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là vos estudes et vos promenades qui partagent si agréablement votre temps ne vous ayent pas empesché de songer que je fusse au monde et vous ayent permis de m'escrire. Vous direz peut-être, Monsieur, que le long temps que j'ai esté à vous respondre ne prouve guère ce que je dis j'avoue que je ne comprends pas comment cela s'est fait. Car, quoique j'aye eu tous ces jours ci beaucoup d'affaires domestiques qui m'ont extrêmement occupé, jointes à la transmigration qui se fait du corps de logis de devant, (où vous m'avez fait l'honneur de me venir voir), en celuy de derrière, où j'ay encore des ouvriers qui me donnent de la peine à conduire et encore plus à les chasser, je ne puis me pardonner cette négligence à m'acquitter de mon devoir, ou plutôt à me donner la satisfaction que j'ay présentement à vous mander les nouvelles que vous souhaittés

savoir.

M. de la Fontaine vint prendre séance dans l'académie le 2 may qui estoit un mardy, l'assemblée ayant été remise à ce jour là à cause de la feste du jour précédent. L'assemblée n'estoit pas si nombreuse qu'à l'ordinaire en de pareilles rencontres, parce que le public n'eut pas le temps d'en estre adverti et que la cour n'estoit plus à Paris. Sa harangue me parut fort spirituelle et me plut beaucoup, quoiqu'il la lust assez mal et avec une rapidité qui ne convient nullement à une harangue.

Après que M. l'abbé de la Chambre luy eust respondu avec beaucoup de gravité et de dignité, il lut une pièce de vers en forme d'épistre qu'il adresse à Madame de la Sablière où il fait une description de sa vie et de ses mœurs, en un mot une confession générale fort naïve qui fut fort bien receue et qui venoit bien après ce qui s'étoit passé sur sa réception. M. Quinault lut une espèce de poème qu'il a fait contenant la description de Sceaux dont je croy, Monsieur, que vous luy avez entendu lire la première partie. Il lut cette première partie et une seconde

M. de Benserade lut une version en vers du Miserere fort belle et fort exacte; c'est un endroit des Heures qu'il a faictes pour le roy. Il lut ensuite une épistre en vers sur la pénitence qu'il lut fort mal et qu'on ne laissa pas de trouver supportable. Je vous l'aurois envoyée Monsieur, n'estoit qu'on la va imprimer avec les harangues dont je viens de parler et que j'aurai l'honneur de vous envoyer le tout ensemble. Ainsy, Monsieur, la séance fut bien remplie et reçut assez d'applaudissements. Pour ce qui est du dénouement de l'avanture de M. de la Fontaine, il s'est fait fort naturellement par le moyen de l'obligation qu'on a eue de demander l'agrément de M. Despréaux, car en le demandant le Roy dit de lui-mesme qu'il falloit recevoir M. de La Fontaine et qu'il lui donnoit son agrément. Mais sur le fait de M. Despréaux, il y eut quelque mouvement et quelque petite chaleur dans la compagnie, sur ce que quelques uns de MMrs les Académiciens de la cour voulaient, soit pour obliger M. Despréaux, soit pour donner des marques de leur pouvoir, que le second scrutin se fît le jeudy d'après le premier, contre l'usage ancien qui a toujours mis une huitaine entière entre les deux scrutins, affin, disaient-ils, qu'il fust receue avant le départ de la cour et que le roy le scût avant que de partir. Cela parut ne devoir point estre fait, ny ayant aucun sujet ny aucune nécessité d'enfraindre les règlemens de la compagnie, et il fut dit que le second scrutin se ferait à l'accoustumée, c-à-d. le lundy d'après; ce qui a esté fait et a esté trouvé bien fait. Vendredy dernier M. Charpentier, accompagné de MMrs l'abbé Tallemant le jeune, Quinault, Cordemoy, Lafontaine et moi, alla par ordre de la compagnie chez M. le duc de Richelieu lui faire compliment sur la mort de Madame son épouse. Le compliment fut fort beau et reçu avec beaucoup d'honnesteté [par le duc] qui avoit fait ranger tous ses domestiques chacun en leur poste pour nous recevoir et nous reconduire. Il nous receut dans son

ensuite le cabinet des tableaux de M. le duc. Trois jours après, M. le duc est venu [chez] M, Charpentier pour le remercier et toute l'Académie, et M. l'abbé Testu nous a fait des complimens de sa part. (Par nous j'entens seulement ceux qui accompagnèrent Mr Charpentier.) Mr Despréaux fait présentement ses visites pour sa réception et je vins hier céans pour cela. Je ne sçay point encore quand il fait estat de venir prendre séance. A l'égard du Luxembourg, de Gennes et de Gironne et choses semblables, je suis sûr que vous en savez plus de nouvelles que moy et ainsy je ne vous en manderay rien, outre que le papier me manque et qu'il ne m'en reste comme vous voyez que pour finir

ma lettre en la manière accoustumée et vous asseurer qu'on ne peut estre plus que je le suis, Monsieur, votre très-humble et très obéissant serviteur.

[Sans suscription]

PERRAULT.

V

UNE CANDIDATURE ACADÉMIQUE EN PROVINCE

[Lettre d'Antoine Halley à Huet]

Il se fonda à Caen, au xviro siècle, deux sociétés savantes qu'on a souvent confondues: l'une, appelée Académie de Caen, qui se réunissait chez le conseiller Moisant de Brieux et s'occupait de poésie et de littérature; l'autre, fondée par Huet et Graindorge, sous le nom d'Académie des sciences et qui se réunissait chez Huet. C'est de cette dernière qu'il est ici question, et la lettre non datée d'Antoine Halley est de 1662. A. Halley était depuis la fondation l'un des membres les plus considérables de l'Académie Brieux. La lettre qu'on va lire ajoute nombre de détails à ce qu'on sait de lui, et montre qu'il était non seulement poète latin et professeur de géographie, mais aussi philosophe et anatomiste. Il est assez piquant de voir le maître de Huet prendre un ton si humble pour écrire à son ancien élève et pensionnaire.

Ce mardi soir.

Monsieur, ayant appris cette après disner que vous cherchiez des personnes pour remplir le nombre de vos académiciens, j'ay pris la liberté de vous escrire celle-cy pour vous dire que si vous me jugiez digne de tel honneur vous m'obligeriez bien particulièrement. Je ne suis pas à la vérité un grand mathématicien ny anatomiste. J'ay pourtant enseigné plusieurs fois et avec éclat la sphère du monde et écrit un traité de l'anatomie que j'ay résumé de plusieurs bons auteurs et nommément de Rioland et du Laurens dont j'ay lu fort exactement les ouvrages. Et pour peu d'application que j'apportasse à la lecture des modernes tant pour la inoculation du sang qu'autres curiosités récentes je croy que j'en pourrois parler aussy bien que d'autres que j'en entends discourir souvent et que bien vous connoissez. J'adjoute à cela que vous ne voudrez pas bannir les belles-lettres de vos entretiens et que comme les autres je pourrois rapporter aux occasions des explications des anciens auteurs grecs et latins. Je ne mets point en ligne de compte que je professe publiquement les belles lettres il y a 52 ans entiers et que je suis maintenant le doyen par âge des professeurs de l'Université (cui non fuimus indecorus [sic]). J'oubliais à dire que je ne suis pas tant mal versé en la philosophie d'Aristote que vous n'avez pas dessein, comme je crois, d'exclure de l'entretien. Après tout, Monsieur si vous ne goustez pas mon procédé je vous supplie fortement de me le faire savoir par un petit billet, après quoy je n'aurai garde de dire mot, mais je vous prie aussi que personne ne sache que je vous ai fait cette proposition et de ne croire pas, s'il vous plaist, que pour avoir eu l'honneur de vous voir demeurer chez moy, je prétende avoir droit d'exiger de vous des choses contre raison, et enfin que je n'eusse jamais pris ceste liberté avec vous si une personne de mérite et de condition (sans parler d'autres encore) ne m'eust demandé aujourd'huy si vous

où il dit que le roy donnera de si beaux privilèges. Je ne vous ennuyerai point davantage, Monsieur, par cet importun discours; seulement je vous supplie de brûler ce papier afin que personne ne le voie et de me continuer tousjours l'honneur de vostre bienveillance qui m'est bien précieuse. Je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

HALLEY.

ENTRÉE DE HENRY IIII A PARIS

Le 29 octobre 1597

Un des plus beaux faits d'armes de Henri IIII fut la reprise de la ville d'Amiens en 1597, non par ruse, mais par le plus mémorable effort et par la plus grande gloire des armes du monde.

Le siège de cette place, fut long, difficile et douteux. Un jour, raconte Hardouin de Péréfixe, le Roy, revenant de la chasse, trouva un effroy général dans son armée, et quelques-uns même des principaux Chefs tout éperdus. Dans un si grand danger le cœur ni la teste ne lui manquerent pas; il dissimula sa crainte, donna les ordres sans s'émouvoir, et se fit voir partout avec un visage aussi gay et des discours aussi fermes qu'après une victoire. Il fait promptement marcher ses troupes au champ de bataille, qu'il avoit choisi trois jours devant à huit cens pas delà les lignes. De cet endroit ayant considéré le bel ordre de l'armée d'Espagne, le peu d'assurance de la sienne et la foiblesse de son poste, où il n'avoit pas eu le loisir de se fortifier, il fut un peu émeu et douta du succès de la jour

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