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drons point de les décrire. Nous laissons aux peintres et aux poëtes le soin de représenter dignement ce clergé en deuil, ces autels, ces temples voilés, cette musique sublime, ces voix célestes chantant les douleurs de Jérémie, cette Passion mêlée d'incompréhensibles mystères, ce saint sépulcre environné d'un peuple abattu, ce pontife lavant les pieds des pauvres, ces ténèbres, ces silences entrecoupés de bruits formidables, ce cri de victoire échappé tout à coup du tombeau, enfin ce Dieu qui ouvre la route du ciel aux âmes délivrées et laisse aux chrétiens sur la terre, avec une religion divine, d'intarissables espé

rances.

CHAPITRE X.

FUNÉRAILLES. POMPES FUNEBRES DES GRANDS.

Si l'on se rappelle ce que nous avons dit dans la première partie de cet ouvrage sur le dernier sacrement des chrétiens, on conviendra d'abord qu'il y a dans cette seule cérémonie plus de véritables beautés que dans tout ce que nous connoissons du culte des morts chez les anciens. Ensuite la religion chrétienne, n'envisageant dans l'homme que ses fins divines, a multiplié les honneurs autour du tombeau; elle a varié les pompes funèbres selon le rang et les destinées de la victime. Par ce moyen elle a rendu plus douce à chacun cette dure mais salutaire pensée de la mort dont elle s'est plu à nourrir notre âme ainsi la colombe amollit dans son bec le froment qu'elle présente à ses petits.

:

La religion a-t-elle à s'occuper des funérailles de quelque puissance de la terre, ne craignez pas qu'elle manque de grandeur. Plus l'objet pleuré aura été malheureux, plus elle étalera de pompe autour de son cercueil, plus ses leçons seront éloquentes : elle seule pourra mesurer la hauteur et la chute et dire ces sommets et ces abîmes d'où tombent et où disparoissent les rois.

Quand donc l'une des douleurs a été ouverte et qu'elle s'est remplie des larmes des monarques et des reines; quand de grandes cendres et de grands malheurs ont englouti leurs doubles vanités dans un étroit cercueil, la religion assemble les fidèles dans quelque temple. Les voûtes de l'église, les autels, les colonnes, les saints se retirent sous des voiles funèbres. Au milieu de la nef s'élève un cercueil environné de flambeaux. La messe des funérailles s'est célébrée aux pieds de celui qui n'est point né et qui ne mourra point : maintenant tout est muet. Debout dans la chaire de vérité, un prêtre seul, vêtu de blanc au milieu du deuil général, le front chauve, la figure pâle, les

yeux fermés, les mains croisées sur la poitrine, est recueilli dans les profondeurs de Dieu; tout à coup ses yeux s'ouvrent, ses mains se déploient et ces mots tombent de ses lèvres :

:

<< Celui qui règne dans les cieux et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l'indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois et de leur donner quand il lui plaît de grandes et de terribles leçons soit qu'il élève les trônes, soit qu'il les abaisse, soit qu'il communique sa puissance aux princes, soit qu'il la retire lui-même et ne leur laisse que leur propre foiblesse, il leur apprend leurs devoirs d'une manière souveraine et digne de lui'...

«Chrétiens, que la mémoire d'une grande reine, fille, femme, mère de rois si puissants et souveraine de trois royaumes, appelle à cette triste cérémonie, ce discours vous fera paroître un de ces exemples redoutables qui étalent aux yeux du monde sa vanité tout entière. Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines : la félicité sans bornes aussi bien que les misères; une longue et pénible jouissance d'une des plus nobles couronnes de l'univers. Tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulées sur une tête qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune; la rébellion, longtemps retenue, à la fin tout à fait maîtresse; nul frein à la licence; les lois abolies; la majesté violée par des attentats jusque alors inconnus, un trône indignement renversé... voilà les enseignements que Dieu donne aux rois. >>

Souvenirs d'un grand siècle, d'une princesse infortunée et d'une révolution mémorable, oh! combien la religion vous a rendus touchants et sublimes en vous transmettant à la postérité!

CHAPITRE XI.

FUNÉRAILLES DU GUERRIER, CONVOIS DES RICHES,
COUTUMES, ETC.

Une noble simplicité présidoit aux obsèques du guerrier chrétien. Lorsqu'on croyoit encore à quelque chose, on aimoit à voir un aumôier dans une tente ouverte, près d'un champ de bataille, célébrer une messe des morts sur un autel formé de tambours. C'étoit un assez beau spectacle de voir le Dieu des armées descendre, à la voix d'un

1. BOSSUET, Orais. fun, de la reine de la Gr. Bret.

prêtre, sur les tentes d'un camp françois, tandis que de vieux soldats, qui avoient tant de fois bravé la mort, tomboient à genoux devant un cercueil, un autel et un ministre de paix. Aux roulements des tambours drapés, aux salves interrompues du canon, des grenadiers portoient le corps de leur vaillant capitaine à la tombe qu'ils avoient creusée pour lui avec leurs baïonnettes. Au sortir de ces funérailles on n'alloit point courir pour des trépieds, pour de doubles coupes, pour des peaux de lion aux ongles d'or, mais on s'empressoit de chercher, au milieu des combats, des jeux funèbres et une arène plus glorieuse; et si l'on n'immoloit point une génisse noire aux mânes du héros, du moins on répandoit en son honneur un sang moins stérile, celui des ennemis de la patrie.

Parlerons-nous de ces enterrements faits à la lueur des flambeaux dans nos villes, de ces chapelles ardentes, de ces chars tendus de noir, de ces chevaux parés de plumes et de draperies, de ce silence interrompu par les versets de l'hymne de la colère, Dies iræ?

La religion conduisoit à ces convois des grands de pauvres orphelins sous la livrée pareille de l'infortune : par là elle faisoit sentir à des enfants qui n'avoient point de père quelque chose de la piété filiale; elle montroit en même temps à l'extrême misère ce que c'est que des biens qui viennent se perdre au cercueil, et elle enseignoit au riche qu'il n'y a point de plus puissante médiation auprès de Dieu que celle de l'innocence et de l'adversité.

Un usage particulier avoit lieu au décès des prêtres on les enterroit le visage découvert le peuple croyoit lire sur les traits de son pasteur l'arrêt du souverain Juge et reconnoître les joies du prédestiné à travers l'ombre d'une sainte mort, comme dans les voiles d'une nuit pure on découvre les splendeurs du ciel.

La même coutume s'observoit dans les couvents. Nous avons vu une jeune religieuse ainsi couchée dans sa bière. Son front se confondoit par sa pâleur avec le bandeau de lin dont il étoit à demi couvert, une couronne de roses blanches étoit sur sa tête et un flambeau brûloit entre ses mains : les grâces et la paix du cœur ne sauvent point de la mort, et l'on voit se faner les lis malgré la candeur de leur sein et la tranquillité des vallées qu'ils habitent.

Au reste, la simplicité des funérailles étoit réservée au nourricier, comme au défenseur de la patrie. Quatre villageois précédés du curé, transportoient sur leurs épaules l'homme des champs au tombeau de ses pères. Si quelques laboureurs rencontroient le convoi dans les campagnes, ils suspendoient leurs travaux, découvroient leurs têtes et honoroient d'un signe de croix leur compagnon décédé. On voyoit de

loin ce mort rustique voyager au milieu des blés jaunissants, qu'il avoit peut-être semés. Le cercueil, couvert d'un drap mortuaire, se balançoit comme un pavot noir au-dessus des froments d'or et des fleurs de pourpre et d'azur. Des enfants, une veuve éplorée, formoient tout le cortége. En passant devant la croix du chemin ou la sainte du rocher, on se délassoit un moment on posoit la bière sur la borne d'un héritage, on invoquoit la Notre-Dame champêtre au pied de laquelle le laboureur décédé avoit tant de fois prié pour une bonne mort ou pour une récolte abondante. C'étoit là qu'il mettoit ses bœufs à l'ombre au milieu du jour; c'étoit là qu'il prenoit son repas de lait et de pain bis, au chant des cigales et des alouettes. Que bien différent d'alors il s'y repose aujourd'hui ! Mais du moins les sillons ne seront plus arrosés de ses sueurs; du moins son sein paternel a perdu ses sollicitudes, et par ce même chemin où les jours de fête il se rendoit à l'église il marche maintenant au tombeau, entre les touchants monuments de sa vie, des enfants vertueux et d'innocentes moissons.

CHAPITRE XII.

DES PRIÈRES POUR LES MORTS.

Chez les anciens, le cadavre du pauvre ou de l'esclave étoit abandonné presque sans honneurs; parmi nous, le ministre des autels est obligé de veiller au cercueil du villageois comme au catafalque du monarque. L'indigent de l'Évangile, en exhalant son dernier soupir, devient soudain (chose sublime!) un être auguste et sacré. A peine le mendiant qui languissoit à nos portes, objet de nos dégoûts et de nos mépris, a-t-il quitté cette vie, que la religion nous force à nous incliner devant lui. Elle nous rappelle à une égalité formidable, ou plutôt elle nous commande de respecter un juste racheté du sang de Jésus-Christ, et qui, d'une condition obscure et misérable, vient de monter à un trône céleste : c'est ainsi que le grand nom de chrétien met tout de niveau dans la mort, et l'orgueil du plus puissant potentat ne peut arracher à la religion d'autre prière que celle-là même qu'elle offre pour le dernier manant de la cité.

Mais qu'elles sont admirables, ces prières! Tantôt ce sont des cris de douleur, tantôt des cris d'espérance: le mort se plaint, se réjouit, tremble, se rassure, gémit et supplie.

Exibit spiritus ejus, etc.

Le jour qu'ils ont rendu l'esprit, ils retournent à leur terre originelle, et toutes leurs vaines pensées périssent'. »

Delicta juventutis meæ, etc.

<< O mon Dieu! ne vous souvenez ni des fautes de ma jeunesse ni de mes ignorances2! »

Les plaintes du roi prophète sont entrecoupées par les soupirs du saint Arabe.

་་

<< O Dieu ! cessez de m'affliger, puisque mes jours ne sont que néant! Qu'est-ce que l'homme pour mériter tant d'égards et pour que vous y attachiez votre cœur?...

« Lorsque vous me chercherez le matin, vous ne me trouverez plus 3.

<< La vie m'est ennuyeuse; je m'abandonne aux plaintes et aux regrets... Seigneur, vos jours sont-ils comme les jours des mortels, et vos années éternelles comme les années passagères de l'homme*?

« Pourquoi, Seigneur, détournez-vous votre visage et me traitezvous comme votre ennemi? Devez-vous employer toute votre puissance contre une feuille que le vent emporte, et poursuivre une feuille séchées?

« L'homme né de la femme vit peu de temps, et il est rempli de beaucoup de misère; il fuit comme une ombre qui ne demeure jamais dans un même état.

« Mes années coulent avec rapidité, et je marche par une voie par laquelle je ne reviendrai jamais".

« Mes jours sont passés, toutes mes pensées sont évanouies, toutes les espérances de mon cœur dissipées... Je dis au sépulcre : Vous serez mon père; et aux vers: Vous serez ma mère et mes sœurs. »

De temps en temps le dialogue du prêtre et du choeur interrompt la suite des cantiques.

Le Prêtre. « Mes jours se sont évanouis comme la fumée; mes os sont tombés en poudre. >>

Le Chœur. « Mes jours ont décliné comme l'ombre. »
Le Prétre. « Qu'est-ce que la vie? Une petite vapeur. »
Le Chœur. « Mes jours ont décliné comme l'ombre. »
Le Prêtre. « Les morts sont endormis dans la poudre. »

Le Chœur. « Ils se réveilleront, les uns dans l'éternelle gloire, les autres dans l'opprobre, pour y demeurer à jamais. >>

1. Office des Morts, ps. CLIV.

3. Ibid., ire leçon.

5. Ibid., ive leçon.

2. Ibid., ps. XXIV.

4. Ibid., 1 leçon.

6. Ibid., vue leçon.

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