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conservés à la bibliothèque de Grenoble, et qui ne comprend pas moins de 70 volumes ou liasses. On y trouve beaucoup de travaux déjà publiés, notamment une partie du livre de l'Amour, l'un des objets favoris des méditations de l'auteur, quelques-unes de ses nouvelles, des fragments de Rome, Naples et Florence, ceux qu'on a publiés sous le nom un peu ambitieux d'Histoire de Napoléon, etc. C'est de là aussi qu'on est parvenu, non sans peine, à exhumer ce journal, dont les feuillets étaient épars dans plus de vingt liasses. Il manque par malheur plusieurs cahiers, et qui ne devaient pas être des moins intéressants, entre autres ceux de la campagne de 1812, l'une de celles que Beyle a faites en qualité de commissaire des guerres. Heureusement pour lui, il était parti de Moscou longtemps d'avance, chargé d'une mission spéciale.

Cette publication fournit un grand nombre de documents nouveaux et curieux sur la jeunesse plus que dissipée de Beyle; elle complète et rectifie sur bien des points le seul travail biographique sérieux qui eût paru jusqu'ici, celui de son ami Colomb, qui n'avait pas eu ce journal à sa disposition. On y trouve aussi, çà et là, des détails piquants sur le mouvement dramatique des premières années du siècle, surtout de 1803 à 1805, mouvement auquel Beyle était fort mêlé, par amour de l'art, et surtout des actrices. Officier de dragons démissionnaire, il ne rêvait plus que théâtre à cette époque, aspirait à devenir non seulement auteur dramatique, mais acteur, et vivait dans l'intimité de la plupart des artistes du Théâtre-Français, notamment de Talma, de Miles Duchesnois, Mars, etc., dont il apprécie le talent avec une finesse remarquable. En revanche, ce qui a été conservé de son unique pièce de théâtre, Letellier ou l'Ami du despotisme pervertisseur de l'opinion publique, prouve qu'il s'était complètement abusé sur ses aptitudes dramatiques. On peut en juger par un fragment de cette œuvre inachevée, qui figure à l'Appendice du présent volume. Il ne s'abusait pas moins sur les dispositions professionnelles et la vertu relative d'une jeune actrice, Mélanie Guilbert, dont il fut passionnément épris pendant plus d'un an. Cette ingénue, des plus rouées dans la vie réelle, aspirait au Théâtre-Français; elle ne put y arriver, malgré ses relations très particulières avec plusieurs chefs d'emploi. En 1805, elle débuta à Marseille,« étant au mieux avec la préfecture », mais ne fut pas engagée. Cette femme tint pendant

suite dans son Journal. Absorbé par l'analyse de ses propres sensations, tandis qu'il filait le parfait amour, il ne voyait pas ou s'obstinait à ne pas voir que plusieurs autres mordaient à belles dents dans la dragée qu'on lui tenait si haute!

Il est beaucoup question des femmes dans ces cahiers; ce n'est même qu'incidemment qu'il y est question d'autre chose. Des récits de flirtations quintessenciées y alternent avec des boutades d'un cynisme brutal. Mais on y voit étinceler, çà et là, des pensées ingénieuses et profondes, disjecti membra poetæ ; celle-ci, par exemple, qui semble d'hier ou de ce matin, bien que datée du 27 floréal an XII: « Il est facile de plaire au peuple, mais on ne lui plaît pas longtemps; une nouvelle bêtise remplace bientôt la vôtre. » Quelques pages, surtout dans les derniers cahiers, sont à la hauteur de ce que Beyle a jamais fait de mieux. Le récit de l'effroyable journée d'Ebersberg (mai 1809) vaut l'épisode fameux de Waterloo dans la Chartreuse de Parme. Dans ce journal, comme ailleurs, Beyle est sur plus d'un point, tantôt en bien, tantôt en mal, fort en avant de son siècle. Parmi ses pressentiments prophétiques, son admiration parfaitement raisonnée pour Shakespeare est un de ceux qui lui font le plus d'honneur. Dès 1804, il se faisait de grosses querelles à la Comédie-Française, en soutenant que l'Othello de Ducis était bien inférieur à l'original.

Il n'est guère possible de parler ici de Beyle sans évoquer le souvenir de la rarissime plaquette: H. B., par un des quarante, Eleutheropolis, an MDCCCLXIP de l'imposture du Nazaréen. Cet opuscule n'a pas plus ajouté à la réputation de Mérimée que l'Ode à Priape à celle de Piron. Chez l'auteur de Colomba comme chez celui de Rouge et Noir, le scepticisme n'était qu'intermittent. Les boutades matérialistes et impies sont rares dans le Journal, et l'on y rencontre parfois des impressions d'un genre tout opposé, comme celle-ci «Faire un petit livre de piété en quelques chapitres, dans le genre suave de l'Imitation. Les vierges de Raphaël pour frontispice» (9 pluviôse an XI).

Il a été tiré de ce Journal, complément de toutes les œuvres de Beyle, 25 exemplaires sur papier fort.

LADY GEORGIANA FULLERTON, sa vie et ses œuvres, par Madame A. Craven, in-8 de xvi et 558 pages avec portrait. Librairie académique Perrin.

Voilà un de ces livres dont il fait bon parler pour purifier l'air après ceux qui ont laissé une forte odeur de roussi, comme le Journal de ce paien de Stendahl. Nous croyons pouvoir prédire au nouvel ouvrage de Madame Craven un succès pareil à celui des Récits d'une sœur. Parmi les femmes de la haute aristocratie anglaise qui ont embrassé le catholicisme depuis un demi-siècle, lady Georgiana Fullerton, née Granville, était des premières, sinon la première, par la véritable noblesse, celle de l'âme, par sa charité aussi intelligente qu'active, et par ses aptitudes littéraires. Plusieurs de ses romans, notamment Ellen Middleton, Grantley Manor (non traduit), Lady Bird (l'Oiseau du bon Dieu), ont obtenu un immense succès. Elle parlait et écrivait en français aussi facilement que dans sa langue maternelle; un de ses romans, le Pacha de Bonneval, rédigé par elle-même en français, a paru d'abord dans le Correspondant. Disons encore que le produit de ses travaux littéraires était exclusivement affecté à des œuvres de bienfaisance, et que bien peu d'Anglaises ont autant aimé la France, ainsi qu'en font foi de nombreuses lettres citées par Madame Craven. L'une d'elles, du 16 mai 1848, contient une anecdote particulièrement intéressante pour les lecteurs du Bulletin. « ... Je viens de voir Madame de Montjoie (dame d'honneur de la reine Marie-Amélie). Elle a reçu hier un petit livre qu'on lui a renvoyé de Paris. Depuis trente ans, elle avait l'habitude d'y écrire des passages extraits de livres religieux. Il était resté sur sa table aux Tuileries. Il a passé par les mains de la foule, qui y a ajouté des paroles injurieuses signées de plusieurs noms. Cela est horriblement pénible à voir; mais dans quelques années ce sera un curieux monument d'une époque extraordinaire »; un monument que se disputeront avec énergie les bibliophiles du xx siècle, s'il passe jamais dans quelque

vente.

C'est aux âmes d'élite que semblent réservées les grandes épreuves; aussi lady Georgiana ne fut pas épargnée. La plus cruelle fut la perte de son fils unique, mort à vingt ans. Depuis le jour où, suivant son expression, « son enfant était devenu son

elle s'adonna plus que jamais à la prière, aux bonnes œuvres ; et, comme dit Madame Craven, une nouvelle puissance de consolation se développa en elle. Elle fit preuve d'une résignation et d'une sérénité admirables pendant la douloureuse maladie qui l'emporta, à l'âge de 73 ans (janvier 1885). Un jour, à la suite d'une crise violente, étant un peu remise, elle dit en riant à son médecin : « Avouez que vous n'auriez jamais cru qu'il fallût tant de choses pour tuer une vieille femme ! »

Dans ce bon et beau livre, Madame Craven a mis tout son talent, toute son âme, et élevé à son amie un monument digne de toutes les deux !

NOUVELLES ET VARIÉTÉS

Cueilli dans une spirituelle fantaisie de M. L. Halévy, le Défilé. (Un défilé d'invités et d'invitées dans un bal.)

<< Madame de X... est une de ces aimables personnes dont la vie peut se conter en trois mots s'habiller, babiller et se déshabiller.

Ah! quelle robe, ma chère ! quelle robe! s'écrie la maîtresse de la maison... et de chez qui?

De chez Madame Z... (Je passe le nom pour n'être pas soupçonné de faire une réclame.)

Ah ! j'aurais dû le deviner. Elle signe ses robes.

Oui, vous avez raison, ses robes sont tout à fait personnelles. Le mari, un petit sécot, à l'air renfrogné, fait la grimace. Il sait ce qu'elles coûtent, ces robes personnelles. C'est un bibliophile enragé; il aurait bien mieux aimé acheter un livre de plus à la vente X...

Le mari et la femme passent leur vie à se reprocher leurs robes et leurs livres. Dans une de ces querelles, ce mot atroce a échappé à la femme :

Je sais bien que ça fera une belle vente après vous, mais en

Les lecteurs du Bulletin ont trop d'esprit pour se formaliser de cette plaisanterie, qui d'ailleurs ne vise ni n'atteint personne en particulier.

-Nous avons déjà signalé, dans le précédent Bulletin, la mort prématurée d'un de nos plus zélés collaborateurs, le comte EdmondMarie de Barthélemy d'Hastel, né à Angers le 21 novembre, décédé à Paris le 30 mai dernier. Ancien auditeur au Conseil d'Etat, et secrétaire du sceau des titres, ce savant et laborieux écrivain a publié un grand nombre de dissertations, de notices et de mémoires sur le département de la Marne, en partie résumés dans son Histoire de Chalons, qui a obtenu, en 1885, une mention honorable de l'Académie des inscriptions. Parmi ses autres travaux, nous citerons ses Études sur Gerbert, sur la société précieuse avec lettres inédites de Mademoiselle de Scudéry et autres ; sur la comtesse de Maure; la marquise d'Huxelles; les amis de la marquise de Sablé, la princesse de Conti, les filles du Régent, Mesdames de France, filles de Louis XV, sur Jean Bodin, Omer Talon, etc. Investigateur infatigable, le comte Barthélemy a fait plus d'une trouvaille précieuse pour l'histoire de France. On lui doit la publication de la correspondance en grande partie inédite de Turenne, du journal de Jean Hérond, médecin de Louis XIII, de celui d'un curé ligueur, les lettres inédites de la princesse, femme du grand Condé; celles des correspondants de la marquise de Balleroy. L'une de ses plus récentes publications est la Gazette de la Régence (1715-19), d'après le manuscrit inédit conservé à la bibliothèque de La Haye (1887). Disons encore que le Bulletin a eu la primeur d'un grand nombre de ces travaux. M. de Barthélemy était un de ces érudits dont la vie se passe à faire des recherches, à rassembler des matériaux dont d'autres font leur profit, souvent sans en indiquer la provenance. Sic vos non vobis..... Il était, depuis 1864, chevalier de l'Ordre de Pie IX.

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