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un commencement de vertu mal affermie, contre toute prudence, contre les enseignemens et l'exemple du Fils de Dieu, contre les sentimens que vous doit inspirer la générosité du christianisme et l'amour d'un si bon père, tel qu'est notre Dieu. Je ne doute pas que vous ne vous rendissiez à ces raisons : mais il faut vous faire voir combien est étroite l'obligation que vous avez de croître jusqu'à la mort.

Je vous dis donc, ma Sœur, que si vous n'avez dessein de vous avancer toujours, il ne vous sert de rien d'entrer dans un cloître, ni de vous attacher à Dieu par les promesses solennelles que vous allez faire. Pourquoi quittez-vous les empêchemens du monde? n'est-ce pas parce que vous aspirez à la perfection avec la grâce de Dieu ? Or, la perfection du christianisme n'a point de bornes assurées, d'autant qu'elle se doit former sur un exemplaire dont il n'est pas possible d'imiter toutes les beautés. C'est Jésus-Christ, ma Sœur, le Fils du Père éternel, celui qui porte tout le monde par sa parole, en qui habitent toutes les richesses de la divinité. Puis donc que nous ne pouvons jamais atteindre à nous conformer parfaitement à Jésus-Christ, tout ce que nous pouvons, c'est de tâcher d'en approcher de plus en plus. Et si la perfection du christianisme n'est pas dans un degré déterminé, il s'ensuit qu'elle consiste à monter toujours. Et partant, ma Sœur, vous proposer d'atteindre à la perfection, et vous vouloir arrêter en quelque lieu, c'est contraindre vos propres desseins; c'est aller contre votre vocation que de prescrire des bornes à votre amour. L'Esprit de Dieu, que vous voulez faire absolument BOSSUET. XVII.

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régner sur vous, ne sauroit laisser ses entreprises imparfaites; il porte tout au plus haut degré, quand on le laisse dominer sur une ame.

Considérez comme l'ambition ne sauroit trouver de bornes, quand on lui laisse prendre le dessus sur la raison et nous pourrions croire que l'Esprit de Dieu ne nous voudroit pas pousser à rechercher ce qu'il y a de meilleur ? Cela est bon dans les ames où on le tient en contrainte. Mais vous, ma Soeur, vous vous captivez pour donner la liberté toute entière à l'Esprit de Dieu; laissez-le agir dans votre ame. La charité qui opère en vous vient de Dieu, et ne demande autre chose que de retourner à sa source: si elle est forte en votre ame, elle ne cessera de l'entraîner par l'impétuosité de sa course, jusqu'à tant qu'elle se soit reposée dans le sein du bien-aimé.

NOTICE

SUR LA DUCHESSE DE LA VALLIÈRE.

LOUISE-FRANÇOISE DE LA BAUME-LE-BLANC DE LA VALLIÈRE, qualifiée depuis du titre de duchesse de Vaujour, étoit fille du marquis de La Vallière, gouverneur d'Amboise. Elle naquit en 1644. Après la mort de son père, sa mère s'étant remariée à M. de Saint-Remy, premier maître-d'hôtel du duc d'Orléans, frère de Louis XIII, elle fut élevée à la Cour de ce prince, qui résidoit habituellement à Blois. Tous les mémoires publics et particu hiers déposent unanimement qu'elle avoit, dès ses plus jeunes années, un caractère de sagesse qui la faisoit singulièrement remarquer, et le duc d'Orléans le témoigna plus d'une fois lui-même dans les termes les plus flatteurs pour elle, et les plus honorables.

Quand Monsieur, frère unique de Louis XIV, épousa en 1661 Henriette d'Angleterre, mademoiselle DE LA VALLIÈRE fut placée auprès de cette princesse comme une de ses filles d'honneur. Elle plut beaucoup à la Cour, moins encore par ses charmes extérieurs, que par les qualités de son ame bonne, douce et naïve. Mais sensible à l'excès, elle y vit un objet qui fit sur son cœur une impression funeste. Personne n'ignore qu'elle fut aimée de Louis XIV, et qu'elle eut de lui deux enfans, le comte de Vermandois, qui mourut en 1683, dans sa dix-septième année, et mademoiselle de Blois, mariée au prince de Conti. Elle a avoué depuis, que, dans ces temps d'illusion, et lorsque tout sembloit conspirer à l'agrément et au bonheur de sa vie, elle avoit toujours senti au dedans d'elle-même un trouble et une humiliation qui ne lui permettoient pas

de

jouir en repos d'aucun plaisir. Vertueuse, s'il étoit possible, au milieu de ses égaremens, elle gémissoit de sa foiblesse, et conservoit le désir comme l'espérance de rentrer un jour dans le droit chemin qu'elle avoit quitté.

Plusieurs personnes d'une grande piété demandoient à Dieu sa conversion: elles l'obtinrent. Dieu la disposa peu à peu, par de salutaires dégoûts, à rompre ses liens : le maréchal de Bellefonds et Bossuet contribuèrent beaucoup à l'affermir dans cette sainte résolution.

Elle crut devoir embrasser la vie religieuse pour y faire pénitence de ses fautes passées, et pour y trouver, dans l'éloignement du monde, le meilleur préservatif contre la rechute. L'austérité de la règle des Carmelites lui fit préférer cet ordre à tous les autres. Elle y entra en 1674, n'ayant pas encore trente ans, y prit le nom de SOEUR LOUISE DE LA MISERICORDE; et dans son noviciat comme pendant tout le reste de sa vie, qui fut longue et pleine de souffrances, elle ne mit pas de bornes aux macérations et privations de toute nature qu'elle crut devoir s'imposer. Un seul trait en fera juger.

Un jour de Vendredi saint étant au réfectoire, elle se ressouvint que dans le temps qu'elle étoit à la Cour, elle se trouva dans une partie de chasse, pressée d'une soif dévorante, mais qu'on lui apporta aussitôt des rafraîchissemens et des liqueurs délicieuses dont elle but avec le plus grand plaisir. Ce souvenir, joint à la pensée du fiel et du vinaigre dont Jésus-Christ avoit été abreuvé dans sa soif sur la croix, la pénétra d'un și vif sentiment de repentir et d'humiliation, qu'elle résolut dans le moment de ne plus boire du tout. Elle fut près de trois semaines sans boire une goutte d'eau, et trois ans entiers à n'en boire par jour qu'un demi-verre. Cette rude pénitence, dont on ne s'aperçut pas, la fit tomber malade, et depuis ce temps elle eut des maux d'estomac violens qui la réduisirent quelquefois à des foiblesses extrêmes. A des maux de tête continuels se joignirent des rhumatismes doulou

reux, et une sciatique qui lui déboîta la hanche; mais, malgré tous ses maux, elle ne cessa pas, jusqu'à la fin de sa vie, de partager les pénibles travaux de la communauté, et de se lever chaque jour deux heures avant toutes les autres pour aller se prosterner au pied des autels.

On ne sauroit trop s'étonner qu'une femme élevée et nourrie si long-temps dans lá délicatesse et l'opulence, ait pu, au milieu de tant d'infirmités, supporter pendant trente-six ans d'aussi rudes épreuves. Elle mourut en 1710, âgée de près de soixante-six ans.

On a d'elle un livre plein d'onction, intitulé Réflexions sur la Miséricorde de Dieu. Il fut imprimé sans son aveu.

Voyez l'Histoire de Bossuet, tome 11, liv. v, n. v et vi.

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