Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

est impossible, suivant nous, d'en constituer une. Nous montrerons que cette erreur est la source et le fondement des sectes socialistes. Nous dirons ensuite quel est, à notre avis, le moyen légitime de généraliser les enseignements de l'histoire et tout le parti qu'on en peut tirer. Nous divisons notre travail en trois livres : dans le premier, nous ferons connaître ce que renferment de plus intéressant les matériaux, les données et les essais qu'ont mis en œuvre les auteurs des principaux systèmes de philosophie de l'histoire; le second contiendra l'examen critique de ces diverses doctrines; nous consacrerons le troisième, non pas à l'exposition d'un système particulier qui nous soit propre, car nous n'en avons point, mais à prouver que la philosophie ou, pour mieux dire, la théologie de l'histoire se compose uniquement de ceci 1° la vérification des dogmes catholiques; 2o les règles qui en découlent et qu'il faut suivre pour instituer ou réparer l'ordre social, de manière à procurer la double fin, naturelle et surnaturelle, qui est notre commune vocation.

CHAPITRE PREMIER

De la civilisation.

Avant d'indiquer les matériaux, les données et

les premiers essais qui ont servi de préparation à l'état actuel de la philosophie de l'histoire, il nous paraît utile d'étudier le sens d'un mot qui désigne l'objet et le but de cette science.

Le mot de civilisation est de la fin du dernier siècle; il appartient à la littérature révolutionnaire. Précédemment il n'y avait d'usité que le mot policer, qui exprimait l'action de polir c'est-à-dire d'adoucir les mœurs et de perfectionner l'ordre. Civilisation est venu avec la conception d'un idéal que l'humanité, prise dans son ensemble et dans ses détails, tendait, disait-on, à réaliser progressivement.

Lorsqu'on n'avait encore ni généralisé, ni réduit en système l'idée de civiliser les peuples, l'état civilisé signifiait, en opposition à l'état de barbarie, un degré plus ou moins avancé de culture intellectuelle, dont le résultat était de multiplier dans un pays, par les sciences, par les arts, par l'industrie, les moyens de conservation, de défense, d'accroissement et surtout de raffinement pour les jouissances individuelles. S'il en faut juger, en effet, par les nations auxquelles l'histoire assigne le premier rang dans l'état civilisé, c'est à cette dernière conclusion qu'aboutiraient fatalement et exclusivement les efforts par lesquels l'esprit humain se développe; car toutes les richesses que les peuples

[ocr errors]

amassent dans cette voie les corrompent et les éner◄ vent, et leur force morale décroît à mesure qu'ils passent pour plus instruits et mieux policés.

Cette vérité, exploitée par Rousseau, dans un but de gloriole littéraire, est devenue sous sa plume et à son point de vue un paradoxe insoutenable. Les sciences, les arts, la puissance intellectuelle de l'homme, quelque grande qu'on la suppose, ne sont pas nécessairement incompatibles avec la vertu. Instruments des libres manifestations de la nature humaine, ces facultés peuvent servir au bien comme au mal; c'est-à-dire que ce sont des dons excellents dont nous sommes obligés de faire un bon usage, mais dont il nous est possible d'abuser.

L'un et l'autre ont eu lieu. Toutefois les époques où la force morale et la force intellectuelle ont marché du même pas, exerçant l'une sur l'autre d'heureuses influences, loin d'être généralement regardées comme les mieux civilisées, ont au contraire été taxées de barbarie, tandis que les siècles estimés les plus polis sont précisément les plus corrompus.

L'histoire du monde occidental compte quatre grands siècles, fameux par les noms de Périclès, d'Auguste, de Léon X et de Louis XIV. Voulezvous savoir ce que valait moralement Athènes sous Périclès? Écoutez Plutarque : « Le commun po→

»pulaire, qui paravant se passait à peu, et qui » gaignait sa vie à la peine de son corps, devint » superflu, sumptueux et dissolu, pour les choses » qui furent lors introduites. » Voyez la peinture que Thucydide a tracée de la peste où Périclès luimême trouva la mort: « On cherchait des jouis»sances promptes, et l'on ne croyait devoir s'oc»cuper que des voluptés, dans l'idée qu'on ne » possédait que pour un jour et les biens et la vie. » Personne ne daignait se donner aucune peine » pour les choses honnêtes. Le plaisir, et tous les » moyens de gagner pour se le procurer, voilà ce qui devint utile et beau. On n'était retenu ni par » la crainte des Dieux, ni par les lois humaines. » Entendez Socrate, disant au fils de Périclès qui s'étonnait de la décadence de la république, que << pour recouvrer leur ancienne vertu, les Athéniens dégénérés devaient étudier les mœurs de leurs ancêtres, et y être aussi fortement attachés que leurs pères. >

[ocr errors]

Tant que l'esprit religieux, au degré où pouvaient le comporter les grossières erreurs du paganisme, prévalut dans Athènes, la cité fut grande et forte. Elle avait vaincu l'Asie, elle dominait en Grèce, lorsque Anaxagore, le maître de Périclès, y importa les germes de la civilisation rationaliste. La superstition antique se défendit d'abord; elle

persécuta et proscrivit les novateurs. Des procès célèbres, dont on connaît les motifs et l'issue, eurent licu contre Anaxagore, contre Socrate, contre Alcibiade. Phidias lui-même, accusé d'impiété pour avoir placé son portrait dans le bouclier de Minerve, prit la fuite et se condamna à un exil perpétuel. Cela n'empêcha pas la civilisation de suivre son cours et de porter ses fruits. En soixante ans, l'ère de Périclès marcha de désastre en désastre jusqu'à la bataille d'Ægos-Potamos, suivie de la ruine d'Athènes. Depuis, la cité ne se releva un instant que pour tomber avec toute la Grèce sous la domination des barbares de Macédoine que devaient vaincre à leur tonr les barbares de Rome, en attendant que, policés eux-mêmes par les vaincus, ils eussent aussi leur siècle d'Auguste, et, après, celui d'Alaric et d'Attila.

La culture intellectuelle ne pouvait avoir d'autre conséquence dans le monde païen que d'y détruire le frein religieux, et par suite tout frein moral et toute virilité. Assurément le polythéisme était une erreur essentiellement pernicieuse. Il y avait cependant dans cette croyance une sorte de satisfaction donnée aux nobles instincts d'où la nature humaine tire son énergie et sa grandeur. La conviction profonde de l'existence, de la présence, de la providence des Dieux; la foi en Minerve, fille de Ju

« ZurückWeiter »