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qu'une créature; mais enfin elle étoit aimée par son Créateur: il ne l'avoit pétrie que d'un peu de boue; mais cette boue avoit été formée de sa main. Ce vieux serpent la séduit, il la corrompt. Surprise par ses flatteries, elle s'abandonne à lui la parjure qu'elle est, l'ingrate et l'infidèle qu'elle est; au milieu des bienfaits de son époux, dans le lit même de son époux, pardonnez-moi la hardiesse de cette parole, que je ne trouve pas encore assez forte pour exprimer l'indignité de cette action; dans le lit même de son époux elle se prostitue à son rival.

O insigne infidélité! ô lâcheté sans exemple! Falloit-il quelque chose de plus que cette honteuse prostitution, faite à la face de Dieu, pour l'exciter à jalousie? Il s'y excite en effet d'une étrange sorte. Quoi, mon épouse s'est fait enlever, mon image s'est laissé corrompre, elle que j'avois faite avec tant d'amour, dont j'avois moi-même formé tous les traits, que j'avois animée d'un souffle de vie, sorti de ma propre bouche!

Que fera, mes Frères, ce Dieu fort et jaloux, irrité d'un abandonnement si infâme ? que fera-t-il à cette épouse infidèle, qui a méprisé un si grand amour? Certainement il pouvoit la perdre; mais, ô jalousie miséricordieuse, il a mieux aimé la sauver. O rival, il ne veut point qu'elle soit ta proie; il ne la peut souffrir en tes mains. Cet indigne spectacle irritant son cœur, il court après pour la retirer, et descend du ciel en la terre pour chercher son épouse qui s'y est perdue: Venit quærere quod perierat (1). La manière dont il se sert pour nous délivrer montre

() Matth. xvIII. 11.

assez, si nous l'entendons, que c'est la jalousie qui le fait agir car il n'envoie ni ses anges, ni ses archanges, qui sont les ministres ordinaires de ses volontés. Il a peur que son épouse volage, devant sa liberté à d'autres qu'à lui, ne partage encore son cœur, au lieu de le conserver tout entier à son Epoux légitime; c'est pourquoi il vient lui-même en personne: Deus ipse veniet, et salvabit nos (1). S'il faut des supplices, c'est lui qui les souffre: s'il faut du sang, c'est lui qui le donne; afin que nous comprenions que c'est à lui que nous devons tout, et que nous lui consacrions tout notre amour, comme nous tenons de lui seul tout notre salut.

De là vient que nous lisons, dans son Ecriture, qu'il n'est pas moins jaloux de sa qualité de Sauveur que de celle de Seigneur et de Dieu. Ecoutez de quelle sorte il en parle : Ego Dominus, et non est ultra Deus absque me: Deus justus, et salvans non est præter me (2). Ne vous semble-t-il pas, chrétiens, que ce Dieu jaloux adresse sa voix à la nature humaine infidèle, ainsi qu'un amant passionné, mais dont on a méprisé l'amour. O volage, ô prostituée, qui m'as quitté pour mon ennemi, regarde que c'est moi qui suis le Seigneur, et il n'y a point de Dieu que moi : mais considère encore, Ô parjure, infidèle, qu'il n'y a que moi qui te sauve; et si tu m'as oublié après t'avoir créée, reviens du moins à moi quand je te délivre. Voyez comme il est jaloux de sa qualité de Sauveur. Et ailleurs, se glorifiant de l'ouvrage de notre salut : « C'est moi, » c'est moi, dit-il, qui l'ai fait; ce ne sont ni mes (1) Isai. XXXV. 4. (2) Ibid. XLV. 21.

>> anges,

»anges, ni mes archanges, ni aucune des vertus cé» lestes : c'est moi seul qui l'ai fait, c'est moi seul >> qui vous porterai sur mes épaules, enfin c'est moi >> seul qui vous sauverai»: Ego feci, ego feram, ego portabo, ego salvabo (1): tant il est jaloux de cette gloire; et c'est, mes Sœurs, cette jalousie qui l'attache sur cette croix, dont nous célébrons aujourd'hui la fête.

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Car, dit excellemment saint Jean-Chrysostôme (2), comme un amant passionné, voyant celle qu'il recherche avec tant de soin gagnée par les présens de quelque autre, qui prétend à ses bonnes grâces, multiplie aussi sans mesure les marques de son amitié pour emporter le dessus; de même en est-il du Sauveur des ames. Il voit que nous recevons à pleines mains les présens de son rival, qui nous amuse par une pomme, qui nous gagne par des biens trompeurs qui n'ont qu'une légère apparence: pour détourner nos yeux et nos cœurs de ses libéralités pernicieuses, il redouble ses dons jusqu'à l'infini; et son amour excessif voulant faire un dernier effort, le fait enfin monter sur la croix, où il nous donne non-seulement sa gloire et son trône, mais encore son corps et son sang, et sa personne et sa vie : enfin, se donnant lui-même, que ne nous donnet-il pas? Et nous faisant un si grand présent, il me semble qu'il nous dit à tous : Voyez si ce prétendant que vous écoutez pourra jamais égaler un tel amour et une telle munificence. C'est ainsi qu'il parle, c'est

(1) Isai. XLVI. 4. — (2) In Epist. 1. ad Cor. Hom. XXIV, n. 2 ; tom. x, P. 213.

BOSSUET. XVII.

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ainsi qu'il fait; et nous pourrions nous défendre d'une jalousie si obligeante?

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Mais, ma Sœur, si l'Epoux céleste a l'ardeur et les transports des jaloux, il en a les regards et la vigilance. Il a des yeux de jaloux, toujours ouverts, toujours appliqués pour veiller sur vous, pour étudier tous vos pas, pour observer toutes vos démarches. J'ai remarqué dans le saint cantique deux regards de l'Epoux céleste: il y a un regard qui admire, et c'est le regard de l'amant : il y a un regard qui obsérve, et c'est le regard du jaloux. Que vous êtes belle, ô fille de prince», dit l'Epoux à la chaste épouse (1)! Cette ardente exclamation vient d'un regard qui admire, et il n'est pas indigne du divin Epoux, dont il est dit dans son Evangile qu'il admira la foi du Centenier (2). Mais voulez-vous voir maintenant quel est le regard du jaloux? « Il est venu, dit l'Epouse, le bien-aimé de » mon cœur, regardant par les fenêtres, guettant » par les treillis » : Dilectus meus venit, respiciens per fenestras, prospiciens per cancellos (3). Il vient en cette sorte pour vous observer, et c'est le regard de la jalousie de là naissent et ces grilles et cette clôture. Il vous renferme soigneusement, il rend de toutes parts l'abord difficile ; il compte tous vos pas, il règle votre conduite jusqu'aux moindres choses : ne sont-ce pas des actions d'un amant jaloux? Il n'en fait pas ainsi au commun des hommes mais c'est que s'il est jaloux des autres fidèles, il l'est beaucoup plus de ses épouses. Etant donc ainsi observée de

(1) Cant. VII. I,

6.

(2) Matth. vi. 10.

(3) Cant. 11. 9.

près, pour vous garantir des effets d'une jalousie si délicate, il ne vous reste, ma Sœur, qu'une obéissance toujours ponctuelle, et un entier abandonnement de vos volontés. C'est ce que je vous recommande en finissant ce discours; et afin que vous compreniez combien cette obéissance vous est nécessaire, je vous dirai la raison pour laquelle elle vous défend de la jalousie de votre Epoux.

Ce qui excite Dieu à jalousie, c'est lorsque l'homme se veut faire Dieu, et entreprend de lui ressembler. Mais il ne s'offense pas de toute sorte de ressemblance car il nous a faits à son image, et il y a de ses attributs dans lesquels il n'est pas jaloux que nous tâchions de lui ressembler; au contraire il nous le commande. Par exemple, voyez sa miséricorde, combien riche, combien éclatante; il vous est ordonné de vous conformer à cet admirable modèle: Estote misericordes, sicut et Pater vester misericors est (1): « Soyez miséricordieux, comme » l'est votre Père céleste ». Ainsi, comme il est véritable, vous pouvez l'imiter dans sa vérité : il est juste, vous pouvez le suivre dans sa justice: il est saint; et encore que sa sainteté semble être entiè rement incommunicable, il ne se fâche pas toutefois que vous osiez porter vos prétentions jusqu'à l'honneur de lui ressembler dans ce merveilleux attribut, lui-même vous y exhorte: «< Soyez saints; » parce que je suis saint » : Sancti estote; quoniam ego sanctus sum (2).

Quelle est donc cette ressemblance qui lui cause (1) Luc. vi. 36. --- (2) Levit. x1. 44.

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