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522 NOTICE SUR LOUIS DE BOURBON. s'opposant respectueusement à son passage, il l'empêcha d'entrer dans la chambre de la Princesse.

Il tomba malade lui-même à Fontainebleau. Ses maux augmentant chaque jour, il prévit dès-lors sa fin prochaine, et s'y prépara avec courage et tranquillité. Il donna en cette occasion des marques d'une foi et d'une piété ferventes; mit ordre à toutes les affaires de sa maison; et avant que de mourir eut encore le bonheur de contribuer à faire rentrer dans les bonnes grâces du Roi le Prince de Conti son neveu, qui étoit exilé à Chantilli. Depuis son retour en France il n'avoit cessé de faire preuve de fidélité et d'attachement au Roi; et par une lettre qu'il lui écrivit dans ses derniers momens, il l'assura encore des mêmes sentimens. Il mourut dans les bras de son fils et de son neveu, le Duc d'Anguien et le Prince de Conti, le 11 décembre 1686, âgé de soixante-cinq ans.

Voyez l'Histoire de Bossuet, tom. 1, liv. vii, n. vi

et VII.

ORAISON FUNÈBRE

DE

LOUIS DE BOURBON,

PRINCE DE CONDÉ

Dominus tecum, virorum fortissime.... Vade in hac fortitudine tua.... Ego ero tecum.

Le Seigneur est avec vous, ó le plus courageux de tous les hommes! Allez avec ce courage dont vous êtes rempli. Je serai avec vous. Aux Juges, vi. 12, 14, 16.

U

MONSEIGNEUR (*),

Au moment que j'ouvre la bouche pour célébrer la gloire immortelle de Louis DE BOURBON, Prince de Condé, je me sens également confondu, et par la grandeur du sujet, et s'il m'est permis de l'avouer, par l'inutilité du travail. Quelle partie du monde habitable n'a pas ouï les victoires du Prince de Condé, et les merveilles de sa vie? On les raconte partout le Français qui les vante, n'apprend rien à l'étranger; et quoi que je puisse aujourd'hui vous en rapporter, toujours prévenu par vos pensées, j'aurai encore à répondre au secret reproche que

(*) A M. le Prince, fils du défunt Prince de Condé.

vous me ferez d'être demeuré beaucoup au-dessous. Nous ne pouvons rien, foibles orateurs, pour la gloire des ames extraordinaires : le Sage a raison de dire, que «<leurs seules actions les peuvent louer (1) » ? toute autre louange languit auprès des grands noms; et la seule simplicité d'un récit fidèle pourroit soutenir la gloire du Prince de Condé. Mais en attendant que l'histoire, qui doit ce récit aux siècles futurs, le fasse paroître, il faut satisfaire, comme nous pourrons, à la reconnoissance publique, et aux ordres du plus grand de tous les rois. Que ne doit point le royaume à un Prince qui a honoré la maison de France, tout le nom français, son siècle, et pour ainsi dire, l'humanité toute entière? Louis-leGrand est entré lui-même dans ces sentimens. Après avoir pleuré ce grand homme, et lui avoir donné par ses larmes, au milieu de toute sa Cour, le plus glorieux éloge qu'il pût recevoir; il assemble dans un temple si célèbre, ce que son royaume a de plus auguste, pour y rendre des devoirs publics à la mémoire de ce Prince; et il veut que ma foible voix anime toutes ces tristes représentations et tout cet appareil funèbre. Faisons donc cet effort sur notre douleur. Ici un plus grand objet, et plus digne de cette chaire, se présente à ma pensée. C'est Dieu, qui fait les guerriers et les conquérans. « C'est vous, » lui disoit David (2), qui avez instruit mes mains à » combattre, et mes doigts à tenir l'épée ». S'il inspire le courage, il ne donne pas moins les autres

(1) Laudent eam in portis opera ejus. Proverb. xxxi. 31.

(2) Benedictus Dominus Deus meus, qui docet manus meas ad prælium, et digitos meos ad bellum., Psal. CXLIII. I.

grandes qualités naturelles et surnaturelles, et du cœur et de l'esprit. Tout part de sa puissante main : c'est lui qui envoie du ciel les généreux sentimens, les sages conseils, et toutes les bonnes pensées; mais il veut que nous sachions distinguer entre les dons qu'il abandonne à ses ennemis, et ceux qu'il réserve à ses serviteurs. Ce qui distingue ses amis d'avec tout les autres, c'est la piété : jusqu'à ce qu'on ait reçu ce don du ciel, tous les autres non-seulement ne sont rien, mais encore tournent en ruine à ceux qui en sont ornés. Sans ce don inestimable de la piété, seroit-ce que le Prince de Condé avec tout ce que grand cœur et ce grand génie? Non, mes Frères, si la piété n'avoit comme consacré ses autres vertus, ni ces princes ne trouveroient aucun adoucissement à leur douleur, ni ce religieux pontife aucune confiance dans ses prières, ni moi-même aucun soutien aux louanges que je dois à un si grand homme. Poussons donc à bout la gloire humaine par cet exemple: détruisons l'idole des ambitieux; qu'elle tombe anéantie devant ces autels. Mettons ensemble aujourd'hui, car nous le pouvons dans un si noble sujet, toutes les plus belles qualités d'une excellente nature; et, à la gloire de la vérité, montrons dans un Prince admiré de tout l'univers, que ce qui fait les héros, ce qui porte la gloire du monde jusqu'au comble; valeur, magnanimité, bonté naturelle; voilà pour le cœur vivacité, pénétration, grandeur et sublimité de génie; voilà pour l'esprit : ne seroient qu'une illusion, si la piété ne s'y étoit jointe; et enfin, que la piété est le tout de l'homme. C'est, Messieurs, ce que vous verrez dans la vie éternellement mémorable

de très-haut et très-puissant Prince LOUIS DE BOURBON, PRINCE DE CONDÉ, PREMIER PRINCE DU SANG.

DIEU nous a révélé que lui seul il fait les conquérans, et que seul il les fait servir à ses desseins. Quel autre a fait un Cyrus, si ce n'est Dieu, qui l'avoit nommé, deux cents ans avant sa naissance, dans les oracles d'Isaïe? Tu n'es pas encore, lui disoit-il, « mais je te >> vois, et je t'ai nommé par ton nom : tu t'appelleras » Cyrus. Je marcherai devant toi dans les combats; à » ton approche je mettrai les rois en fuite; je brise» rai les portes d'airain. C'est moi qui étends les » cieux, qui soutiens la terre, qui nomme ce qui » n'est pas comme ce qui est (1) » : c'est-à-dire, c'est moi qui fais tout, et moi qui vois, dès l'éternité, tout ce que je fais. Quel autre a pu former un Alexandre, si ce n'est ce même Dieu qui en a fait voir de si loin, et par des figures si vives, l'ardeur indomptable à son prophète Daniel? « Le voyez-vous, dit» il (2), ce conquérant; avec quelle rapidité il s'é» lève de l'occident comme par bonds, et ne touche » pas à terre »? Semblable, dans ses sauts hardis et dans sa légère démarche, à ces animaux vigoureux et bondissans, il ne s'avance que par vives et impétueuses saillies, et n'est arrêté ni par montagnes ni

(1) Hæc dicit Dominus Christo meo Cyro, cujus apprehendi dexteram.... Ego ante te ibo; et gloriosos terræ humiliabo: portas æreas conteram, et vectes ferreos confringam;.... ut scias quia ego Dominus, qui voco nomen tuum.... Vocavi te nomine tuo.... Accinxi te, et non cognovisti me.... Ego Dominus, et non est alter, formans lucem, et creans tenebras, faciens pacem, et creans malum: ego Dominus, faciens omnia hæc, etc. Isui. XLV. 1, 2, 3, 4, 7.

(2) Veniebat ab occidente super faciem totius terræ ; et non tangebat terram. Dan. vii. 5.

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