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De même, ce qui fait qu'on croit tant de faux effets de la lune, c'est qu'il y en a de vrais, comme le flux de la mer.

Ainsi il me paroît aussi évidemment qu'il n'y a tant de faux miracles, de fausses révélations, de sortiléges, etc., que parce qu'il y en a de vrais; ni de fausses religions, que parce qu'il y en a une véritable. Car s'il n'y avoit jamais eu rien de tout cela, il est comme impossible que les hommes se le fussent imaginé, et encore plus que d'autres l'eussent cru. Mais comme il y a eu de très-grandes choses véritables, et qu'ainsi elles ont été crues par de grands hommes, cette impression a été cause que presque tout le monde s'est rendu capable de croire aussi les fausses. Et ainsi, au lieu de conclure qu'il n'y a point de vrais miracles, puisqu'il y en a de faux, il faut dire, au contraire, qu'il y a de vrais miracles, puisqu'il y en a tant de faux; et qu'il n'y en a de faux que par cette raison qu'il y en a de vrais ; et qu'il n'y a de même de fausses religions que parce qu'il y en a une véritable. Cela vient de ce que l'esprit de l'homme, se trouvant plié de ce côté-là par la vérité, devient susceptible par là de toutes les faussetés.

VIII.

Il est dit, Croyez à l'Église ; mais il n'est pas dit, Croyez aux miracles; à cause que le dernier est naturel, et non pas le premier. L'un avoit besoin de précepte, non pas l'autre.

Il y a si peu de personnes à qui Dieu se fasse paroître par ces coups extraordinaires, qu'on doit bien profiter de ces occasions, puisqu'il ne sort du secret de la nature qui le couvre que pour exciter notre foi à le servir avec d'autant plus d'ardeur, que nous le connoissons avec plus de certitude.

Si Dieu se découvroit continuellement aux hommes, il n'y auroit point de mérite à le croire; et s'il ne se découvroit jamais, il y auroit peu de foi. Mais il se cache ordinairement, et se découvre rarement à ceux qu'il veut engager dans son service. Cet étrange secret, dans lequel Dieu s'est retiré, impénétrable à la vue des hommes, est une grande leçon pour nous porter à la solitude, loin de la vue des hommes. Il est demeuré caché sous le voile de la nature, qui nous le couvre, jusques à l'incarnation; et quand il a fallu qu'il ait paru, il s'est encore plus caché en se couvrant de l'humanité. Il étoit bien plus reconnoissable quand il étoit invisible que non pas quand il s'est rendu visible. Et enfin, quand il a voulu accomplir la promesse qu'il fit à ses apôtres de demeurer avec les hommes jusqu'à son dernier avénement, il a choisi d'y demeurer dans le plus étrange et le plus obscur secret de tous, savoir, sous les espèces de l'Eucharistie. C'est ce sacrement que saint Jean appelle dans l'Apocalypse une manne cachée (Apoc. 2, 17); et je crois qu'Isaïe le voyoit en cet état, lorsqu'il dit en esprit de prophétie : Véritablement vous

étes un Dieu caché. (Isaïe, 45, 15.) C'est là le dernier secret où il peut être. Le voile de la nature qui couvre Dieu a été pénétré par plusieurs infidèles, qui, comme dit saint Paul (Rom. 1, 20), ont rconnu un Dieu invisible par la nature visible. Beaucoup de chrétiens hérétiques l'ont connu à travers son humanité, et adorent Jésus-Christ Dieu et homme. Mais pour nous, nous devons nous estimer heureux de ce que Dieu nous éclaire jusqu'à le reconnoître sous les espèces du pain et du vin.

On peut ajouter à ces considérations le secret de l'esprit de Dieu caché encore dans l'Écriture. Car il y a deux sens sens parfaits, le littéral et le mystique; et les Juifs, s'arrêtant à l'un, ne pensent pas seulement qu'il y en ait un autre, et ne songent pas à le chercher : de même que les impies, voyant les effets naturels, les attribuent à la nature, sans penser qu'il y en ait un autre auteur: et comme les Juifs, voyant un homme parfait en Jésus-Christ, n'ont pas pensé à y chercher une autre nature: Nous n'avons point pensé que ce fût lui, dit encore Isaïe ( Is. 53, 3): et de même enfin que les hérétiques, voyant les apparences parfaites du pain dans l'Eucharistie, ne pensent pas à y chercher une autre substance. Toutes choses couvrent quelque mystère; toutes choses sont des voiles qui couvrent Dieu. Les chrétiens doivent le reconnoître en tout. Les afflictions temporelles couvrent les biens éternels où elles conduisent. Les joies temporelles couvrent les

maux éternels qu'elles causent. Prions Dieu de nous le faire reconnoître et servir en tout; et rendons-lui des grâces infinies de ce qu'étant caché en toutes choses pour tant d'autres, il s'est découvert en toutes choses et en tant de manières pour nous.

IX.

Les filles de Port-Royal, étonnées de ce qu'on dit qu'elles sont dans une voie de perdition; que leurs confesseurs les mènent à Genève; qu'ils leur inspirent que Jésus-Christ n'est pas en l'Eucharistie, ni à la droite du Père: sachant que tout cela étoit faux, s'offrirent à Dieu en cet état, en lui disant avec le prophète : Vide si via iniquitatis in me est. (Ps. 138, 24. ) Qu'arrivet-il là-dessus? Ce lieu, qu'on dit être le temple du diable, Dieu en fait son temple. On dit qu'il faut en ôter les enfants; on dit que c'est l'arsenal de l'enfer: Dieu en fait le sanctuaire de ses grâces. Enfin on les menace de toutes les fureurs et de toutes les vengeances du ciel, et Dieu les comble de ses faveurs. Il faudroit avoir perdu le sens pour en conclure qu'elles sont dans la voie de perdition.

Les jésuites n'ont pas laissé néanmoins d'en tirer cette conclusion; car ils concluent de tout que leurs adversaires sont hérétiques. S'ils leur reprochent leurs excès, ils disent qu'ils parlent comme des hérétiques. S'ils disent que la grâce de Jésus nous discerne, et que notre salut dépend de Dieu, c'est le langage des hérétiques.

S'ils disent qu'ils sont soumis au pape; c'est ainsi, disent-ils, que les hérétiques se cachent et se déguisent. S'ils disent qu'il ne faut pas tuer pour une pomme; ils combattent, disent les jésuites, la morale des catholiques. Enfin, s'il se fait des miracles parmi eux, ce n'est pas une marque de sainteté ; c'est au contraire un soupçon d'hérésie.

Voilà l'excès étrange où la passion des jésuites les a portés ; et il ne leur restoit plus que cela pour détruire les principaux fondements de la religion chrétienne. Car les trois marques de la véritable relation sont la perpétuité, la bonne vie et les miracles. Ils ont déjà détruit la perpétuité par la probabilité, qui introduit leurs nouvelles opinions à la place des vérités anciennes; ils ont détruit la bonne vie par leur morale corrompue et maintenant ils veulent détruire les miracles en détruisant ou leur vérité, ou leur conséquence.

Les adversaires de l'Église les nient, ou en nient la conséquence : les jésuites de même. Ainsi, pour affoiblir leurs adversaires, ils désarment l'Église, et se joignent à tous ses ennemis, en empruntant d'eux toutes les raisons par lesquelles ils combattent les miracles, Car l'Église a trois sortes d'ennemis les Juifs, qui n'ont jamais été de son corps; les hérétiques, qui s'en sont retirés; et les mauvais chrétiens, qui la déchirent en dedans.

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Ces trois sortes de différents adversaires la

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