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ORAISON FUNÈBRE

DU R. PERE

FRANÇOIS BOURGOING.

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Qui bene præsunt presbyteri, duplici honore digni habeantur,

Les prétres qui gouvernent sagement, doivent être tenus dignes d'un double honneur. I. Tim. v. 17.

E

Je commencerai ce discours en faisant au Dieu vivant des remercîmens solennels, de ce que la vie de celui dont je dois prononcer l'éloge, a été telle par sa grâce, que je ne rougirai point de la célébrer en présence de ses saints autels et au milieu de son Eglise. Je vous avoue, chrétiens, que j'ai coutume de plaindre les prédicateurs, lorsqu'ils font les panégyriques funèbres des princes et des grands du monde. Ce n'est pas que de tels sujets ne fournissent ordinairement de nobles idées : il est beau de découvrir les secrets d'une sublime politique, ou les sages tempéramens d'une négociation importante, ou les succès glorieux de quelque entreprise militaire. L'éclat de telles actions semble illuminer un discours; et le bruit qu'elles font déjà dans le

monde, aide celui qui parle à se faire entendre d'un ton plus ferme et plus magnifique. Mais la licence et l'ambition, compagnes presque inséparables des grandes fortunes; mais l'intérêt et l'injustice, toujours mêlés trop avant dans les grandes affaires du monde, font qu'on marche parmi des écueils; et il arrive ordinairement que Dieu a si peu de part dans de telles vies, qu'on a peine à y trouver quelques actions qui méritent d'être louées par ses ministres.

Grâce à la miséricorde divine, le Révérend Père BOURGOING, Supérieur général de la Congrégation de l'Oratoire, a vécu de telle sorte que je n'ai point à craindre aujourd'hui de pareilles difficultés. Pour orner une telle vie, je n'ai pas besoin d'emprunter les fausses couleurs de la rhétorique, et encore moins les détours de la flatterie. Ce n'est pas ici de ces discours où l'on ne parle qu'en tremblant, où il faut plutôt passer avec adresse, que s'arrêter avec assurance, où la prudence et la discrétion tiennent toujours en contrainte l'amour de la vérité. Je n'ai rien ni à taire ni à déguiser; et si la simplicité vénérable d'un prêtre de Jésus-Christ, ennemie du faste et de l'éclat, ne présente pas à nos yeux de ces actions pompeuses qui éblouissent les hommes, son zèle, son innocence, sa piété éminente nous donneront des pensées plus dignes de cette chaire. Les autels ne se plaindront pas que leur sacrifice soit interrompu par un entretien profane: au contraire, celui que j'ai à vous faire vous proposera de si saints exemples, qu'il méritera de faire partie d'une céré

monie si sacrée, et qu'il ne sera pas une interruption, mais plutôt une continuation du mystère.

N'attendez donc pas, chrétiens, que j'applique au Père BOURGOING des ornemens étrangers, ni que j'aille rechercher bien loin sa noblesse dans sa naissance, sa gloire dans ses ancêtres, ses titres dans l'antiquité de sa famille : car encore qu'elle soit noble et ancienne dans le Nivernois, où elle s'est même signalée depuis plusieurs siècles par des fondations pieuses; encore que la grand'chambre du Parlement de Paris, et les autres compagnies souveraines aient vu les Bourgoings, les Leclercs, les Friches, ses parens paternels et maternels, rendre la justice aux peuples avec une intégrité exemplaire; je ne m'arrête pas à ces choses, et je ne les touche qu'en passant. Vous verrez le Père BOURGOING, illustre d'une autre manière, et noble de cette noblesse que saint Grégoire de Nazianze appelle si élégamment la noblesse personnelle (1) : vous verrez en sa personne un catholique zélé, un chrétien de l'ancienne marque, un théologien enseigné de Dieu, un prédicateur apostolique, ministre, non de la lettre, ma.s de l'esprit de l'Evangile; et, pour tout dire en un mot, un prêtre digne de ce nom, un prêtre de l'institution et selon l'ordre de Jésus-Christ, toujours prêt à être victime; un prêtre, non-seulement prêtre, mais chef par son mérite d'une congrégation de saints prêtres, et que je vous ferai voir par cette raison, «< digne véritablement d'un double honneur », selon le précepte de l'apôtre, et pour avoir vécu sain(1) Orat. XXVIII, tom. 1, pag. 480.

tement en l'esprit du sacerdoce, et pour avoir élevé dans le même esprit la sainte congrégation qui étoit commise à ses soins; c'est ce que je me propose de vous expliquer dans les deux points de ce discours.

PREMIER POINT.

SUIVONS la conduite de l'Esprit de Dieu; et avant que de voir un prêtre à l'autel, voyons comme il se prépare à en approcher. La préparation pour le sacerdoce n'est pas, comme plusieurs pensent, une application de quelques jours, mais une étude de toute la vie; ce n'est pas un soudain effort de l'esprit pour se retirer du vice, mais une longue habitude de s'en abstenir; ce n'est pas une dévotion fervente seulement par sa nouveauté, mais affermie et enracinée par un grand usage. Saint Grégoire de Nazianze a dit ce beau mot du grand saint Basile: << Il étoit prêtre, dit-il (1), avant même que d'être prêtre, c'est-à-dire, si je ne me trompe, il en avoit les vertus, avant que d'en avoir le degré : il étoit prêtre par son zèle, par la gravité de ses mœurs, par l'innocence de sa vie, avant que de l'être par son caractère. Je puis dire la même chose du Père BOURGOING: toujours modeste, toujours innocent, toujours zélé comme un saint prêtre, il avoit prévenu son ordination; il n'avoit pas attendu la consécration mystique, il s'étoit, dès son enfance, consacré lui-même par la pratique persévérante de la piété; et se tenant toujours sous la main de Dieu

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(1) Orat. xx; tom. 1, pag. 325.

par la soumission à ses ordres, il se préparoit excellemment à s'y abandonner tout-à-fait par l'imposition des mains de l'évêque, Ainsi son innocence l'ayant disposé à recevoir la plénitude du SaintEsprit par l'ordination sacrée, il aspiroit sans cesse à la perfection du sacerdoce; et il ne faut pas s'étonner, si, ayant l'esprit tout rempli des obligations de son ministère, il entra sans délibérer dans le dessein glorieux de l'Oratoire de Jésus, aussitôt qu'il vit paroître cette institution, qui avoit pour son fondement le désir de la perfection sacerdotale.

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L'école de théologie de Paris, que je ne puis nommer sans éloge, quoique j'en doive parler avec modestie, est de tout temps en possession de donner des hommes illustres à toutes les grandes entreprises qui se font pour Dieu. Le Père BOURGOING étoit sur ses bancs, faisant retentir toute la Sorbonne du bruit de son esprit et de sa science, Que vous diraije, Messieurs, qui soit digne de ses mérites? ce qu'on a dit de saint Athanase; car les grands hommes sont sans envie, et ils prêtent toujours volontiers les éloges qu'on leur a donnés, à ceux qui se rendent leurs imitateurs, Je dirai donc du Père BOURGOING , ce qu'un saint a dit d'un saint, le grand Grégoire du grand Athanase (1), que durant le temps de ses études il se faisoit admirer de ses compagnons; qu'il surpassoit de bien loin ceux qui étoient ingénieux, par son travail; ceux qui étoient laborieux, par son esprit; ou bien, si vous le voulez, qu'il surpassoit en esprit les plus éclairés, en diligence les plus as(1) S. Greg. Naz. Orat. xx1; t.1, pag. 375.

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