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ORAISON FUNÈBRE

DE

MARIE-THÉRÈSE D'AUTRICHE,

REINE DE FRANCE ET DE NAVARRE.

Sine macula enim sunt ante thronum Dei.

Ils sont sans tache devant le trône de Dieu. Paroles de l'apôtre saint Jean dans sa Révélation, chap. xiv. 5.

MONSEIGNEUR,

QUELLE assemblée l'apôtre saint Jean nous fait paroître! Ce grand prophète nous ouvre le ciel, et notre foi y découvre « sur la sainte montagne de » Sion dans la partie la plus élevée de la Jérusalem bienheureuse, l'Agneau qui ôte le péché du monde, avec une compagnie digne de lui. Ce sont ceux dont il est écrit au commencement de l'Apocalypse (1) : « Il y a dans l'église de Sardis un petit » nombre de fidèles, pauca nomina, qui n'ont pas » souillé leurs vêtemens » : ces riches vêtemens dont le baptême les a revêtus; vêtemens qui ne sont rien moins que Jésus-Christ même, selon ce que dit l'a

(1) Habes pauca nomina in Sardis, qui non inquinaverunt vesti> menta sua. Apoc. 111. 27.

pôtre (1): « Vous tous qui avez été baptisés, vous » avez été revêtus de Jésus-Christ ». Ce petit nombre chéri de Dieu pour son innocence, et remarquable par la rareté d'un don si exquis, a su conserver ce précieux vêtement, et la grâce du baptême. Et quelle sera la récompense d'une si rare fidélité? Ecoutez parler le Juste et le Saint : « Ils marchent, » dit-il (2), avec moi, revêtus de blanc, parce qu'ils en » sont dignes >>; dignes par leur innocence de porter dans l'éternité la livrée de l'Agneau sans tache, et de marcher toujours avec lui, puisque jamais ils ne l'ont quitté depuis qu'il les a mis dans sa compagnie : ames pures et innocentes; «< ames vierges », comme les appelle saint Jean (3), au même sens que saint Paul disoit à tous les fidèles de Corinthe (4) : « Je » vous ai promis, comme une vierge pudique, à un » seul homme, qui est Jésus-Christ ». La vraie chasteté de l'ame, la vraie pudeur chrétienne est de rougir du péché, de n'avoir d'yeux ni d'amour que pour Jésus-Christ, et de tenir toujours ses sens épurés de la corruption du siècle. C'est dans cette troupe innocente et pure que la Reine a été placée : l'horreur qu'elle a toujours eue du péché lui a mérité cet honneur. La foi, qui pénètre jusqu'aux cieux, nous la fait voir aujourd'hui dans cette bienheureuse compagnie. Il me semble que je re

(1) Quicumque in Christo baptizati estis, Christum induistis. Gal. 111. 27.

(2) Ambulabunt mecum in albis, quia digni sunt. Apoc. 111. 4. (3) Virgines enim sunt. Hi sequuntur Agnum quocumque ierit. Ibid. XIV. 4.

(4) Despondi vos uni viro virginem castam exhibere Christo. II. Cor. XI. 2.

connois cette modestie, cette paix, ce recueillement que nous lui voyions devant les autels, qui inspiroit du respect pour Dieu et pour elle: Dieu ajoute à ces saintes dispositions le transport d'une joie céleste. La mort ne l'a point changée, si ce n'est qu'une immortelle beauté a pris la place d'une beauté changeante et mortelle. Cette éclatante blancheur, symbole de son innocence et de la candeur de son ame, n'a fait, pour ainsi parler, que passer au dedans, où nous la voyons rehaussée d'une lumière divine. « Elle marche avec l'Agneau, car elle en est di» gne (1) ». La sincérité de son cœur, sans dissimulation et sans artifice, la range au nombre de ceux dont saint Jean a dit, dans les paroles qui précèdent celles de mon texte, que « le mensonge ne s'est point » trouvé en leur bouche (2), » ni aucun déguisement dans leur conduite; «< ce qui fait qu'on les voit » sans tache devant le trône de Dieu » : Sine macula enim sunt ante thronum Dei. En effet, elle est sans reproche devant Dieu et devant les hommes : la médisance ne peut attaquer aucun endroit de sa vie depuis son enfance jusqu'à sa mort; et une gloire si pure, une si belle réputation est un parfum précieux qui réjouit le ciel et la terre.

Monseigneur, ouvrez les yeux à ce grand spectacle. Pouvois-je mieux essuyer vos larmes, celles des princes qui vous environnent, et de cette auguste assemblée, qu'en vous faisant voir au milieu de cette troupe resplendissante, et dans cet état (1) Apoc. I. 4.

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(2) In ore eorum non est inventum mendacium: sine macula enim sunt ante thronum Dei. Ibid. xiv. 5.

glorieux, une mère si chérie et si regrettée? Louis même, dont la constance ne peut vaincre ses justes douleurs, les trouveroit plus traitables dans cette pensée. Mais ce qui doit être votre unique consolation, doit aussi, Monseigneur, être votre exemple; et ravi de l'éclat immortel d'une vie toujours si réglée, et toujours si irréprochable, vous devez en faire passer toute la beauté dans la vôtre.

Qu'il est rare, chrétiens, qu'il est rare encore une fois, de trouver cette pureté parmi les hommes ! mais surtout, qu'il est rare de la trouver parmi les grands! « Ceux que vous voyez revêtus d'une robe » blanche, ceux-là, dit saint Jean (1), viennent d'une » grande affliction », de tribulatione magna; afin que nous entendions que cette divine blancheur se forme ordinairement sous la croix, et rarement dans l'éclat, trop plein de tentation, des grandeurs humaines.

Et toutefois il est vrai, Messieurs, que Dieu, par un miracle de sa grâce, se plaît à choisir parmi les rois, de ces ames pures. Tel a été saint Louis, toujours pur et toujours saint dès son enfance; et MARIETHÉRÈSE sa fille a eu de lui ce bel héritage.

Entrons, Messieurs, dans les desseins de la Providence, et admirons les bontés de Dieu, qui se répandent sur nous et sur tous les peuples dans la prédestination de cette Princesse. Dieu l'a élevée au faîte des grandeurs humaines, afin de rendre la pureté et la perpétuelle régularité de sa vie plus éclatante et plus exemplaire. Ainsi sa vie et sa mort,

(1) Hi qui amicti sunt stolis albis,... hi sunt qui venerunt de tribulatione magna. Apoc. vii. 13, 14.

également pleines de sainteté et de grâce, deviennent l'instruction du genre humain. Notre siècle n'en pouvoit recevoir de plus parfaite, parce qu'il ne voyoit nulle part dans une si haute élévation une pareille pureté. C'est ce rare et merveilleux assemblage que nous aurons à considérer dans les deux parties de ce discours. Voici en peu de mots ce que j'ai à dire de la plus pieuse des reines, et tel est le digne abrégé de son éloge: Il n'y a rien que d'auguste dans sa personne, il n'y a rien que de pur dans sa vie. Accourez, peuples: venez contempler dans la première place du monde la rare et majestueuse beauté d'une vertu toujours constante. Dans une vie si égale, il n'importe pas à cette Princesse où la mort frappe; on n'y voit point d'endroit foible par où elle pût craindre d'être surprise : toujours ́vigilante, toujours attentive à Dieu et à son salut, sa mort si précipitée, et si effroyable pour nous, n'avoit rien de dangereux pour elle. Ainsi son élévation ne servira qu'à faire voir à tout l'univers, comme du lieu le plus éminent qu'on découvre dans son enceinte, cette importante vérité : qu'il n'y a rien de solide ni de vraiment grand parmi les hommes, que d'éviter le péché; et que la seule précaution contre les attaques de la mort, c'est l'innocence de la vie. C'est, Messieurs, l'instruction que nous donne dans ce tombeau, ou plutôt du plus haut des cieux, trèshaute, très-excellente, très-puissante, et très-chrétienne princesse MARIE-THÉRÈSE D'AUTRICHE, Infante d'Espagne, Reine de France et de Navarre.

Je n'ai

pas besoin de vous dire que c'est Dieu qui

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