il faut que tout lui vienne maintenant de l'administration et des lois. Malheureusement, avec le système que l'on a suivi jusque ici, comment conserver tous les résultats heureux de la consécration du roi par les mains de la Religion? Qu'a-t-on fait de ceux de cette autre consécration que M. le dauphin a reçue des mains de la Gloire ?

Nous l'avons dit et répété : toutes les fois que le roi est appelé à se montrer seul sur la scène, sa raison supérieure et sa magnanimité se manifestent.

Charles X arrive au trône : il trouve les libertés publiques follement violées par une double insulte à la magistrature et aux droits de tous les citoyens. Que fait-il? Il abolit la censure: les bénédictions de la France accompagnent cet acte royal.

Charles X vient à Reims sanctifier de nouveau la couronne de saint Louis. Les fauteurs d'un ignoble despotisme se flattoient déjà de l'espoir de voir briser le pacte social. Que fait le roi? Il jure sur l'Évangile de maintenir la Charte constitutionnelle : et la servitude reste écrasée sous le poids de ce serment chrétien.

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