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entrer pour jamais, qu'après des marques éminentes d'une conversion véritable du cœur, et qu'après un extrême désir du baptême. Ces choses étant connues de toute l'Église, on leur conféroit le sacrement d'incorporation, par lequel ils devenoient membres de l'Église. Aujourd'hui le baptême ayant été accordé aux enfants avant l'usage de la raison, par des considérations trèsimportantes, il arrive que la négligence des parents laisse vieillir les chrétiens sans aucune connoissance de notre religion.

Quand l'instruction précédoit le baptême, tous étoient instruits; mais maintenant que le baptême précède l'instruction, l'enseignement qui étoit nécessaire pour le sacrement est devenu volontaire, et ensuite négligé, et enfin presque aboli. La raison persuadoit de la nécessité de l'instruction; de sorte que, quand l'instruction précédoit le baptême, la nécessité de l'un faisoit que l'on avoit recours à l'autre nécessairement au lieu que le baptême précédant aujourd'hui l'instruction, comme on a été fait chrétien sans avoir été instruit, on croit pouvoir demeurer chrétien sans se faire instruire; et au lieu que les premiers chrétiens témoignoient tant de reconnoissance pour une grâce que l'Église n'accordoit qu'à leurs longues prières, les chrétiens d'aujourd'hui ne témoignent que de l'ingratitude pour cette même grâce qu'elle leur accorde avant même qu'ils aient été en état de la demander. Si elle détestoit

si fort les chutes des premiers chrétiens, quoique si rares, combien doit-elle avoir en abomination les chutes et les rechutes continuelles des derniers, quoiqu'ils lui soient beaucoup plus redevables, puisqu'elle les a tirés bien plus tôt et bien plus libéralement de la damnation où ils étoient engagés par leur première naissance! Elle ne peut voir, sans gémir, abuser de la plus grande de ses grâces, et que ce qu'elle a fait pour assurer leur salut devienne l'occasion presque assurée de leur perte; car elle n'a pas changé d'esprit, quoiqu'elle ait changé de coutume.

FRAGMENT D'UN ÉCRIT

SUR LA CONVERSION DU PÉCHEUR.

La première chose que Dieu inspire à l'âme qu'il daigne toucher véritablement, est une connoissance et une vue tout extraordinaire, par laquelle l'âme considère les choses et elle-même d'une façon toute nouvelle.

Cette nouvelle lumière lui donne de la crainte, et lui apporte un trouble qui traverse le repos qu'elle trouvoit dans les choses qui faisoient ses délices.

Elle ne peut plus goûter avec tranquillité les objets qui la charmoient. Un scrupule continuel

la combat dans cette jouissance, et cette vue intérieure ne lui fait plus trouver cette douceur accoutumée parmi les choses où elle s'abandonnoit avec une pleine effusion de cœur.

Mais elle trouve encore plus d'amertume dans les exercices de piété que dans les vanités du monde. D'une part, la vanité des objets visibles la touche plus que l'espérance des invisibles; et de l'autre, la solidité des invisibles la touche plus que la vanité des visibles. Et ainsi la présence des uns et l'absence des autres excite son aversion, de sorte qu'il naît dans elle un désordre et une confusion qu'elle a peine à démêler, mais qui est la suite d'anciennes impressions long-temps senties, et des nouvelles qu'elle éprouve. Elle considère les choses périssables comme périssantes, et même déjà péries; et, à la vue certaine de l'anéantissement de tout ce qu'elle aime, elle s'effraie dans cette considération, en voyant que chaque instant lui arrache la jouissance de son bien, et que ce qui lui est le plus cher s'écoule à tout moment, et qu'enfin un jour certain viendra auquel elle se trouvera dénuée de toutes les choses auxquelles elle avoit mis son espérance. De sorte qu'elle comprend parfaitement que, son cœur ne s'étant attaché qu'à des choses fragiles et vaines, son âme doit se trouver seule et abandonnée au sortir de cette vie, puisqu'elle n'a pas eu soin de se joindre à un bien véritable et subsistant par lui-même qui pût la soutenir durant et après cette vie.

De là vient qu'elle commence à considérer comme un néant tout ce qui doit retourner dans le néant, le ciel, la terre, son corps, ses parents, ses amis, ses ennemis, les biens, la pauvreté, la disgrâce, la prospérité, l'honneur, l'ignominie, l'estime, le mépris, l'autorité, l'indigence, la santé, la maladie, et la vie même. Enfin tout ce qui doit moins durer que son âme est incapable de satisfaire le désir de cette âme qui recherche sérieusement à s'établir dans une félicité aussi durable qu'elle-même.

Elle commence à s'étonner de l'aveuglement où elle étoit plongée; et quand elle considère d'une part le long temps qu'elle a vécu sans faire ces réflexions, et le grand nombre de personnes qui vivent de la sorte; et de l'autre, combien il est constant que l'âme, étant immortelle, ne peut trouver sa félicité parmi des choses périssables, et qui lui seront ôtées au moins à la mort, elle entre dans une sainte confusion et dans un étonnement qui lui porte un trouble bien salutaire.

Car elle considère que, quelque grand que soit le nombre de ceux qui vieillissent dans les maximes du monde, et quelque autorité que puisse avoir cette multitude d'exemples de ceux qui posent leur félicité au monde, il est constant néanmoins que, même quand les choses du monde auroient quelque plaisir solide (ce qui est reconnu pour faux par un nombre infini d'expériences si funestes et si continuelles) la

perte de ces choses est inévitable au moment où la mort doit enfin nous en priver.

De sorte que, l'âme s'étant amassé des trésors de biens temporels, de quelque nature qu'ils soient, soit or, soit science, soit réputation, c'est une nécessité indispensable qu'elle se trouve dénuée de tous ces objets de sa félicité; et qu'ainsi, s'ils ont eu de quoi la satisfaire, ils n'auront pas de quoi la satisfaire toujours; et que si c'est se procurer un bonheur véritable, ce n'est pas se procurer un bonheur durable, puisqu'il doit être borné avec le cours de cette vie.

Aussi, par une sainte humilité que Dieu relève au-dessus de la superbe, elle commence à s'élever au-dessus du commun des hommes. Elle condamne leur conduite; elle déteste leurs maximes; elle pleure leur aveuglement; elle se porte à la recherche du véritable bien; elle comprend qu'il faut qu'il ait ces deux qualités : l'une, qu'il dure autant qu'elle; et l'autre, qu'il n'y ait rien de plus aimable.

Elle voit que, dans l'amour qu'elle a eu pour le monde, elle trouvoit en lui cette seconde qualité dans son aveuglement; car elle ne reconnoissoit rien de plus aimable. Mais comme elle n'y voit pas la première, elle connoît que ce n'est pas le souverain bien. Elle le cherche donc ailleurs, et connoissant par une lumière toute pure qu'il n'est point dans les choses qui sont en elle, ni hors d'elle, ni devant elle, elle commence à le chercher au-dessus d'elle.

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