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le 18 au matin firent soupçonner qu'il était informé de quelque chose, et hâtèrent l'exécution du projet arrêté (par une infime minorité). Le dimanche 17, peu de jacobins étaient présents, néanmoins on ne put réussir à faire déclarer le Conseil permanent; - Barbé Marbois dit que cette mesure fut rejetée par la majorité, comme plus dangereuse qu'utile ; — et le président leva la séance à quatre heures. On convint de se réunir le soir à la Commission des inspecteurs des Anciens, au palais des Tuileries. Là, depuis huit heures jusqu'à minuit, l'on ne fit que discuter sans rien arrêter. L'un prétendoit que le moment n'étoit pas encore arrivé; un autre vouloit parier sa fortune qu'on n'oseroit jamais attaquer le Corps législatif. Barthélemy faisoit assurer qu'il n'y auroit de mouvements que le mardi 19 Pichegru, qui croyait pouvoir compter sur Schérer (le nouveau ministre de la guerre), revenoit de chez ce ministre qui lui avoit donné sa parole qu'aucun mouvement n'auroit lieu. Enfin, tout concouroit à entretenir l'inconcevable sécurité de la majorité. Ce ne fut qu'à minuit passé, que d'après des rapports non suspects, on consentit à convoquer les Conseils pour cinq heures du matin, à les déclarer permanents. A quatre heures, le château des Tuileries étoit conquis, etc. »

Dans son Journal d'un Déporté, Barbé Marbois avoue qu'il n'avait jamais cru que le Directoire allât au delà de la menace; c'était pousser par trop loin la candeur! Il en résulta que la plupart des victimes du coup d'Etat furent précisément les plus innocentes, dans tous les sens du

mot.

Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi cet écrit eut si peu de retentissement et fut profondément oublié. On voit d'abord que l'auteur n'était pas moins hostile à Carnot, tout proscrit qu'il était, qu'à ses collègues proscripteurs. Il dit dans l'Avertissement que son but principal est de compléter le Mémoire apologétique de Carnot, « de

dangereux des temporiseurs. » Delacarrière ignorait évidemment que cet écrit de Carnot, imprimé à Augsbourg, avait été réimprimé à son insu, et répandu en France par les agents de Louis XVIII, à cause des récriminations violentes et bien justifiées de Carnot contre ses collègues, dont la publicité était considérée comme favorable à la cause royale. En second lieu, l'ouvrage de Delacarrière parut quelques semaines seulement avant le coup d'État de brumaire, dont l'un des effets fut de détourner complètement l'attention publique des péripéties antérieures. Delacarrière rentra en France, où d'abord il ne fut pas inquiété. Il est nommé une fois dans les Mémoires récemment publiés d'Hyde de Neuville, comme « l'un des amis politiques » de celui-ci et de Georges Cadoudal, et les ayant accompagnés lors de leur départ précipité pour l'Angleterre, à la suite de l'entrevue de Georges avec le premier Consul (p. 306). Delacarrière dut revenir promptement en France, peut-être même n'était-il pas allé plus loin que Boulogne. Ce qui paraît certain, c'est qu'il fut arrêté peu après, et subit une détention assez longue sous le Consulat, comme suspect d'intelligences avec les Chouans. On voit aujourd'hui, par le passage des Mémoires d'Hyde, que ce soupçon était assez fondé. D'ailleurs son petit volume n'avait certainement pas échappé à Carnot, devenu ministre de la guerre, et l'oubli des injures ne comptait pas parmi les vertus de l'ex-collègue de Robespierre; mon aïeul en a su quelque chose !

A partir du Consulat, on perd absolument la trace de Delacarrière (ou La Carrière).

Baron ERNOUF.

CARNET D'UN BIBLIOPHILE

(Suite.)

(Livres et éditions rares; bibliophiles et bibliothèques célèbres, etc.)

Jacques Raveneau, maître écrivain juré à Paris dans le XVIe siècle, fut longtemps employé comme expert en justice pour les vérifications d'écritures. Il consigna les résultats de son expérience dans un Traité des inscriptions en faux, et reconnaissances d'écritures et signatures, par comparaison et autrement. Paris, 1666, in-12. C'est le premier ouvrage, et l'un des plus curieux, qui ait été publié sur cette matière. Il y passe en revue toutes les espèces d'altérations qu'on peut faire subir aux écritures, les divers procédés des faussaires et la manière de les reconnaître. Ce livre et son auteur eurent une triste destinée. L'ouvrage fut condamné comme pernicieux, parce que, disait-on, il pouvait faire naître la tentation de faire usage des procédés criminels qu'il indiquait. D'autre part, il paraît que l'auteur lui-même ne sut pas résister à cette tentation. Déjà, dans la préface de son livre, il se plaignait d'être en butte à la calomnie, et il y a lieu de croire que tout n'était pas calomnieux dans ces imputations, car il fut condamné en 1682 à une prison perpétuelle. On dit même qu'il aurait été pendu, sans l'intercession du président Lamoignon, aux enfants duquel il avait appris l'écriture. Son ouvrage, ayant été supprimé par autorité de justice, est aujourd'hui presque introuvable.

Regnaud de Paris, procureur au Parlement, fut un des hommes qui montrèrent le plus de dévouement à la cause

de se charger de la défense de Louis XVI, et eut le courage de faire imprimer, en décembre 1792, le plaidoyer qu'il avait composé d'avance. Cet opuscule, qui eut à cette époque deux éditions, fut réimprimé en 1814. Décrété d'accusation peu de temps après, Regnaud en fut averti en temps utile par un ancien confrère et ami qui avait suivi une voie bien différente, le trop fameux Coffinhal, qui a eu rarement de ces accès de générosité. Après s'être tenu caché jusqu'au 9 thermidor, il recommença à publier des écrits ouvertement royalistes, notamment une relation de la journée du 10 août, dédiée au roi Louis XVII, et un Discours sur l'antique gouvernement de la France, imprimé secrètement à Paris par Giguet (depuis l'associé de Michaud jeune, 1799). Ce livre est devenu fort rare, parce que la majeure partie des exemplaires, expédiée en Angleterre, fut saisie à Calais et détruite par les autorités républicaines. Regnaud, qui avait eu un de ses fils tué à l'armée de Condé, l'autre fusillé en Bretagne, qui avait lui-même risqué plusieurs fois sa vie et sacrifié toute sa fortune pour les Bourbons, reçut pour récompense, en 1814: 1o des lettres de noblesse, avec permission de prendre pour armes un chien d'argent couché au pied d'un lis, avec cette devise: Mira fides!; 2° une pension de 1,200 fr.; 3o l'autorisation de se présenter devant le roi, pour lui témoigner sa reconnaissance de ces insignes bienfaits! La présentation eut lieu en effet, et le monarque lui adressa ces paroles gracieuses, mais un peu brèves : « J'ai bien du plaisir à vous voir, Monsieur ! » Et ce fut tout!... Celuilà et bien d'autres auraient pu dire, comme le chevalier Destouches dans le beau livre de Barbey d'Aurevilly: N'est-ce pas que ce sont des ingrats!!

Charles Rémard, littérateur, libraire à Fontainebleau, et ensuite conservateur de la bibliothèque du château de

en 1828), est bien connu des curieux par son poème didactique en quatre chants, la Chézomanie, ou l'art de Ch... Scatopolis (Paris, 1806). Il en passe de temps à autre des exemplaires dans les ventes, et un exemplaire sur vélin, payé 200 fr. en 1809, irait probablement aujourd'hui à un prix élevé. Cet ouvrage dénote une étude approfondie de la matière, et l'auteur y nomme sans périphrase les choses par leur nom. C'est sûrement de cette facétie malpropre que s'est inspiré un autre écrivain, qui s'en est tenu à l'étude des prolégomènes. L'art de p... fut publié dès 1815; ainsi l'on voit que l'auteur de la Terre n'a rien inventé. Ch. Rémard ne manquait ni d'esprit ni d'instruction; il a laissé de nombreux ouvrages manuscrits, notamment des études sur Delille, qui ne seront bien certainement jamais publiés. Le seul qu'il ait fait imprimer, outre son fameux poème, est un Guide du voyageur à Fontainebleau, 1820, in-12. Grand amateur des miniatures du moyen âge, à une époque où ce goût n'était pas encore répandu, il s'était amusé à découper, dans des livres d'Heures sur vélin avariés, qu'on pouvait se procurer à bon compte dans les premières années de ce siècle, les figures, bordures et lettres ornées en bon état de conservation, et à les disposer symétriquement dans des cadres en vieux chêne. Dans les derniers temps de sa vie, il fit cadeau de plusieurs de ces cadres à son frère, l'abbé Rémard, alors curé de Saint-Jacques du Haut-Pas. Ce vénérable ecclésiastique, qui avait fait partie, pendant la Révolution, des prêtres déportés à l'île d'Aix pour refus de serment, était un ami particulier de ma famille, domiciliée sur sa paroisse, et nous a laissé ces cadres par testament. Plusieurs des miniatures qu'ils renferment, entre autres celles d'une Passion du xiv° siècle, fort remarquables.

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sont

Reverchon, conventionnel régicide, envoyé en mission

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