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nous ne nous connoissons nous-mêmes que par Jésus-Christ.

Sans Jésus-Christ il faut que l'homme soit dans le vice et dans la misère; avec Jésus-Christ l'homme est exempt de vice et de misère. En lui est tout notre bonheur, notre vertu, notre vie, notre lumière, notre espérance; et hors de lui, il n'y a que vice, misère, ténèbres, désespoir, et nous ne voyons qu'obscurité et confusion dans la nature de Dieu et dans notre propre nature.

ARTICLE XVI.

PENSÉES SUR LES MIRACLES.

I.

Il faut juger de la doctrine par les miracles; il faut juger des miracles par la doctrine. La doctrine discerne les miracles, et les miracles discernent la doctrine. Tout cela est vrai; mais cela ne se contredit pas.

II.

Il y a des miracles qui sont des preuves certaines de la vérité; et il y en a qui ne sont pas des preuves certaines de la vérité. Il faut une marque pour les connoître; autrement ils seroient inutiles. Or, ils ne sont pas inutiles, et sont au contraire fondements. Il faut donc que

la règle qu'on nous donne soit telle, qu'elle ne détruise pas la preuve que les vrais miracles donnent de la vérité, qui est la fin principale des miracles.

S'il n'y avoit point de miracles joints à la fausseté, il y auroit certitude. S'il n'y avoit point de règle pour les discerner, les miracles seroient inutiles, et il n'y auroit pas de raison de croire.

Moïse en a donné une, qui est lorsque le miracle mène à l'idolâtrie (Deut. 13, 1, 2, 3); et Jésus-Christ une: Celui, dit-il, qui fait des miracles en mon nom, ne peut à l'heure méme mal parler de moi. (Marc, 9, 38.) D'où il s'ensuit que quiconque se déclare ouvertement contre JésusChrist ne peut faire de miracles en son nom. Ainsi, s'il en fait, ce n'est point au nom de Jésus-Christ, et il ne doit pas être écouté. Voilà les occasions d'exclusion à la foi des miracles, marquées. Il ne faut pas y donner d'autres exclusions. Dans l'ancien Testament, quand on vous détournera de Dieu; dans le nouveau, quand on vous détournera de Jésus-Christ.

D'abord donc qu'on voit un miracle, il faut, ou se soumettre, ou avoir d'étranges marques du contraire; il faut voir si celui qui le fait nie un Dieu, ou Jésus-Christ et l'Église.

III.

Toute religion est fausse, qui, dans sa foi, n'adore pas un Dieu, comme principe de toutes choses, et qui, dans sa morale, n'aime pas un

seul Dieu, comme objet de toutes choses. Toute religion qui ne reconnoît pas maintenant JésusChrist est notoirement fausse, et les miracles ne peuvent lui servir de rien.

Les Juifs avoient une doctrine de Dieu, comme nous en avons une de Jésus-Christ, et confirmée par miracles; et défense de croire à tous faiseurs de miracles qui leur enseigneroient une doctrine contraire; et, de plus, ordre de recourir aux grands-prêtres, et de s'en tenir à eux. Et ainsi toutes les raisons que nous avons pour refuser de croire les faiseurs de miracles, il semble qu'ils les avoient à l'égard de Jésus-Christ et des apôtres.

Cependant il est certain qu'ils étoient trèscoupables de refuser de les croire, à cause de leurs miracles, puisque Jésus-Christ dit qu'ils n'eussent pas été coupables s'ils n'eussent point vu ses miracles: Si opera non fecissem in eis quæ nemo alius fecit, peccatum non haberent. (Joan. 15, 24.) Si je n'avois fait parmi eux des œuvres que jamais aucun autre n'a faites, ils n'auroient point de péché.

Il s'ensuit donc qu'il jugeoit que ses miracles étoient des preuves certaines de ce qu'il enseignoit, et que les Juifs avoient obligation de le croire. Et, en effet, c'est particulièrement les miracles qui rendoient les Juifs coupables dans leur incrédulité. Car les preuves qu'on eût pu tirer de l'Ecriture, pendant la vie de JésusChrist, n'auroient pas été démonstratives. On y

PENSÉES.

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voit, par exemple, que Moïse a dit qu'un prophète viendroit; mais cela n'auroit pas prouvé que Jésus-Christ fût ce prophète ; et c'étoit toute la question. Ces passages faisoient voir qu'il pouvoit être le Messie; et cela, avec ses miracles, devoit déterminer à croire qu'il l'étoit effecti

vement.

IV.

Les prophéties seules ne pouvoient pas prouver Jésus-Christ pendant sa vie. Et ainsi on n'eût pas été coupable de ne pas croire en lui avant sa mort, si les miracles n'eussent pas été décisifs. Donc les miracles suffisent, quand on ne voit pas que la doctrine soit contraire; et on doit croire.

y

Jésus-Christ a prouvé qu'il étoit le Messie, en vérifiant plutôt sa doctrine et sa mission par ses miracles que par l'Écriture et par les prophéties.

C'est par les miracles que Nicodême reconnoît que sa doctrine est de Dieu : Scimus quia à Deo venisti magister; nemo enim potest hæc signa facere quæ tu facis, nisi fuerit Deus cum eo. (Joan. 3,2.) Il ne juge pas des miracles par la doctrine, 'mais de la doctrine par les miracles.

Ainsi, quand même la doctrine seroit suspecte, comme celle de Jésus-Christ pouvoit l'être à Nicodême, à cause qu'elle sembloit détruire les traditions des Pharisiens; s'il y a des miracles clairs et évidents du même côté, il faut dence du miracle l'emporte sur ce qu'il pourroit y avoir de difficulté de la part de la doctrine : ce

que

l'évi

qui est fondé sur ce principe immobile, que Dieu ne peut induire en erreur.

Il y a un devoir réciproque entre Dieu et les hommes. Accusez-moi, dit Dieu dans Isaïe. (Is. 1, 18.) Et en un autre endroit : Qu'ai-je dú faire à ma vigne que je ne lui aie fait? (Ibid. 5, 4.)

Les hommes doivent à Dieu de recevoir la religion qu'il leur envoie. Dieu doit aux hommes de ne pas les induire en erreur. Or, ils seroient induits en erreur, si les faiseurs de miracles annonçoient une fausse doctrine qui ne parût pas visiblement fausse aux lumières du sens commun, et si un plus grand faiseur de miracles n'avoit déjà averti de ne pas les croire. Ainsi, s'il y avoit division dans l'Église, et que les ariens, par exemple, qui se disoient fondés sur l'Écriture comme les catholiques, eussent fait des miracles, et non les catholiques, on eût été induit en erreur. Car, comme un homme qui nous annonce les secrets de Dieu, n'est pas digne d'être cru sur son autorité privée : aussi un homme qui, pour marque de la communication qu'il a avec Dieu, ressuscite les morts, prédit l'avenir, transporte les montagnes, guérit les maladies, mérite d'être cru; et on est impie si on ne s'y rend, à moins qu'il ne soit démenti par quelque autre qui fasse encore de plus grands miracles.

Mais n'est-il pas dit que Dieu nous tente? Et ainsi ne peut-il pas nous tenter par des miracles qui semblent porter à la fausseté?

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