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beauté. Tout retentiroit d'acclamations si l'on trouvoit dans Platon ou dans Sénèque une profession de foi aussi simple, aussi pure, aussi claire que celle-ci :

<«< Je crois en un seul Dieu, père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre et de toutes les choses visibles et invisibles. >>

L'Oraison dominicale est l'ouvrage d'un Dieu qui connoissoit tous nos besoins qu'on en pèse bien les paroles :

« Notre Père qui es aux cieux; » Reconnoissance d'un Dieu unique. « Que ton nom soit sanctifié ; »

Culte qu'on doit à la Divinité; vanité des choses du monde; Dieu seul mérite d'être sanctifié.

« Que ton règne nous arrive; »

Immortalité de l'âme.

« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel; »

Mot sublime, qui comprend les attributs de la Divinité; sainte résignation, qui embrasse l'ordre physique et moral de l'univers. « Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien; »

Comme cela est touchant et philosophique! Quel est le seul besoin réel de l'homme? Un peu de pain; encore il ne le lui faut qu'aujourd'hui (hodie); car demain existera-t-il ?

« Et pardonne-nous nos offenses, comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offenses; »

C'est la morale et la charité en deux mots.

« Ne nous laisse point succomber à la tentation, mais délivre-nous d mal.»

Voilà le cœur humain tout entier; voilà l'homme et sa foiblesse! Qu'il ne demande point des forces pour vaincre, qu'il ne prie que pour n'être point attaqué, que pour ne point souffrir. Celui qui a créé l'homme pouvoit seul le connoître aussi bien.

Nous ne parlerons point de la Salutation angélique, véritablement pleine de grâce, ni de cette confession que le chrétien fait chaque jour aux pieds de l'Éternel. Jamais les lois ne remplaceront la moralité d'une telle coutume. Songe-t-on quel frein c'est pour l'homme que cet aveu pénible qu'il renouvelle matin et soir : J'ai péché par mes pensées, par mes paroles, par mes œuvres? Pythagore avoit recommandé une pareille confession à ses disciples: il étoit réservé au christianisme de réaliser ces songes de vertu que rêvoient les sages de Rome et d'Athènes.

En effet, le christianisme est à la fois une sorte de secte philosophique et une antique législation. De là lui viennent les abstinences,

les jeûnes, les veilles, dont on retrouve des traces dans les anciennes républiques, et que pratiquoient les écoles savantes de l'Inde, de l'Égypte et de la Grèce : plus on examine le fond de la question, plus on est convaincu que la plupart des insultes prodiguées au culte chrétien retombent sur l'antiquité. Mais revenons aux prières.

Les actes de foi, d'espérance, de charité, de contrition, disposoient encore le cœur à la vertu : les oraisons des cérémonies chrétiennes relatives à des objets civils ou religieux, ou même à de simples accidents de la vie, présentoient des convenances parfaites, des sentiments élevés, de grands souvenirs et un style à la fois simple et magnifique. A la messe des noces, le prêtre lisoit l'épître de saint Paul : « Mes frères, que les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur. » Et à l'évangile : « En ce temps-là, les Pharisiens s'approchèrent de Jésus pour le tenter, et lui dirent: Est-il permis à un homme de quitter sa femme? Il leur répondit: Il est écrit que l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme. »

A la bénédiction nuptiale, le célébrant, après avoir répété les paroles que Dieu même prononça sur Adam et Ève: Crescite et multiplicamini, ajoutoit :

O Dieu, unissez, s'il vous plaît, les esprits de ces époux, et versez dans leurs cœurs une sincère amitié. Regardez d'un œil favorable votre servante... Faites que son joug soit un joug d'amour et de paix ; faites que, chaste et fidèle, elle suive toujours l'exemple des femmes fortes; qu'elle se rende aimable à son mari comme Rachel; qu'elle soit sage comme Rebecca; qu'elle jouisse d'une longue vie, et qu'elle soit fidèle comme Sara;... qu'elle obtienne une heureuse fécondité; qu'elle mène une vie pure et irréprochable, afin d'arriver au repos des saints et au royaume du ciel; faites, Seigneur, qu'ils voient tous deux les enfants de leurs enfants jusqu'à la troisième et quatrième génération, et qu'ils parviennent à une heureuse vieillesse.»

A la cérémonie des relevailles, on chantoit le psaume Nisi Dominus : « Si l'Éternel ne bâtit la maison, c'est en vain que travaillent ceux qui la bâtissent. >>

Au commencement du carême, à la cérémonie de la commination, ou de la dénonciation de la colère céleste, on prononçoit ces malédictions du Deutéronome:

« Maudit celui qui a méprisé son père et sa mère.

« Maudit celui qui égare l'aveugle en chemin, etc. »

Dans la visite aux malades, le prêtre disoit en entrant:

« Paix à cette maison et à ceux qui l'habitent. » Puis au chevet du lit de l'infirme:

« Père de miséricorde, conserve et retiens ce malade dans le corps de ton Église, comme un de ses membres. Aie égard à sa contrition, reçois ses larmes, soulage ses douleurs. >>

Ensuite il lisoit le psaume In te, Domine :

« Seigneur, je me suis retiré vers toi, délivre-moi par ta justice. Quand on se rappelle que c'étoient presque toujours des misérables que le prêtre alloit visiter ainsi, sur la paille où ils étoient couchés, combien ces oraisons chrétiennes paroissent encore plus divines!

Tout le monde connoît les belles prières des Agonisants. On lit d'abord l'oraison PROFICISCERE: Sortez de ce monde, âme chrétienne; ensuite cet endroit de la Passion: En ce temps-là Jésus, étant sorti, s'en alla à la montagne des Oliviers, etc.; puis le psaume Miserere mei, puis cette lecture de l'Apocalypse: En ces jours-là j'ai vu des morts, grands et petits, qui comparurent devant le trône, etc.; enfin la vision d'Ézéchiel : La main du Seigneur fut sur moi, et m'ayant mené dehors par l'esprit du Seigneur, elle me laissa au milieu d'une campagne qui étoit couverte d'ossements. Alors le Seigneur me dit : Prophétise à l'esprit; fils de l'homme, dis à l'esprit : Venez des quatre vents, et soufflez sur ces morts, afin qu'ils revivent, etc.

Pour les incendies, pour les pestes, pour les guerres, il y avoit des prières marquées. Nous nous souviendrons toute notre vie d'avoir entendu lire, pendant un naufrage où nous nous trouvions nous-même engagé, le psaume Confitemini Domino : « Confessez le Seigneur, parce qu'il est bon... >>

« Il commande, et le souffle de la tempête s'est élevé, et les vagues se sont amoncelées... Alors les mariniers crient vers le Seigneur, dans leur détresse, et il les tire de danger. »

<< Il arrête la tourmente, et la change en calme, et les flots de la mer s'apaisent. >>

Vers le temps de Pâques, Jérémie se réveilloit dans la poudre de Sion pour pleurer le Fils de l'Homme. L'Église empruntoit ce qu'il y a de plus beau et de plus triste dans les Pères et dans la Bible, afin d'en composer les chants de cette semaine consacrée au plus grand des martyrs, qui est aussi la plus grande des douleurs. Il n'y avoit pas jusqu'aux litanies qui n'eussent des cris ou des élans admirables; témoin ces versets des litanies de la Providence :

■ Providence de Dieu, consolation de l'âme pèlerine;

• Providence de Dieu, espérance du pécheur délaissé;

• Providence de Dieu, calme dans les tempêtes;
« Providence de Dieu, repos du cœur, etc.,

Ayez pitié de nous. »

Enfin nos cantiques gaulois, les noëls mêmes de nos aïeux, avoient aussi leur mérite; on y sentoit la naïveté et comme la fraîcheur de la foi. Pourquoi, dans nos missions de campagne, se sentoit-on attendri lorsque des laboureurs venoient à chanter au salut:

« Adorons tous, ô mystère ineffable!

« Un Dieu caché, etc. » ?

C'est qu'il y avoit dans ces voix champêtres un accent irrésistible de vérité et de conviction. Les noëls, qui peignoient les scènes rustiques, avoient un tour plein de grâce dans la bouche de la paysanne. Lorsque le bruit du fuseau accompagnoit ses chants, que ses enfants, appuyés sur ses genoux, écoutoient avec une grande attention l'histoire de l'Enfant-Jésus et de sa crèche, on auroit en vain cherché des airs plus doux et une religion plus convenable à une mère.

CHAPITRE IV.

DES SOLENNITÉS DE L'ÉGLISE.

-

DU DIMANCHE.

Nous avons déjà fait remarquer' la beauté de ce septième jour, qui correspond à celui du repos du Créateur; cette division du temps fut connue de la plus haute antiquité. Il importe peu de savoir à présent si c'est une obscure tradition de la création transmise au genre humain par les enfants de Noé, ou si les pasteurs retrouvèrent cette division par l'observation des planètes; mais il est du moins certain qu'elle est la plus parfaite qu'aucun législateur ait employée. Indépendamment de ses justes relations avec la force des hommes et des animaux, elle a ces harmonies géométriques que les anciens cherchoient toujours à établir entre les lois particulières et les lois générales de l'univers; elle donne le six pour le travail; et le six, par deux multiplications, engendre les trois cent soixante jours de l'année antique, et les trois cent soixante degrés de la circonférence. On pouvoit donc trouver magnificence et philosophie dans cette loi religieuse, qui divisoit le cercle de nos labeurs ainsi que le cercle décrit par les astres dans leur révolution; comme si l'homme n'avoit d'autre terme de ses fatigues que la consommation des siècles, ni de moindres espaces à remplir de ses douleurs que tous les temps.

Le calcul décimal peut convenir à un peuple mercantile; mais il

1. Première partie, liv. 1, chap. 1

n'est ni beau ni commode dans les autres rapports de la vie et dans les équations célestes. La nature l'emploie rarement: il gêne l'année et le cours du soleil; et la loi de la pesanteur ou de la gravitation, peut-être l'unique loi de l'univers, s'accomplit par le carré, et non par le quintuple des distances. Il ne s'accorde pas davantage avec la naissance, la croissance et le développement des espèces: presque toutes les femelles portent par le trois, le neuf, le douze, qui appartient au calcul seximal'.

On sait maintenant, par expérience, que le cinq est un jour trop près, et le dix un jour trop loin pour le repos. La terreur, qui pouvoit tout en France, n'a jamais pu forcer le paysan à remplir la décade, parce qu'il y a impuissance dans les forces humaines, et même, comme on l'a remarqué, dans les forces des animaux. Le bœuf ne peut labourer neuf jours de suite; au bout du sixième, ses mugissements semblent demander les heures marquées par le Créateur pour le repos général de la créature2.

Le dimanche réunissoit deux grands avantages: c'étoit à la fois un jour de plaisir et de religion. Il faut sans doute que l'homme se délasse de ses travaux; mais comme il ne peut être atteint dans ses loisirs par la loi civile, le soustraire en ce moment à la loi religieuse, c'est le délivrer de tout frein, c'est le replonger dans l'état de nature, et lâcher une espèce de sauvage au milieu de la société. Pour prévenir ce danger, les anciens mêmes avoient fait aussi du jour de repos un jour religieux; et le christianisme avoit consacré cet exemple.

Cependant cette journée de la bénédiction de la terre, cette journée du repos de Jéhovah, choqua les esprits d'une Convention qui avoit fait alliance avec la mort, parce qu'elle étoit digne d'une telle société 3. Après six mille ans d'un consentement universel, après soixante siècles d'Hosannah, la sagesse des Danton, levant la tête, osa juger mauvais l'ouvrage que l'Éternel avoit trouvé bon. Elle crut qu'en nous replongeant dans le chaos, elle pourroit substituer la tradition de ses ruines et de ses ténèbres à celle de la naissance de la lumière et de l'ordre des mondes; elle voulut séparer le peuple françois des autres peuples, et en faire, comme les Juifs, une caste ennemie du genre humain : un dixième jour, auquel s'attachoit pour tout honneur la mémoire de Robespierre, vint remplacer cet antique sabbath, lié au souvenir du berceau des temps, ce jour sanctifié par la religion de nos pères,

1. Vid. BUFFON.

2. Les paysans disoient : « Nos bœufs connoissent le dimanche, et ne veulent pas travailler ce jour-là. " 3. Sap.. cap. 1, v. 16.

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