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tre (1), qui n'est ni jalouse ni ambitieuse, toujours si disposée à croire le bien, qu'elle ne peut pas même soupçonner le mal.

Vous dirai-je avec quel zèle elle soulageoit les pauvres membres de Jésus-Christ? Toutes les personnes qui l'ont fréquentée savent qu'on peut dire, sans flatterie, qu'elle étoit naturellement libérale, même dans son extrême vieillesse, quoique cet âge ordinairement soit souillé des ordures de l'avarice. Mais cette inclination généreuse s'étoit particulièrement appliquée aux pauvres. Ses charités s'étendoient bien loin sur les personnes malades et nécessiteuses: elle partageoit souvent avec elles ce qu'on lui préparoit pour sa nourriture; et dans ces saints empressemens de la charité, qui travailloit son ame innocente d'une inquiétude pieuse pour les membres affligés du Sauveur des ames, on admiroit particulièrement son humilité, non moins soigneuse de cacher le bien, que sa charité de le faire. Je ne m'étonne plus, chrétiens, qu'une vie si religieuse ait été couronnée d'une fin si sainte.

(1) 1. Cor. xIII. 4, 5.

ORAISON FUNÈBRE

DE MESSIRE

HENRI DE GORNAY.

Non privabit bonis eos qui ambulant in innocentia: Domine virtutum, beatus homo qui sperat in te.

Il ne privera point de ses biens ceux qui marchent dans l'innocence: Seigneur des armées, heureux est l'homme qui espère en vous. Ps. LXXXIII. 13.

C'EST, Messieurs, dans ce dessein salutaire que j'espère aujourd'hui vous entretenir de la vie et des actions de messire HENRI DE GORNAY, chevalier, seigneur de Talange, de Louyn sur Seille, que la mort. nous a ravi depuis peu de jours, où, rejetant loin de mon esprit toutes les considérations profanes, et les bassesses honteuses de la flatterie, indignes de la majesté du lieu où je parle, et du ministère sacré que j'exerce, je m'arrêterai à vous proposer trois ou quatre réflexions tirées des principes du christianisme, qui serviront, si Dieu le permet, pour l'instruction de tout ce peuple, et pour la consolation particulière de ses parens et de ses amis.

Quoique Dieu et la nature aient fait tous les hommes égaux, en les formant d'une même boue, la vanité humaine ne peut souffrir cette égalité, ni

s'accommoder à la loi qui nous a été imposée, de les regarder tous comme nos semblables. De là naissent ces grands efforts que nous faisons tous pour nous séparer du commun, et nous mettre en un rang plus haut par les charges les charges ou par les emplois, par le crédit ou par les richesses. Que si nous pouvons obtenir ces avantages extérieurs, que la folle ambition des hommes a mis à un si grand prix, notre cœur s'enfle tellement que nous regardons tous les autres comme étant d'un ordre inférieur à nous; et à peine nous reste-t-il quelque souvenir de ce qui

nous est commun avec eux.

sance,

Cette vérité importante, et connue si certainement par l'expérience, entrera plus utilement dans nos esprits, si nous considérons avec attention trois états où nous passons tous successivement; la naisle cours de la vie, sa conclusion par la mort. Plus je remarque de près la condition de ces trois états, plus mon esprit se sent convaincu que quelque apparente inégalité que la fortune ait mise entre nous, la nature n'a pas voulu qu'il y eût grande différence d'un homme à un autre.

Et premièrement, la naissance a des marques indubitables de notre commune foiblesse. Nous commençons tous notre vie par les mêmes infirmités de l'enfance : nous saluons tous, en entrant au monde, la lumière du jour par nos pleurs (1); et le premier air que nous respirons, nous sert à tous indifféremment à former des cris. Ces foiblesses de la naissance attirent sur nous tous généralement une même suite

(1) Sap. VII. 3.

d'infirmités dans tout le progrès de la vie; puisque les grands, les petits et les médiocres, vivent également assujettis aux mêmes nécessités naturelles, exposés aux mêmes périls, livrés en proie aux mêmes maladies. Enfin, après tout arrive la mort, qui foulant aux pieds l'arrogance humaine, et abattant sans ressource toutes ces grandeurs imaginaires, égale pour jamais toutes les conditions différentes, par lesquelles les ambitieux croy oient s'être mis au-dessus des autres : de sorte qu'il y a beaucoup de raison de nous comparer à des eaux courantes, comme fait l'Ecriture sainte. Car de même que quelque inégalité qui paroisse dans le cours des rivières qui arrosent la surface de la terre, elles ont toutes cela de commun, qu'elles viennent d'une petite origine; que dans le progrès de leur course, elles roulent leurs flots en bas par une chute continuelle; et qu'elles vont enfin perdre leurs noms avec leurs eaux dans le sein immense de l'Océan, où l'on ne distingue point le Rhin, ni le Danube, ni ces autres fleuves renommés d'avec les rivières les plus inconnues: ainsi tous les hommes commencent par les mêmes infirmités. Dans le progrès de leur âge, les années se poussent les unes les autres comme des flots: leur vie roule et descend sans cesse à la mort, par sa pesanteur naturelle; et enfin après avoir fait, ainsi que des fleuves, un peu plus de bruit les uns que les autres, ils vont tous se confondre dans ce gouffre infini du néant, où l'on ne trouve plus ni rois, ni princes, ni capitaines, ni tous ces autres augustes noms qui nous séparent les uns des autres; mais la corruption et les vers, la

cendre et la pourriture qui nous égalent. Telle est la loi de la nature, et l'égalité nécessaire à laquelle elle soumet tous les hommes dans ces trois états remarquables, la naissance, la durée, la mort.

Que pourront inventer les enfans d'Adam, pour combattre, pour couvrir, ou pour effacer cette égalité, qui est gravée si profondément dans toute la suite de notre vie? Voici, mes Frères, les inventions par lesquelles ils s'imaginent forcer la nature, et se rendre différens des autres, malgré l'égalité qu'elle a ordonnée. Premièrement, pour mettre à couvert la foiblesse commune de la naissance, chacun tâche d'attirer sur elle toute la gloire de ses ancêtres, et la rendre plus éclatante par cette lumière empruntée. Ainsi l'on a trouvé le moyen de distinguer les naissances illustres d'avec les naissances viles et vulgaires, et de mettre une différence infinie entre le sang noble et le roturier, comme s'il n'avoit pas les mêmes qualités, et n'étoit pas composé des mêmes élémens; et par-là, vous voyez déjà la naissance magnifiquement relevée. Dans le progrès de la vie, on se distingue plus aisément par les grands emplois, par les dignités éminentes, par les richesses et par l'abondance. Ainsi on s'élève et on s'agrandit, et on laisse les autres dans la lie du peuple. Il n'y a donc plus que la mort, où l'arrogance humaine est bien confondue; car c'est là que l'égalité est inévitable: et encore que la vanité tâche, en quelque sorte, d'en couvrir la honte par les honneurs de la sépulture, il se voit peu d'hommes assez insensés pour se consoler de leur mort par l'espé-. rance d'un superbe tombeau, ou par la magnifi

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