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TROIS DOCUMENTS INÉDITS

SUR

URBAIN GRANDIER

ET UN DOCUMENT PEU CONNU

SUR

LE CARDINAL DE RICHELIEU

(FIN)

L'évêque de Poitiers, dont il est parlé dans la seconde lettre, du 27 avril 1634, était Henry-Louis Chasteignier de la Rochepozay. Il était né à Rome pendant que son père y était ambassadeur. C'était un prélat d'allures toutes féodales. Au début de son épiscopat, il allait par son diocèse «< cuirassé, et la pique à la main, assisté de douze cavaliers avec le pistolet à l'arçon de la selle, et quelque quarante hommes à pied, ayant chacun la carabine sous le manteau ». Plus tard il se calma. Il se souvint qu'il était un ancien élève de Joseph Scaliger (1),

(1) Voir sur Scaliger et les La Roche-Pozay, Joseph Scaliger, dans Mark Pattison, Essays, Oxford, Clarendon Press, 1889, t. I. p. 130, et particulièrement p. 139 et suiv. Sainte-Beuve, dans son PortRoyal, t. I, p. 278, 282 et passim, dit quelques mots des rapports de

et porta sur les études et les discussions théologiques les ardeurs de son tempérament. La Gallia christiana de Scévole et Louis de Sainte-Marthe lui a consacré une notice particulièrement développée et soignée où son érudition n'est pas moins louée que sa piété (1). Il a laissé d'assez nombreux ouvrages. Il est intéressant de voir ce prélat si ferme et si éclairé pleurer à chaudes larmes aux exorcismes des Ursulines (2). On sait quelles étaient les dispositions des esprits à cette époque en matière de sorcellerie et de possession, et avec quelle consciencieuse conviction on recherchait ces marques ou signes insensibles qui comptaient parmi les «< indices graves » des sorciers (3).

(1) Cf. Gallia christiana, opus fratrum gemellorum Scaevolae et Ludovici Sammarthanorum....., Lutetiae Parinorum, apud Carolum Du Mesnil, 1656, t. III, p. 904.

(2) C'était Henry-Louis Chasteignier de la Roche Pozay qui avait établi en 1625 à Loudun les Ursulines par la lettre suivante;

« Nous, Henry-Louis Chastaigner de la Roche-Pozay, par miseration divine évesque de Poictiers, considérant le grand fruict que font les religieuses de l'ordre de Saincte Ursulle ès lieux où elles sont establies, tant pour la piété et la religion que érudition des jeunes filles, pour ces considerations permetons aux [religieuses] du dict ordre du couvant de Poictiers de s'establir en la ville de Lodun, de vivre en ce diocèse et y faire bastir et esriger un couvant et monastère dudit ordre pour y exercer touttes fonctions selon l'institut et reigle du même ordre; exortons, aultant qu'il nous est possible, tous les habitans catholiques de la ditte ville de les y admettre et recepvoir et de favoriser leur establissement en tout ce qu'il pourra despendre d'eux.

Donné et faict à Dissay ce dernier jour d'aoust mil six cens vingtcinq.

HENRY LOIS, évesque de Poictiers. Michelet, par mon dict seigneur évesque de Poictiers. (Archives dép. de la Vienne, Ursulines de Loudun). — Cf. sur ce document une savante note de R. Drouault, dans le Journal de Loudun du 11 septembre 1892.

(3) Cf. une très intéressante étude d'Aristide Déy, Histoire de la

Voici le texte de cette seconde lettre :

Messieurs mes cousins,

J'ay receu celle qu'il vous a plu m'escrire pour response à laquelle je ne manqueray au premier voyage de vous informer pleinement ce que c'est du prieuré Saint-Nicolas de Moncontour suivant votre mémoire. Cependant je vous diray que j'ay appris qu'il ne vault pas plus de soixante escuz ou deux cents liures, le service fait et les charges acquitées. Pour les bastimens il n'y en a pas de grands et ont esté ruinez, mais il y a un très beau jardin et très bon où l'eau passe. Il n'est point conventuel et dépend d'une abbaye que l'on ne m'a peu nommer, aussi bien que la cure, et ainsi je croy que le prieur est le curé primitif. L'aumosnier de Monsieur de Poictiers me vient de dire qu'il est très ioly et y a un certain petit bénéfice qui en deppend dont il m'a promis me donner plus d'esclaircissement, car il est natif de Moncontour. Au reste je vous diray que Monsieur de Poictiers est venu en cette ville pour assister aux exorcismes qui se font des Ursulines, en présence duquel et du commissaire envoyé par le Roy, il est arrivé des choses si merveilleuses qu'il n'y a lieu de doubter de la possession. Ces exorcismes se font en l'église de Sainte-Croix. J'ay veu trois fois pleurer mondit sieur de Poitier à chaudes larmes et, comme je le voy tous les jours, il ne parle d'autre chose que ceste véritable possession. Il arrive icy un grand nombre d'étrangers et force noblesse, les marquis de Boisi, Lezay et Rocheposay se sont trouvez à quelques uns et dont ils sont sortis grandement édifiés, aussi bien qu'une infinité d'autres. Les huguenots qui y veulent assister, y sont receuz, dont la plupart leuent les espaules en sortant. Le diable a dit que le magicien accusé estoit marqué et, de fait, visité, il s'est trouué des marques. Grand nombre de médecins s'y sont trouuez qui ont asseuré que les actions de la prieure, seule encore exorcisée, estoient surnaturelz et tiennent tous la possession; ils sont six ou sept. Je vous en escriray plus

mission archéologique de la Haute-Saône, 1861, 2a livraison, p. 1-122,

amplement au premier voyage. Cependant je demeureray toujours,

Messieurs mes cousins,

Votre bien humble cousin et serviteur,

TRINCANT.

Monsieur de Poictiers m'a fait voir la lettre qu'il escrivoit à Monsieur le Garde des sceaux (1) pour l'asseurer de la possession.

Ce 27 avril (2).

Cette lettre nous fournit quelques noms des personnages présents aux exorcismes. Nous remarquerons celui d'Artus Gouffier, marquis de Boisy (3), qui devait prendre le titre de duc de Roannez à la mort de son grand-père, en septembre 1642 et devint en septembre 1651 gouverneur des pays de Poitou, Châtelleraudais et Londunais. Il possédait de vastes domaines aux environs de Loudun. Ce marquis de Boisy est le fameux ami de Pascal, le frère de Mlle de Roannez, par la suite duchesse de la Feuillade, à qui Pascal adressa quelques lettres de direction (4).

Les plus célèbres des médecins qui suivaient attentivement la procédure contre Grandier furent Duncan, Quillet et Pidoux. Marc Duncan, Écossais qui était venu s'établir à Saumur, s'y était fait une grande réputation. Il était en même temps principal du collège et y professait la philosophie. Il a fait contre la possession des Ursulines de Loudun un Discours fort bien écrit

(1) Le chancelier Séguier.

(2) Cf. Dr Gabriel Legué, Urbain Grandier et les possédées de Loudun, Paris, Charpentier, p. 230-231.

(3) Et non le marquis de Boissy, comme écrit M. Gabriel Legué, p. 235.

(4) Sur Quillet, voir H. Grimaud, Les Chinonais au procès d'Urbain

Claude Quillet, de Chinon, fut l'auteur d'un poème latin. fort goûté au XVIIe siècle, la Callipédie, qui rappelait la Pédotrophie de Scévole de Ste-Marthe (1) Pidoux, d'une famille distinguée de Poitiers et de Châtellerault, se rattache aux Pidoux de Coulommiers de qui La Fontaine descendait par sa mère. (2)

La troisième lettre est du 18 mai 1634 :

On continue toujours les exorcismes de la mère prieure. Leviatan, l'un des diables qui la possède, a promis de sortir samedy, et Asmodée à la Saint-Jean. On fait icy une procession générale ledit jour de samedy. Monsieur le commandeur de la Porte étoit hier en cette ville et fut présent aux exorcismes qui se feirent ce jour là dont il fust grandement satisfait. Il est allé à Saulmur et doibt retourner pour se trouver encore aux exorcismes, ledit jour. J'y estois ce matin et ay veu qu'au commandement de l'exorciste le diable a fait voir le saint sacrement sur la langue de la possédée deux heures après la communion, et auparavant plusieurs gentilshommes de qualité comme Messieurs de Tonnay-Charente, Londigny [?] et autres luy avoient regardé dans la bouche de tous costez pour voir si elle l'y cachoit, et tousiours avec figure effroyable. Monsieur de Poictiers qui s'estoit blessé à une jambe, commença hier à se trouver aux exorcismes. Je lui ay tenu tousiours bonne compaignie pendant qu'il a tenu

(1) Il s'exprime ainsi sur Sainte-Marthe, au troisième chant de sa Callipédie : « Vous qui voulez connaître les maladies de l'enfance et préserver d'heureux fruits d'un cruel ravage, lisez et relisez sans cesse le poème divin de Sainte-Marthe et tous ses doctes écrit. Il a, dans sa Pédotrophie, épuisé toutes les eaux d'Helicon et de Pinde, il a connu tous les trésors de la science d'Apollon. >>

(2) G. Hanotaux, Les Pidoux. Note sur la famille maternelle de J. de La Fontaine. Extrait du Bulletin de la Société de l'histoire de Paris, janvier-février 1889 et Histoire du cardinal de Richelieu, Paris, Didot, 1893, t. I,, p. 12-13; A. Martineau, le Cardinal de Richelieu, Paris-Poitiers, 1866, t. I., p. 68 et 315; E. Jovy, Études et recherches sur Jacques-Bénigne Bossuet, évêque de Meaux, Vitry-le-François,

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