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eut terminé son premier poème, vers 1668, il eut de la peine à obtenir l'autorisation de le faire imprimer, et l'ouvrage, publié à Lyon, fut d'abord assez froidement accueilli. Sans se déconcerter il attaqua l'autre épopée, l'Eliade, et l'écrivit d'un bout à l'autre dans le même style. Mais cette fois, il ne lui fut même pas permis de faire paraître cette élucubration, qui lui avait coûté huit années de travail. On l'envoya même en faire pénitence dans un couvent perdu au milieu des Alpes, où il mourut d'une hydropisie vers 1684. C'était, suivant sos biographes, un excellent homme, d'une vie exemplaire, et qui n'avait que deux défauts; son infatuation poétique et une attraction pour le beau sexe qui, malgré lui, malgré son physique odieusement ingrat, n'avait fait que s'accroître avec l'âge. On prétend que, pour éviter les tentations, il n'allait jamais dans les rues que les yeux fermés, au risque des chocs et des chutes!

II

Le poème du P. de Saint-Louis, dont il passe assez souvent des exemplaires dans les ventes, est intitulé: La Magdeleine au désert de la Sainte-Baume, poème spirituel et chrétien, en 12 livres. Lyon, in-12. Le privilège pour l'impression est de 1668, et il y a des exemplaires sous cette date; d'autres, de la même édition, dont le débit fut lent, avec un nouveau frontispice daté de 1674. Mais, dix ans après la mort de l'auteur, il s'en fit, à Lyon, une nouvelle édition, qui eut un immense succès de ridicule, la révolution du goût s'étant étendue enfin jusqu'en province. Cette édition était épuisée, ainsi qu'une autre de 1700, quand La Monnoye inséra ce poème dans son Recueil de pièces choisies, publié à La Haye en 1714, en 2 vol. in-8. Mais il a soin de noter, dans sa préface, que cette insertion n'a d'autre but que d'égayer le lecteur.

avec soin, ce bon moine s'est rendu ingénieux à les rechercher. >> Dans d'autres écrivains du temps de Louis XIII, par exemple dans la Pharsale de Brébeuf, le Moyse sauvé de Saint-Amant ou le Saint-Louis du P. Lemoyne, le pathos est du moins intermittent, mêlé de beaux élans lyriques; tandis que dans la Magdelaine il est à l'état continu. C'est un feu roulant de métaphores burlesques; les rossignols et autres oiseaux chanteurs y sont des luths animés, des orgues vivants, des sirènes volantes; les arbres de haute futaie, de vieux barbons, de grands enfants d'une plus grande mère, des rodomonts, qui montent jusqu'au ciel sans jamais se découvrir la tête (probablement des arbres à feuilles persistantes), etc. Il décrit Magdelaine dans sa grotte, couchée sur un dur lit de sablons, sous un rocher,

Où la nuit, par un trou, tout à fait obligeant,
La lune lui fournit une lampe d'argent.

Dans cette pénombre,

On peut voir seulement les éclairs de ses yeux,
Qui sont les bénitiers d'où coule l'eau bénite,
Qui chasse le démon jusqu'au fond de son gîte.

Le P. de Saint-Louis s'était, dit-on, encore surpassé dans l'Eliade, poème resté inédit, et dont le manuscrit est probablement perdu. Il a eu aussi la gloire, si c'en est une, d'être le plus grand anagrammatiste de son siècle. Il avait composé des anagrammes sur les noms des papes, des princes, des saints, des généraux de son Ordre, etc. Ceux qu'il a commis en l'honneur de la Sainte Vierge forment à eux seuls un volume, imprimé à Viterbe, en 1672, sous le titre de Muse bouquetière de N. D. de Lorette; volume mentionné dans la Bibliotheca Carmelitana, mais qui a échappé jusqu'ici à tous les bibliogra

années, à côté d'un bel exemplaire de la Magdelaine, dans la bibliothèque de Soubise. Cette bibliothèque, très riche en classiques et en vieux poètes français, appartenait alors à un curé fort âgé, qui demeurait dans les environs de Magny; elle a été dispersée à sa mort. La date et le lieu d'impression de ce recueil (Viterbe) prouvent que la réputation de l'auteur avait pénétré jusqu'en Italie !!

Le poème de la Magdeleine est d'autant plus comique, que l'auteur vise sans relâche au sublime, au pathétique; qu'il se prend imperturbablement au sérieux. Sous ce rapport, il ressemble au libraire Roullet, auteur de la << Relation des événements qui se sont passés dans l'administration de l'Opéra dans la nuit du 13 février 1820 (la mort du duc de Berry) », relation si rare aujourd'hui, presque tous les exemplaires ayant été retirés et détruits par ordre supérieur. « Quand il plaira à l'Eternel de retirer mon âme de ce corps abject, l'empreinte qu'elle a reçue dans cette nuit n'en subira aucune altération... O nuit effroyable! capable de ressusciter les morts, et d'anéantir tous les vrais Français !! Roullet et sa femme, libraires de l'Opéra, sont sortis à cinq heures du domicile qu'ils occupent provisoirement rue des Poitevins (en attendant les réparations qu'on fait à celui de la rue du Battoir, qu'ils occupent depuis douze ans). Ils sont partis avec une voiture à bras appartenant à M. Dumas son beaupère, de 88 ans ; établie à ses frais à l'effet de suppléer à ses jambes. C'est là dedans que je brouette mon épouse depuis son accident. Arrivée à destination, elle (?) stationne tantôt à droite, tantòt à gauche, suivant la consigne, attachée à un piton enfoncé dans le mur, et sous la garde du nommé Simon, père de huit enfants en bas âge, et dont j'ai le petit Simon chez moi...... Dans le corridor (près de la loge du Roi), deux banquettes couvertes de velours rouge, six gardes royaux, un quinquet, et un adjudant de fondation. » Après avoir décrit le costume et

<«<< Moi, j'avais une redingote olive, une serviette au cou, et je passai la nuit dans cet état. » A l'entrée du Roi, Roullet se saisit du chapeau de S. M., qu'il dépose avec respect sur son buste, placé au milieu de la cheminée. Tout le reste est de la même force, et ce brave homme s'imaginait avoir fait une œuvre poignante! Nodier disait à propos de cette «< relation », qu'il défiait l'homme le plus morose, le plus énervé, d'en lire deux phrases de suite sans éclater.

B. E.

DOCUMENTS

SUR LE

CHATEAU DE CHENONCEAUX

PUBLIÉS

Par l'abbé C. CHEVALIER

Et le prince Augustin GALITZIN

6 volumes. Paris, Techener, 1864

Tout le monde a encore présents à l'esprit les événements récents relatifs à la mise en vente du château de Chenonceaux. Tous ces faits donnant un renouveau d'actualité à tout ce qui concerne l'histoire de cette résidence depuis les temps de Louise de Vaudemont et de Catherine de Médicis jusqu'à nos jours, nous ne pouvons mieux faire que prendre pour guide, dans notre rapide promenade à travers Chenonceaux, le travail si substantiel de M. l'abbé Chevalier et les deux volumes

du savant abbé abonde en documents inédits de toutes sortes, acquits, reçus, comptes et devis et autres pièces indispensables pour une reconstitution exacte de l'histoire de Chenonceaux. La multiplicité même de ces documents, un peu déconcertante au premier abord, est à la fois une preuve du zèle infatigable de l'auteur, et un élément nécessaire de toute étude un peu approfondie sur la royale demeure. Les introductions claires et instructives placées en tête des divers volumes allègent la lecture, forcément un peu aride, des pièces originales.

Le château de Chenonceaux, une des merveilles de la Touraine, semble avoir été destiné de tout temps aux changements de propriétaires. Si nous consultons en effet la liste de ses possesseurs, nous constatons qu'elle est longue.

Les premiers seigneurs de Chenonceaux étaient d'une famille originaire d'Auvergne. De 1272 à 1496, les Marques possédèrent Chenonceaux. En 1496, le 3 juin, Thomas Bohier, général des finances, ayant racheté sous main les hypothèques dont était criblé le domaine, se fit céder le tout, terres et bâtiments par Pierre Marques, qui s'acquittait en même temps de sommes considérables prêtées par ledit Bohier.

De 1496 à 1524, année de sa mort, Bohier fit des changements et des remaniements profonds au vieux château féodal des Marques; il en fit un «< castel fleuronné, bla« sonné, flanqué de jolies tourelles, ajusté d'arabesques, << orné de curinthides, et tout contouronné de balconnades avec enjolivations dorées jusqu'en hault du faiste, ez pavillons et tourillons d'iceluy chasteau, lequel est devenu royal, et bien justement. >>

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Thomas Boyer avait dépensé des sommes énormes pour Chenonceaux. Louis XII ayant créé des commissions. d'enquête, des chambres ardentes, pour rechercher les malversations des financiers, Antoine Boyer, fils de Thomas, se trouva en présence d'une succession extrêmement diffi

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