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à soulever par cette force ici l'on entrevoit déjà la nécessité d'une aide ou d'une rédemption.

« Ce raisonnement, dira-t-on, seroit bon pour le premier homme; mais nous, nous sommes capables de nos fins. Quelle injustice et quelle absurdité de penser que nous soyons tous punis de la faute de notre premier père ! »

Sans décider ici si Dieu a tort ou raison de nous rendre solidaires, tout ce que nous savons et tout ce qu'il nous suffit de savoir à présent, c'est que cette loi existe. Nous voyons que partout le fils innocent porte le châtiment dû au père coupable; que cette loi est tellement liée au principe des choses, qu'elle se répète jusque dans l'ordre physique de l'univers. Quand un enfant vient à la vie, gangrené des débauches de son père, pourquoi ne se plaint-on pas de la nature? car, enfin, qu'a fait cet innocent pour porter la peine des vices d'autrui? Eh bien ! les maladies de l'âme se perpétuent comme les maladies du corps, et l'homme se trouve puni dans sa dernière postérité de la faute qui lui fit prendre le premier levain du crime.

La chute ainsi avérée par la tradition universelle, par la transmission ou la génération du mal moral et physique; d'une autre part, les fins de l'homme étant restées aussi parfaites qu'avant la désobéissance, quoique l'homme lui-même soit dégénéré, il suit qu'une rédemption ou un moyen quelconque de rendre l'homme capable de ses fins est une conséquence naturelle de l'état où est tombée la nature humaine.

La nécessité d'une rédemption une fois admise, cherchons l'ordre où nous pourrons la trouver. Cet ordre peut être pris ou dans l'homme ou au-dessus de l'homme.

Dans l'homme. Pour supposer une rédemption, il faut que le prix soit au moins en raison de la chose à racheter. Or, comment supposer que l'homme imparfait et mortel se pût offrir lui-même pour regagner une fin parfaite et immortelle? Comment l'homme, participant à la faute primitive, auroit-il pu suffire, tant pour la portion du péché qui le regarde que pour celle qui concerne le reste du genre humain? Un tel dévouement ne demandoit-il pas un amour et une vertu au-dessus de la nature? Il semble que le Ciel ait voulu laisser s'écouler quatre mille années depuis la chute jusqu'au rétablissement, afin de donner le temps aux hommes de juger par eux-mêmes combien leurs vertus dégradées étoient insuffisantes pour un pareil sacrifice.

Il ne reste donc que la seconde supposition à savoir, que la rédemption devoit procéder d'une condition au-dessus de l'homme.

Voyons si elle pouvoit venir des êtres intermédiaires entre lui et Dieu.

Milton eut une belle idée lorsqu'il supposa qu'après le péché l'Éternel demanda au ciel consterné s'il y avoit quelque puissance qui voulût se dévouer pour le salut de l'homme. Les divines hiérarchies demeurèrent muettes, et parmi tant de séraphins, de trônes, d'ardeurs, de dominations, d'anges et d'archanges, nul ne se sentit assez de force pour s'offrir au sacrifice. Cette pensée du poëte est d'une rigoureuse vérité en théologie. En effet, où les anges auroient-ils pris pour l'homme l'immense amour que suppose le mystère de la croix? Nous dirons en outre que la plus sublime des puissances créées n'auroit pas même eu assez de force pour l'accomplir. Aucune substance angélique ne pouvoit, par la foiblesse de son essence, se charger de ces douleurs, qui, selon Massillon, unirent sur la tête de Jésus-Christ toutes les angoisses physiques que la punition de tous les péchés commis depuis le commencement des races pouvoit supposer, et toutes les peines morales, tous les remords qu'avoient dû éprouver les pécheurs en commettant le crime. Si le Fils de l'homme lui-même trouva le calice amer, comment un ange l'eût-il porté à ses lèvres? Il n'auroit jamais pu boire la lie, et le sacrifice n'eût point été consommé.

Nous ne pouvions donc avoir pour rédempteur qu'une des trois personnes existantes de toute éternité : or, de ces trois divines personnes, on voit que le Fils, par sa nature même, devoit être le seul à nous racheter. Amour qui lie entre elles les parties de l'univers, Milieu qui réunit les extrêmes, Principe vivifiant de la nature, il pouvoit seul réconcilier Dieu avec l'homme. Il vint, ce nouvel Adam, homme selon la chair par Marie, homme selon la morale par son Évangile, homme selon Dieu par son essence. Il naquit d'une vierge, pour ne point participer à la faute originelle et pour être une victime sans tache; il reçut le jour dans une étable, au dernier degré des conditions humaines, parce que nous étions tombés par l'orgueil : ici commence la profondeur du mystère; l'homme se trouble et les voiles s'abaissent.

Ainsi le but que nous pouvions atteindre avant la désobéissance nous est proposé de nouveau, mais la route pour y parvenir n'est plus la même. Adam innocent y seroit arrivé par des chemins enchantés : Adam pécheur n'y peut monter qu'au travers des précipices. La nature a changé depuis la faute de notre premier père, et la rédemption n'a pas eu pour objet de faire une création nouvelle, mais de trouver un salut final pour la première. Tout donc est resté dégénéré avec l'homme; et ce roi de l'univers, qui, d'abord né immortel, doit s'éle

ver, sans changer d'existence, au bonheur des puissances célestes, ne peut plus maintenant jouir de la présence de Dieu sans passer par les déserts du tombeau, comme parle saint Chrysostome. Son âme a été sauvée de la destruction finale par la rédemption; mais son corps, joignant à la fragilité naturelle de la matière la foiblesse accidentelle du pêché, subit la sentence primitive dans toute sa rigueur: il tombe, il se fond, il se dissout. Dieu, après la chute de nos premiers pêres, cédant à la prière de son Fils, et ne voulant pas détruire tout l'homme, inventa la mort comme un demi-néant, afin que le pécheur sentît l'horreur de ce néant entier, auquel il eût été condamné sans les prodiges de l'amour céleste.

Nous osons présumer que, s'il y a quelque chose de clair en métaphysique, c'est la chaîne de ce raisonnement. Ici point de mots mis à la torture, point de divisions et de subdivisions, point de termes obscurs ou barbares. Le christianisme n'est point composé de ces choses, comme les sarcasmes de l'incrédulité voudroient nous le faire croire. L'Évangile a été prêché au pauvre d'esprit, et il a été entendu du pauvre d'esprit ; c'est le livre le plus clair qui existe : sa doctrine n'a point son siége dans la tête, mais dans le cœur; elle n'apprend point à disputer, mais à bien vivre. Toutefois, elle n'est pas sans secrets. Ce qu'il y a de véritablement ineffable dans l'Écriture, c'est ce mélange continuel des plus profonds mystères et de la plus extrême simplicité, caractère où naissent le touchant et le sublime. Il ne faut donc plus s'étonner que l'œuvre de Jésus-Christ parle si éloquemment; et telles sont encore les vérités de notre religion, malgré leur peu d'appareil scientifique, qu'un seul point admis vous force d'admettre tous les autres. Il y a plus si vous espérez échapper en niant le principe, tel, par exemple, que le péché originel, bientôt, poussés de conséquence en conséquence, vous serez forcés d'aller vous perdre dans l'athéisme: dès l'instant où vous reconnoissez un Dieu, la religion chrétienne arrive malgré vous avec tous ses dogmes, comme l'ont remarqué Clarke et Pascal. Voilà, ce nous semble, une des plus fortes preuves en faveur du christianisme.

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Au reste, il ne faut pas s'étonner que celui qui fait rouler, sans les confondre, ces millions de globes sur nos têtes, ait répandu tant d'harmonie dans les principes d'un culte établi par lui; il ne faut pas s'étonner qu'il fasse tourner les charmes et les grandeurs de ses mystères dans le cercle d'une logique inévitable, comme il fait revenir les astres sur eux-mêmes pour nous ramener ou les fleurs ou les foudres des saisons. On a peine à concevoir le déchaînement du siècle contre le christianisme. S'il est vrai que la religion soit nécessaire aux

hommes, comme l'ont cru tous les philosophes, par quel culte veut-on remplacer celui de nos pères? On se rappellera longtemps ces jours où des hommes de sang prétendirent élever des autels aux vertus sur les ruines du christianisme. D'une main ils dressoient des échafauds; de l'autre, sur le frontispice de nos temples, ils garantissoient à Dieu l'éternité, et à l'homme la mort; et ces mêmes temples où l'on voyoit autrefois ce Dieu qui est connu de l'univers, ces images de Vierge qui consoloient tant d'infortunés, ces temples étoient dédics à Ja Vérité, qu'aucun homme ne connoît, et à la Raison, qui n'a jamais séché une larme !

CHAPITRE V.

DE L'INCARNATION.

L'Incarnation nous présente le Souverain des cieux dans une bergerie, celui qui lance la foudre, entouré de bandelettes de lin, celui que l'univers ne peut contenir, renfermé dans le sein d'une femme. L'antiquité eût bien su tirer parti de cette merveille. Quels tableaux Homère et Virgile ne nous auroient-ils pas laissés de la nativité d'un Dieu dans une crèche, des pasteurs accourus au berceau, des mages conduits par une étoile, des anges descendant dans le désert, d'une vierge mère adorant son nouveau-né, et de tout ce mélange d'innocence, d'enchantement et de grandeur!

En laissant à part ce que nos mystères ont de direct et de sacré, on pourroit retrouver encore sous leurs voiles les vérités les plus ravissantes de la nature. Ces secrets du ciel, sans parler de leur partie mystique, sont peut-être le type des lois morales et physiques du monde : cela seroit très-digne de la gloire de Dieu, et l'on entreverroit alors pourquoi il lui a plu de se manifester dans ces mystères, de préférence à tout autre qu'il eût pu choisir. Jésus-Christ (par exemple, ou le monde moral) prenant naissance dans le sein d'une vierge nous enseigneroit le prodige de la création physique, et nous montreroit l'univers se formant dans le sein de l'amour céleste. Les paraboles et les figures de ces mystères seroient ensuite gravées dans chaque objet autour de nous. Partout en effet la force naît de ia grâce : le fleuve sort de la fontaine; le lion est d'abord nourri d'un lait pareil à celui que suce l'agneau; et parmi les hommes, le ToutPuissant a promis la gloire du ciel à ceux qui pratiquer les plus humbles vertus.

Ceux qui ne découvrirent dans la chaste Reine des anges que des

mystères d'obscurité sont bien à plaindre. Il nous semble qu'on pour roit dire quelque chose d'assez touchant sur cette femme mortelle, devenue une mère immortelle d'un Dieu rédempteur, sur cette Marie à la fois vierge et mère, les deux états les plus divins de la femme, sur cette jeune fille de l'antique Jacob, qui vient au secours des misères humaines et sacrifie un fils pour sauver la race de ses pères. Cette tendre médiatrice entre nous et l'Éternel ouvre avec la douce vertu de son sexe un cœur plein de pitié à nos tristes confidences, et désarme un Dieu irrité : dogme enchanté, qui adoucit la terreur d'un Dieu en interposant la beauté entre notre néant et la majesté divine! Les cantiques de l'Église nous peignent la bienheureuse Marie assise sur un trône de candeur, plus éclatant que la neige; elle brille sur ce trône comme une rose mystérieuse', ou comme l'étoile du matin, précurseur du soleil de la grâce; les plus beaux anges la servent, les harpes et les voix célestes forment un concert autour d'elle; on reconnoît dans cette fille des hommes le refuge des pécheurs3, la consolation des affligés; elle ignore les saintes colères du Seigneur, elle est toute bonté, toute compassion, toute indulgence.

Marie est la divinité de l'innocence, de la foiblesse et du malheur. La foule de ses adorateurs dans nos églises se compose de pauvres matelots qu'elle a sauvés du naufrage, de vieux invalides qu'elle a arrachés à la mort, sous le fer des ennemis de la France, de jeunes femmes dont elle a calmé les douleurs. Celles-ci apportent leurs nourrissons devant son image, et le cœur du nouveau-né, qui ne comprend pas encore le Dieu du ciel, comprend déjà cette divine mère qui tient un enfant dans ses bras.

CHAPITRE VI.

LES SACREMENTS. LE BAPTÊME ET LA CONFESSION.

Si les mystères accablent l'esprit par leur grandeur, on éprouve une autre sorte d'étonnement, mais qui n'est peut-être pas plus profond, en contemplant les sacrements de l'Église. La connoissance de l'homme civil et moral est renfermée tout entière dans ses institutions.

Le Baptême, le premier des sacrements que la religion confère à l'homme, selon la parole de l'Apôtre, le revêt de Jésus-Christ. Ce

1. Rosa mystica. 2. Stella matutina. 3. Refugium peccatorum. 4. Consolatrix afflictorum.

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