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Le château de Talcy, par M. Edm. Stapfer. Paris, Fischbacher, in-8 de 153 pages.

Le château curieux et trop peu visité de Talcy (Loir-et-Cher) est situé en pleine Beauce. On aperçoit, à 40 kilomètres de distance, ses tours massives, du haut de celles de la cathédrale d'Orléans. Il est connu dans l'histoire des guerres de religion par la tentative inutile d'accommodement entre Catherine de Médicis et les chefs des huguenots, qui précéda la furieuse reprise d'hostilités de 1562, et dans l'histoire littéraire par le long séjour qu'y fit d'Aubigné dans sa jeunesse, et ses amours avec la fille du châtelain, Diane Salviati, la belle aux cheveux d'or! Ce mariage projeté ne put s'accomplir, et Diane mourut à la fleur de l'âge. Son souvenir inspira à d'Aubigné la plupart des pièces amoureuses dont se compose son recueil intitulé le Printemps. Il la regrettait encore, même depuis son union avec Suzanne de Lezay, et ne s'en cachait pas, parfois dans des circonstances fort inopportunes, comme en fait foi le sonnet suivant :

Suzanne m'escoutoit soupirer pour Diane,

Et troubla de sanglots ma paisible minuit.

Mes soupirs s'augmentoient, et faisoient un tel bruit
Que fait parmi les pins la rude tramontane.

Mais quoy! Diane est morte, et comment, dit Suzanne,
Peut-elle du tombeau plus que moy dans ton lit?
Peut bien son œil éteint plus que le mien qui luit?
Aimer encor les morts, n'est-ce chose profane?

Tires-tu de l'Enfer quelque chose de sainct?
Peut son astre esclairer alors qu'il est éteint,
Et faire, du repos, guerre à ta fantaisie?

Oui, Suzanne. La nuit de Diane est un jour!
Pourquoi ne peut sa mort me donner de l'amour,
Puisque, morte, elle peut te donner jalousie?

[Sauf cette tempête bruyante de soupirs, qui rappelle les hyperboles du Matamore dans le Pédant joué, ce sonnet est de ceux qui << valent un long poème »>.]

En sa qualité de protestant, M. Stapfer n'a pu se défendre d'une certaine partialité dans le récit de cette conférence de Talcy, qui ne fit honneur à aucune des deux parties. Cette mono

en eût de semblables pour tous les châteaux qui se recommandent par des souvenirs historiques. Talcy est un de ceux qui ont échappé au vandalisme révolutionnaire. L'appartement de Catherine est encore tel qu'elle l'a occupé. Le lit, les glaces, les tentures, une tapisserie de Flandre représentant une noce de grands seigneurs, toutes choses datant du xvie siècle, n'ont certainement pas changé de place depuis 1562. Il est bien rare de rencontrer intacts à ce point des débris si considérables du passé.

B. E.

CARNET D'UN BIBLIOPHILE

(Suite.)

(Livres et éditions rares; bibliophiles et bibliothèques célèbres, etc.)

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On n'a que des détails vagues et contradictoires sur la vie de Manzolli ou Manzoli, auteur d'un curieux poème latin en douze chants, intitulé Zodiacus vitæ, publié pour la première fois, on ne sait si ce fut de son vivant, sous un pseudonyme, chez Bernardin Vitale, à Venise, in-8°. Cette édition n'a pas de date, mais elle ne saurait être antérieure à 1534, puisqu'elle est dédiée à Hercule II, duc d'Este, dont l'avènement date de cette année. Ce prince est surtout connu par sa femme, Renée de France, si favorable à la Réforme. Le Zodiacus fut mis à l'Index comme entaché d'hérésie au premier chef, et l'édition détruite en grande partie bien peu de temps après sa publication, puisqu'il en fut fait, dès 1537, une nouvelle à Bâle. On dit aussi que l'auteur était déjà mort quand les agents de l'Inquisition découvrirent que le pseudonyme Marcello Palingenio était l'anagramme de son vrai nom, Pier Angelo Manzoli. Ces agents n'étaient pas des plus pers

anagramme le mot Stellatus, qui désignait le lieu de sa naissance; Stellata, bourg des environs de Ferrare. On ajoute qu'à la suite de cette découverte, son corps fut exhumé et brûlé; suivant d'autres, la duchesse Renée aurait empêché cette exécution posthume. Ce qui est positif, c'est que ce livre fut condamné, sans doute à cause des attaques violentes qu'il contient contre les prêtres, les moines et l'Eglise romaine; et pourtant ces attaques n'étaient pas plus vives que celles que se permettaient impunément, à la même époque, Baptiste Mantouan et Rabelais. Il est remarquable aussi que cet ouvrage ne contient aucune allusion à Luther ni à Calvin. Néanmoins cette persécution lui valut une certaine vogue dans les pays protestants. Il n'est pas d'ailleurs sans mérite; on y trouve des allégories ingénieuses, des réflexions morales élégamment exprimées. Bayle, Baillet, La Monnoie et surtout Naudé, ont parlé avec éloge de ce poème, dont la meilleure édition est celle de Rotterdam, 1722, in-8°. Il en existe une transcription libre en vers français, par Riviere (1619, in-8°), et une médiocre traduction en prose, par La Monnerie, dédiée à lord Chesterfield (La Haye, 1731, 2 vol. in-12, réimprimée en 1733, soi-disant à Londres, mais probablement en France). On en trouve aussi quelques- fragments traduits librement en vers, dans les premières œuvres de Scévole Sainte-Marthe (1569). Olivier de Magny, dont les poésies sont si recherchées aujourd'hui, avait traduit entièrement le Zodiacus vitæ, mais cette version n'a pas été publiée.

On en est encore, sur Palingène ou Manzolli, à la conclusion un peu naïve, que formulait sur son compte Louis Dubois en 1820: « Tout ce qu'on sait maintenant de plus positif sur lui, c'est que sa profession est aussi douteuse que les détails sur sa vie sont inconnus », C'était, à coup sûr, un homme de beaucoup d'esprit et d'instruction, que la révolte contre l'Eglise romaine avait entraîné d'emblée

porte le nom d'un des signes du Zodiaque astronomique. « Surtout, dit-il, dans celui qui porte le nom de la constellation du Lion; surtout, que ta porte soit soigneusement close à tout moine, à tout frère-lai, à tout ministre d'une religion quelconque » (quávis lege sacerdos). Ces sentiments lui ont valu les sympathies des libres penseurs des deux siècles suivants; Bayle, Naudé, Gui Patin, Chesterfield, reconnaissaient en lui l'un des leurs.

Marcello, le célèbre compositeur, était aussi poète, et réussissait surtout dans la satire. L'une de ses meilleures est le Teatro alla moda, 1720, in-8°, qui parut sous le voile de l'anonyme. Il y expose avec beaucoup de malice et d'esprit les travers des compositeurs, des poètes et des chanteurs de son temps, fort semblables à ceux du nôtre. Il faisait aussi de la satire en musique; on trouve dans ses Canzoni madrigalesche (1717), une cantate bouffonne qu'il fit exécuter par les chanteurs de la chapelle SaintMarc dont il avait eu à se plaindre. Dans ce morceau, la musique et les paroles sont disposées de manière à imiter un troupeau qui bêle. Il y aurait une recherche curieuse à faire de ces pièces à intention satirique dans les œuvres des grands maîtres. L'une des plus curieuses est la Raillerie musicale, sextuor instrumental dédié par Mozart aux amateurs de Prague, qui avaient sifflé Don Juan ! Il y avait accumulé toutes les formules musicales qui, de son temps, étaient réputées les plus surannées.

Prosper Marchand (1675-1759), libraire à Paris, de 1698 à 1711, à l'enseigne du Phénix, rue Saint-Jacques, émigra ensuite en Hollande, pour professer plus librement le calvinisme, et attaquer impunément la religion

tionnaire historique. A part cette haine féroce du catholicisme, c'était un homme instruit, obligeant, et qui a rendu des services aux lettres et à la bibliographie. On croit qu'il a eu quelque part au Chef-d'œuvre d'un inconnu. On lui doit des améliorations importantes dans la rédaction des catalogues; comme par exemple l'arrangement des livres par ordre de matières, sans distinction de format. Il y avait de l'érudition dans son Histoire des origines de l'Imprimerie (1740, in-4°), mais on en sait aujourd'hui bien plus long que lui. Plusieurs de ses éditions, notamment celle des Lettres choisies de Bayle (1714, 3 vol. in12); du Cymbalum Mundi (Amst., 1711); des Voyages de Chardin (Id., 1735, 4 vol. in-4°); des œuvres de Villon (La Haye, 1742, in-8°); - le Brantôme de 1740 en 15 vol. in-12 avec frontispices; — seront toujours des livres d'amateur.

Prosper Marchand avait formé une belle et nombreuse bibliothèque, qu'il légua à l'Université de Leyde.

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Les curieux mémoires d'Olivier de la Marche ont été réimprimés, comme on sait, dans les collections Petitot et Michaud, mais avec des retranchements. Aussi les anciennes éditions méritent toujours d'être recherchées de préférence. Il y en a quatre : l'édition princeps de Denis Sauvage (Lyon, 1562, in-8°); celle annotée par Jean Laurens (Gand, 1566, in-4°); et les réimpressions de 1616 (Bruxelles) et de 1645 (Louvain). Un autre ouvrage de la Marche, Traités et advis...... sur les duels et gages de batailles (Paris, 1586, in-8°), a été réimprimé en 1872 à Paris (tiré à petit nombre). Le Chevalier délibéré, poème du même, qui serait, suivant l'abbé Goujet, une vie allégorique de son maître Charles le Téméraire, a eu plusieurs éditions du vivant de l'auteur, qui comptent

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