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de l'occident à l'orient, au bas de la montagne sur laquelle la ville et l'abbaye étaient construites. On descendait d'abord, par cinq larges degrés circulaires, à un vaste espace vide où s'élevait une haute croix de pierre: mais, avant d'y parvenir, il fallait traverser un très-beau portique roman, à deux arches, placé en face de la basilique, et que l'on voit debout, noirci, obscur, ignoré, dans le lieu même où fut le temple dont il formait comme la première et noble entrée. Deux autres rampes d'escaliers, de 36 pieds de largeur, conduisaient, interrompues par plusieurs plates-formes, jusqu'au portail de l'église, encadré entre deux grandes tours carrées. La tour méridionale était le siége de la justice, la tour septentrionale gardait les archives. Ces tours n'avaient que 140 pieds de hauteur et 41 de largeur: mais il était visible qu'elles n'avaient point été portées à toute l'élévation du plan primitif. On les appelait les tours de Barabans, en mémoire de cloches énormes qui, selon la tradition, furent fondues, à l'époque des guerres religieuses du 16° siècle, pour fournir du canon à une forteresse voisine du monastère, le château de Lourdon, appartenant à l'abbaye.

Le portail était haut de 26 pieds et large de 16. Chacun de ses jambages était orné de 14 colonnes isolées. Les deux premières, de chaque côté, étaient tronquées pour laisser place aux statues en pierre de St. Jean l'évangéliste et de St. Étienne, hautes de six pieds. Une statue de St. Pierre était pareillement dressée sur le fût d'une autre colonne, qui formait le trumeau du portail, en le partageant par le milieu. Les battans de la porte étaient de bois sculpté, et couverts de 30 figures en relief. Au-dessus du portail on voyait les figures en pierre de la Vierge et de deux anges. Les derniers degrés du grand escalier, l'espace compris

entre les deux tours, au-devant du portail, et le portail lui-même, étaient recouverts d'un lambris peint, qui les défendait des injures de l'air.

Tout l'intervalle entre les deux tours, au-dessus du portail et du lambris peint, était rempli par une grande rose romane, de 30 pieds de diamètre, en pierre de grès finement taillée et sculptée. Elle se composait de vingt branches qui naissaient d'une autre rose plus petite, formant le centre de la première. L'encadrement de la rose et tous les ornemens accessoires étaient romans et à plein cintre. Elle était surmontée de la figure d'un moine bénédictin en aube, l'encensoir à la main.

Par le portail on pénétrait dans une espèce d'immense vestibule. Ce n'était pas pourtant cet atrium fort commun dans les grandes églises primitives, et que l'on voit encore à St.-Ambroise de Milan, à la cathédrale de Salerne ; cet atrium antique, formé sur un plan quadrilatère, laissait libre et ouvert au ciel l'espace intermédiaire. Le vestibule de l'église de Cluny, entièrement fermé comme un temple ordinaire, était bien plutôt une sorte de première église qu'un véritable vestibule. C'était déjà, en effet, un vaste temple. Il avait 110 pieds de longueur, 81 pieds de largeur, et se divisait en une nef principale et deux collatéraux.

L'intérieur de ce vestibule, ou, pour mieux parler, de cette avant-nef, était orné de trois étages d'architecture. Le premier se composait d'un arc ogive supporté par des pilastres cannelés qui décoraient les quatre côtés de huit piliers énormes. Du chapiteau des pilastres montait un faisceau de quatre colonnes légères qui s'arrêtaient à une large frise, un peu plus haut que la pointe de l'ogive. De cette frise, jusqu'à la naissance de la voûte, on voyait s'élan

cer une autre colonne, saillante des deux tiers et flanquée elle-même de deux colonnettes. A peu près à moitié de la hauteur de ces trois dernières colonnes, et passant sur elles par un ressaut, une corniche soutenue par des consoles courait le long de la grande nef. Au-dessus de cette corniche s'ouvrait une seule fenêtre par chaque travée, et au-dessous une galerie composée de quatre arcades cintrées, enfermées deux à deux par un plus grand cintre. Les corniches, les couronnemens, les frises de ces divers étages, les chapiteaux des colonnes et des pilastres étaient décorés de fleurs, d'oiseaux, de feuillages et de figures capricieuses d'animaux monstrueux. La grande voûte, en bonnet carré, avait près de 100 pieds d'élévation.

Il n'est pas facile de déterminer quel a pu être l'usage de cette première église, éclairée par 22 vitraux, presque égale en étendue à Notre-Dame de Dijon, et telle que bien souvent les étrangers qui venaient visiter Cluny croyaient, en entrant dans l'avant-nef, avoir vu toute l'église du monastère. L'usage de ce vestibule est encore plus hypothétique, lorsqu'on trouve qu'il n'a point été construit originairement et en même temps que la grande église entreprise par St. Hugues, mais que cette partie antérieure du gigantesque monument ne fut élevée qu'en 1220, sous le 20° abbé de Cluny, Roland Ir. L'a-t-on bâti, parce que la grande église ne suffisait point encore aux cérémonies du monastère, dans les grandes solennités? A-t-on voulu, au contraire, le destiner à contenir les serviteurs de l'abbaye, la suite des grands personnages qui la visitaient, la multitude des campagnes ou des villes environnantes, afin de réserver la basilique aux moines et à des fidèles séparés? Je ne sais. On peut encore conjecturer que, malgré l'immense étendue de la basi

lique, il a fort bien pu arriver qu'à certaines époques, par exemple dans le temps des chapitres généraux, des visites de papes ou de rois, l'église ne suffit plus aux empressemens de la foule, et qu'on eût ainsi voulu donner un nouvel espace au zèle ou à la curiosité des catholiques qui surpassaient encore les colossales dimensions de l'édifice.

Mais voici la supposition qui me semblerait la plus naturelle. Dans les temps anciens, il arrivait quelquefois, surtout à l'époque du carême, qu'il n'était pas permis aux pénitens de pénétrer trop avant dans l'intérieur de l'église, et de s'approcher du sanctuaire. Dans une pareille circonstance, l'usage de l'église de Rouen était de rapprocher la chaire du prédicateur le plus possible du portail, pour donner aux fidèles repentis la facilité d'entendre la parole de Dieu, sans entrer trop profondément dans le temple. Quelquefois même on construisait des autels dans le vestibule, pour que les pénitens pussent assister au saint sacrifice. Un autel de cette espèce se voyait autrefois dans la cathédrale de Noyon. Enfin, dans l'ancien pontifical de Châlons-sur-Saône, si voisin de Cluny, on lisait : in quibusdam ecclesiis sacerdos in aliquo altari foribus proximiori celebrat missam, jussu episcopi, pœnitentibus ante fores ecclesiæ constitutis. « Dans quelques églises, le prêtre, « par ordre de l'évêque, célèbre la messe sur un autel très-rapproché des portes du temple, pour les pénitens placés devant le portail de l'église. » La destination du vestibule de Cluny ne serait-elle point indiquée dans ces paroles? Au 18° siècle, on ne voyait plus, il est vrai, dans l'avant-nef de Cluny, d'autel et de chaire à prêcher; mais les temps étaient bien changés: cet autel et cette chaire temporaires avaient pu disparaître, parce

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