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CHAPITRE VI.

Saint Odilon. Sa vie.― Ses miracles. — Il institue la fête des morts. - L'évêque de Mâcon soumet l'abbaye de Cluny à son autorité.

L'élection d'Odilon fut confirmée par 177 religieux de Cluny, et consacrée par plusieurs grands personnages, entre lesquels on remarque Raoul, roi de la Bourgogne transjurane, l'archevêque de Lyon, les évêques de Genève, de Lausanne, de Mâcon, d'Autun, l'abbé de St.-Maur-lesFossés et quelques autres. Odilon seul résistait par modestie.

Il ne se montra point indigne des exemples de Maïeul, son maître, et ne fit que continuer les agrandissemens prodigieux de la maison de Cluny.

L'érudition et la sainteté se partagèrent la vie d'Odilon ; et nous ne finirions pas si nous voulions répéter toutes les formules contemporaines de l'admiration qu'il excita. On lui attribua, comme à ses prédécesseurs, une foule de miracles, non-seulement pendant les 56 ans qu'il régit le monastère de Cluny, mais encore après lui, à son tombeau. Son enfance elle-même fut miraculeuse, et décida de sa vocation né d'une famille équestre d'Auvergne, il fut d'abord perclus de tous ses membres. Un jour que sa nour

:

rice l'avait déposé à la porte d'un temple et le surveillait moins que de coutume, l'enfant se traîna en rampant sur ses mains et sur ses genoux jusque dans l'église dédiée à la Vierge, put parvenir jusqu'à l'autel, dont il saisit la nappe avec ses petites mains, se mit ainsi sur ses pieds, et revint guéri. Son amitié avec Guillaume que j'ai nommé ne contribua pas moins à le confirmer dans les voies saintes. La gravité de ses mœurs et de son maintien, tempérée par la plus onctueuse charité, son éloquence et son éducation littéraire le destinaient à sa noble mission. Il favorisa les études dans tous ses monastères, et ce fut par son ordre le moine Glaber écrivit l'histoire de son temps, et que le moine Syrus la vie de St. Maïeul. Sa générosité envers les pauvres et les pécheurs était si grande qu'on la lui reprochait, en le nommant débonnaire. J'aime mieux, répondit ce saint homme, être réprouvé pour ma miséricorde que pour ma dureté. Il rencontra un jour les corps nus de deux enfans morts. Le pieux cénobite se dépouilla de son manteau d'étamine, en couvrit les deux cadavres, et les fit pieusement inhumer.

On raconte qu'un voleur voulut, pendant la nuit, dérober le cheval d'Odilon ; mais que, par une puissance surnaturelle, le cheval et le voleur sur le cheval demeurèrent immobiles à la porte de l'abbé. Au point du jour, le voleur fut surpris dans cette embarrassante attitude par Odilon lui-même, et tremblait d'être gravement puni. «< Mon ami, lui dit Odilon avec une douce et indulgente ironie, il n'est pas juste que vous ayiez ainsi perdu toute une nuit à garder ainsi mon cheval. » Et il jeta plusieurs pièces de monnaie au larron confus et repentant. On dit encore que, dans un temps d'inondation et de tempête, il traversa à pied sec le Tessin à Pavie, la Saône à St.-Marcel; qu'il renou

vela la multiplication des poissons à St.-Martin de Tours, et le miracle de Cana dans un couvent du Mont-Aventin.

Pour ceux même qui souriront à ces traits, ils attestent du moins la renommée d'Odilon et la ferveur des croyances populaires.

Il eut le gouvernement des monastères de St.-Jean-d'Angéli, de St.-Flour, de Thiern, de Talui, de St.-Victor de Genève, de Farfa en Italie; il en réforma ou fonda beaucoup d'autres, en Italie, en Espagne, en France, en Bourgogne, en Aquitaine; il obtint plusieurs chartes de concessions nouvelles ou de confirmation du roi Raoul, en 997 et 1019; de l'empereur Othon, en 999, et du comte Amédée de Savoie, en 1025; grossissant ainsi l'héritage que lui avaient laissé ses prédécesseurs. Enfin il exécuta la réforme de St.-Denis, qu'Hugues Capet avait demandée à Maïeul. Mais des faits non moins éclatans recommandent encore sa mémoire.

Ce fut dans son abbaye que se retira Casimir, fils de Miceslas II, roi de Pologne, chassé du trône, après la mort de son père, en 1034. Ce prince exilé se réfugia en France, étudia à Paris; puis il devint religieux et diacre au monastère de Cluny. Quelques années après, les grands de Pologne comprirent que les troubles du royaume ne pouvaient s'apaiser qu'en rappelant Casimir à la couronne. Mais ils ne savaient où s'était réfugié le prince. Ils envoyèrent donc des ambassadeurs qui allaient par toute l'Europe demandant des nouvelles du roi qu'ils cherchaient. Ils le découvrirent enfin en 1041, sous l'habit de moine, et le saluèrent roi. Odilon fit quelque résistance pour rendre Casimir à la Pologne. Il fallut que le pape Benoît IX le relevât de ses vœux de moine et de diacre. I retourna alors en Pologne, se marier et ré

gner. Mais, en mémoire de son ancien état monastique, il créa et dota en Pologne plusieurs couvens qu'il peupla de religieux de Cluny. Il persévéra lui-même jusqu'à sa mort dans les pratiques les plus religieuses; et ses sujets, pour reconnaître la grace qu'ils avaient obtenue du souverain pontife, s'engagèrent à payer tous les ans un écu au Saint-Siége, et à couper leurs cheveux en forme de couronne, symbole de la tonsure monastique.

Odilon ne cessa point d'être estimé et recherché par les papes Sylvestre II, Benoît VIII, Benoît IX, Jean XVIII, Jean XIX et Clément II. Les empereurs Othon III, S. Henri, Conrad-le-Salique, Henri-le-Noir, l'impératrice Ste. Adélaïde, les rois de France Hugues Capet et Robert, ceux d'Espagne Sanche, Ramir et Garcias; St. Étienne, roi de Hongrie; Guillaume-le-Grand, comte de Poitiers, l'honorèrent de faveurs égales. Ce fut lui qui empêcha le roi Robert de tourner ses armes contre St.-Germain d'Auxerre, lors de son expédition de Bourgogne. Il est encore le premier qui ait cherché à fonder la trève de Dieu, dans une grande assemblée de Bourges : cette trève de Dieu, singulière et sublime transaction de l'Église avec les mœurs brutales et guerrières du temps, par laquelle, ne pouvant mieux faire, elle réservait une partie de la semaine à la paix et à Dieu, abandonnant le reste à l'humeur querelleuse et barbare des maîtres du territoire!

C'est aussi à Odilon que l'abbaye de Cluny dut la construction d'un nouveau cloître, orné de colonnes de marbre qu'il fit venir à grands frais, par la Durance et par le Rhône. J'ai trouvé une abbaye de bois, disait-il dans sa joie naïve, et je la laisse de marbre.

Plusieurs évêques, entre autres Sanche de Pampelune et Gauthier de Mâcon, l'aimèrent si tendrement qu'ils

renoncèrent à l'épiscopat, pour aller vivre à Cluny sous sa conduite. Le clergé et le peuple de Lyon l'élurent archevêque ; mais toutes les prières, même du pape Jean XIX, ne purent le décider à accepter. Le pape envoya l'anneau et le pallium, menaça de sa disgrace. L'abbé fut inflexible : le pallium et l'anneau demeurèrent à Cluny.

Au lieu de recevoir des dignités, Odilon aima mieux visiter le monastère du Mont-Cassin, père des couvens de St. Benoît. Objet de la vénération de tous les frères, il voulut laver les pieds de tous. A son retour, il institua à Cluny la fête des morts, commémoration touchante, qui plus tard fut adoptée par toute l'église. Ce jour-là, l'abbaye de Cluny devait offrir le pain et le vin à tous les vres qui se présentaient.

pau

On donne encore à cette institution morale une merveilleuse origine. Un moine de Cluny se trouvait un jour sur les mers de Sicile, aux environs de l'Etna. De quel pays êtes-vous? lui demandèrent quelques passagers; et comme il répondit qu'il était de Bourgogne, connaissezvous, dirent-ils, l'abbé Odilon? Tous les jours nous entendons les démons hurler au milieu de leurs fournaises ardentes, des flammes et des tremblemens de terre, et s'écrier qu'Odilon leur enlève par ses prières les ames des pécheurs. Le Bourguignon, de retour, ne manqua point de raconter à son abbé la conversation du vaisseau, ce qui donna au saint homme l'idée de la fête des morts qu'il imagina.

Enfin, pour que rien ne manquât aux mérites d'une si belle et si longue vie, une disette affreuse survint en 1030; les pauvres abondèrent. La famine fit commettre alors en Bourgogne les plus horribles crimes. On brûla yif, par ordre du comte de Mâcon, un aubergiste qui

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