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SERMON

PRÉCHÉ AUX CARMELITES,

LE 8 SEPTEMBRE 1660,

A LA VÊTURE DE M.LLE DE BOUILLON

DE CHATEAU-THIERRY (*).

Trois vices de notre naissance: leurs funestes effets. Servitude dans laquelle tombent les pécheurs, en contentant leurs passions criminelles. Dans quel péril se jettent ceux qui s'abandonnent sans réserve à toutes les choses qui leur sont permises. Lois et contraintes auxquelles se soumet la vie religieuse, pour réprimer la liberté de pécher sagesse des précautions qu'elle prend. Combien la chasteté est délicate, et l'humilité timide. Amour que les vierges chrétiennes doivent avoir pour la retraite, le silence et la vie cachée. Mépris qu'elles sont obligées de faire de la gloire.

Oportet vos nasci denuo.

Il faut que vous naissiez encore une fois. Joan. 111. 7.

CE Ce qui doit imposer silence, et confondre éternellement ceux dont le cœur se laisse emporter à la gloire de leur extraction, c'est l'obligation de renaître; et de quelque grandeur qu'ils se vantent,

(*) Elle étoit l'aînée des deux sœurs du comte de Bouillon, et a été appelée, dans le cloître, sœur Emilie de la Passion. (Edit. de Déforis.)

ils seront forcés d'avouer qu'il y a toujours beaucoup de bassesse dans leur première naissance; puisqu'il n'est rien de plus nécessaire que de se renouveler par une seconde. La véritable noblesse est celle que l'on reçoit en naissant de Dieu. Aussi l'Eglise ne célèbre pas la Nativité de Marie à cause qu'elle a tiré son origine d'une longue suite de rois; mais à cause qu'elle a apporté la grâce, en naissant en grâce, et qu'elle est née fille du Père céleste.

Mesdames, vous verrez aujourd'hui une de vos plus illustres sujettes, qui, touchée de ces sentimens, se dépouillera devant vous des honneurs que sa naissance lui donne. Ce spectacle est digne de Vos Majestés; et après ces cérémonies magnifiques, dans lesquelles on a étalé toutes les pompes du monde(*), il est juste qu'elles assistent à celles où l'on apprend à les mépriser. Elles viennent ici dans cette pensée, dans laquelle je dois les entretenir, pour ne pas frustrer leur attente. Que si la loi que m'impose cette cérémonie particulière, m'empêche de m'appliquer au sujet commun que l'Eglise traite en ce jour, qui est la Nativité de Marie, par la crainte d'envelopper des matières si vastes et si différentes; j'espère que Vos Majestés me le pardonneront facilement; et je me promets que la sainte Vierge ne m'en accordera pas moins son secours, que je lui demande humblement par les paroles de l'ange, en lui disant : Ave, Maria.

(*) La Reine régnante avoit fait son entrée dans Paris le 26 août de cette année, ce qui avoit occasionné beaucoup de fêtes et de réjouissances. (Edit. de Déforis.)

ENFERMER dans un lieu de captivité une jeune personne innocente; soumettre à des pratiques austères, et à une vie rigoureuse, un corps tendre et délicat ; cacher dans une nuit éternelle une lumière éclatante, que la Cour auroit vu briller dans les plus hauts rangs, et dans les places les plus élevées ; ce sont trois choses extraordinaires, que l'Eglise va faire aujourd'hui; et cette illustre compagnie est assemblée en ce lieu pour ce grand spectacle.

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Qui vous oblige, ma Sœur; car le ministère que j'exerce ne me permet pas de vous appeler autrement, et je dois oublier, aussi bien que vous, toutes les autres qualités qui vous sont dues qui vous oblige donc à vous imposer un joug si pesant, et à entreprendre contre vous-même; c'est-à-dire, contre, votre liberté, en vous rendant captive dans cette clôture; contre le repos de votre vie, en embrassant tant d'austérités; contre votre propre grandeur, en vous jetant pour toujours dans cette retraite profonde, si éloignée de l'éclat du siècle et de toutes les pompes de la terre? J'entends ce que répond votre cœur; et il faut que je le dise à ces grandes reines et à toute cette audience. Vous voulez vous renouveler en notre Seigneur, dans cette bienheureuse journée de la naissance de la sainte Vierge; vous voulez renaître par la grâce, pour commencer une vie nouvelle, qui n'ait plus rien de commun avec la nature; et pour cela ces grands changemens sont absolument nécessaires.

Et en effet, chrétiens, nous apportons au monde, en naissant, une liberté indocile qui affecte l'indépendance; une molle délicatesse, qui nous fait sou

pirer après les plaisirs; un vain désir de paroître, qui nous épanche au dehors et nous rend ennemis de toute retraité. Ce sont trois vicés communs de notre naissance; et plus elle est illustre, plus ils sont enracinés dans le fond des cœurs. Car qui ne sait que la dignité entretient cette fantaisie d'indépendance; que ce tendre amour des plaisirs est flatté par une nourriture délicate; et enfin que cet esprit de grandeur fait que le désir de paroître s'emporte ordinairement aux plus grands excès ?

Il faut renaître, ma Sœur, et réformer aujourd'hui ces inclinations dangereuses: Oportet vos nasci denuo. Cet amour de l'indépendance, d'où naissent tous les désordres de notre vie, porte l'ame à ne suivre que ses volontés, et dans ce mouvement elle s'égare. Cette délicatesse flatteuse la pousse à chercher le plaisir, et dans cette recherche elle se corrompt. Ce vain désir de paroître la jette toute entière au dehors, et dans cet épanchement elle se dissipe. La vie religieuse, que vous embrassez, oppose à ces trois désordres des remèdes forts et infaillibles. Il est vrai qu'elle vous contraint; mais, en vous contraignant, elle vous règle: elle vous mortifie, je le confesse; mais, en vous mortifiant, elle vous purifie : enfin elle vous retire et vous cache; mais, en vous cachant, elle vous recueille et vous renferme avec Jésus-Christ. O contrainte, ô vie pénitente, ô sainte et bienheureuse obscurité! je ne m'étonne plus si l'on vous aime, et si l'on quitte, pour l'amour de vous, toutes les espérances du monde. Mais j'espère qu'on vous aimera beaucoup davantage, quand j'aurai expliqué toutes vos beautés dans la suite de ce

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