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CVII.

S'il ne falloit rien faire que pour le certain (114), on ne devroit rien faire pour la religion; car elle n'est pas certaine. Mais combien de choses fait-on pour l'incertain, les voyages sur mer, les batailles! Je dis donc qu'il ne faudroit rien faire du tout, car rien n'est certain; et il y a plus de certitude à la religion qu'à l'espérance que nous voyions le jour de demain: car il n'est pas certain que nous voyions demain; mais il est certainement possible que nous ne le voyions pas. On n'en peut pas dire autant de la religion. Il n'est pas certain qu'elle soit; mais qui osera dire qu'il est certainement possible qu'elle ne soit pas? Or, quand on travaille pour demain et pour l'incertain, on agit

avec raison.

CVIII.

Les inventions des hommes vont en avançant de siècle en siècle (115). La bonté et la malice du monde en général reste la même.

CIX.

Il faut avoir une pensée de derrière (116), et juger du tout par là en parlant cependant comme le peuple.

CX.

La force est la reine du monde, et non pas

l'opinion; mais l'opinion est celle qui use de la force (*).

CXI.

Le hasard donne les pensées; le hasard les ôte ; point d'art pour conserver ni pour acquérir.

CXII.

Vous voulez que l'Église ne juge ni de l'intérieur, parce que cela n'appartient qu'à Dieu, ni de l'extérieur, parce que Dieu ne s'arrête qu'à l'intérieur; et ainsi, lui ôtant tout choix des hommes, vous retenez dans l'Église les plus débordés, et ceux qui la déshonorent si fort, que les synagogues des Juifs et les sectes des philosophes les auroient exilés comme indignes, et les auroient abhorrés.

CXIII.

Est fait prêtre maintenant qui veut l'être, comme dans Jeroboam.

CXIV.

La multitude qui ne se réduit pas à l'unité est confusion; l'unité qui ne dépend pas de la multitude est tyrannie (**).

(*) Je n'ai pu trouver dans les deux manuscrits cette pensée que je copie de l'édition de Condorcet, et qui présente un sens tout différent de ce qu'on lit Ire partie, art. 8, §. 6, où elle est conforme au texte de l'édition de 1779 et auxmanuscrits. R.

(**) Cette même pensée, qui se trouve ci-dessus, §. 101

CXV.

On ne consulte que l'oreille, parce qu'on manque de cœur.

CXVI.

Il faut, en tout dialogue et discours, qu'on puisse dire à ceux qui s'en offensent : De quoi vous plaignez-vous ?

CXVII.

Les enfants qui s'effraient du visage qu'ils ont barbouillé sont des enfants; mais le moyen que ce qui est si foible, étant enfant, soit bien fort étant plus âgé ? on ne fait que changer de foiblesse.

CXVIII.

Incompréhensible que Dieu soit, et incompréhensible qu'il ne soit pas; que l'âme soit avec le corps, que nous n'ayons pas d'âme; que le monde soit créé, qu'il ne le soit pas, etc.; que le péché originel soit, ou qu'il ne soit pas (*).

de cet article, telle qu'elle est dans l'édition de 1779, n'y forme qu'un sens assez obscur. Qu'entendre bien par ces mots : « L'unité qui n'est point multitude est tyrannie? » Elle est ici reproduite telle qu'elle se lit dans les deux manuscrits. R.

(*) Dans le manuscrit original, on trouve à la suite de cette pensée les vestiges d'une continuation qui a été déchirée, et qui sans doute en complétoit le sens. R.

CXIX.

Les athées doivent dire des choses parfaitement claires; or, il n'est point parfaitement clair que l'âme soit matérielle (*).

CXX.

Incrédules, les plus crédules. Ils croient les miracles de Vespasien pour ne pas croire ceux de Moïse.

Sur la philosophie de Descartes.

Il faut dire en gros: Cela se fait par figure et mouvement, car cela est vrai. Mais de dire quelle figure et mouvement, et composer la machine, cela est ridicule; car cela est inutile, et incertain et pénible. Et quand cela seroit vrai, nous n'estimons pas que toute la philosophie vaille une heure de peine.

(*) Les premiers éditeurs, trouvant apparemment cette pensée d'un sens trop indéterminé, l'ont refaite, ainsi qu'on la lit art. 17, §. 19, de cette seconde partie, et page 341 de l'édition de 1779. Mais je me crois obligé de la réimprimer ici telle que Pascal l'a écrite, page 63 du manuscrit original. R.

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ARTICLE XVIII.

PENSÉES SUR LA MORT, QUI ONT ÉTÉ EXTRAITES D'UNE LETTRE ÉCRITE PAR PASCAL, AU SUJET DE LA MORT de son père.

QUAND

I.

UAND nous sommes dans l'affliction à cause de la mort de quelque personne pour qui nous avons de l'affection, ou pour quelque autre malheur qui nous arrive, nous ne devons pas chercher de la consolation dans nous-mêmes, ni dans les hommes, ni dans tout ce qui est créé ; mais nous devons la chercher en Dieu seul. Et la raison en est, que toutes les créatures ne sont pas la première cause des accidents que nous appelons maux; mais que la providence de Dieu en étant l'unique et véritable cause, l'arbitre et la souveraine, il est indubitable qu'il faut recourir directement à la source, et remonter jusques à l'origine pour trouver un solide allégement. Que si nous suivons ce précepte, et que nous considérions cette mort qui nous afflige, non pas comme un effet du hasard, ni comme une nécessité fatale de la nature, ni comme le jouet des éléments et des parties qui composent l'homme (car Dieu n'a pas abandonné ses élus au caprice du hasard), mais comme une suite indispensable, inévitable,

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