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le murmure de l'abeille de la montagne parvient à son oreille; souvent le zéphyr. dans sa course, emporte le son léger, mais bientôt il revient encore. >

CHAPITRE V.

ОТАЇТІ.

L'homme ici-bas ressemble à l'aveugle Ossian, assis sur les tombeaux des rois de Morven : quelque part qu'il étende sa main dang l'ombre, il touche les cendres de ses pères.

Lorsque les navigateurs pénétrèrent pour la première fois dans l'océan Pacifique, ils virent se dérouler au loin des flots que caressent éternellement des brises embaumées. Bientôt du sein de l'immensité s'élevèrent des îles inconnues. Des bosquets de palmiers, mêlés à de grands arbres, qu'on eût pris pour de hautes fougères, couvroient les côtes, et descendoient jusqu'au bord de la mer en amphithéâtre les cimes bleues des montagnes couronnoient majestueusement ces forêts. Ces îles, environnées d'un cercle de coraux, sembloient se balancer comme des vaisseaux à l'ancre dans un port, au milieu des eaux les plus tranquilles : l'ingénieuse antiquité auroit cru que Vénus avoit noué sa ceinture autour de ces nouvelles Cythères pour les défendre des orages.

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Sous ces ombrages ignorés, la nature avoit placé un peuple beau comme le ciel qui l'avoit vu naître les Otaïtiens portoient pour vêtements une draperie d'écorce de figuier; ils habitoient sous des toits de feuilles de mûrier, soutenus par des piliers de bois odorants, et ils faisoient voler sur les ondes de doubles canots aux voiles de jone, aux banderoles de fleurs et de plumes. Il y avoit des danses et des sociétés consacrées aux plaisirs; les chansons et les drames de l'amour n'étoient point inconnus sur ces bords. Tout s'y ressentoit de la mollesse de la vie, et un jour plein de calme, et une nuit dont rien ne troubloit le silence. Se coucher près des ruisseaux, disputer de paresse avec leurs ondes, marcher avec des chapeaux et des manteaux de feuillages, c'étoit toute l'existence des tranquilles sauvages d'Otaïti. Les soins qui chez les autres hommes occupent leurs pénibles journées étoient ignorés de ces insulaires; en errant à travers les bois, ils trouvaient le lait et le pain suspendus aux branche: des arbres.

1. Drownr, noie.

Telle apparut Otaïti à Wallis, à Cook et à Bougainviue. Mais en approchant de ces rivages ils distinguèrent quelques monuments des arts, qui se marioient à ceux de la nature : c'étoient les poteaux des moraï. Vanité des plaisirs des hommes! Le premier pavillon qu'on découvre sur ces rives enchantées est celui de la mort, qui flotte au-dessus de toutes les félicités humaines.

Donc ne pensons pas que ces lieux, où l'on ne trouve au premier coup d'œil qu'une vie insensée, soient étrangers à ces sentiments graves, nécessaires à tous les hommes. Les Otaïtiens, comme les autres peuples, ont des rites religieux et des cérémonies funèbres; is ont surtout attaché une grande pensée de mystère à la mort. Lorsqu'on porte un esclave au moraï, tout le monde fuit sur son passage; le maître de la pompe murmure alors quelques mots à l'oreille du décédé. Arrivé au lieu du repos, on ne descend point le corps dans la terre, mais on le suspend dans un berceau qu'on recouvre d'un canot renversé, symbole du naufrage de la vie. Quelquefois une femme vient gémir auprès du morai; elle s'assied les pieds dans la mer, la tête baissée, et ses cheveux retombant sur son visage les vagues accompagnent le chant de sa douleur, et sa voix monte vers le Tout-Puissant avec la voix du tombeau et celle de 1 océan Pacifique.

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CHAPITRE VI.

TOMBEAUX CHRÉTIENS.

En parlant du sépulcre dans notre religion, le ton s'élève et la voix se fortifie on sent que c'est là le vrai tombeau de l'homme. Le monument de l'idolâtre ne vous entretient que du passé; celui du chrétien ne vous parle que de l'avenir. Le christianisme a toujours fait en tout le mieux possible; jamais il n'a eu de ces demi-conceptions si fréquentes dans les autres cultes. Ainsi, par rapport aux sépulcres, négligeant les idées intermédiaires, qui tiennent aux accidents et aux lieux, il s'est distingué des autres religions par une coutume sublime; il a placé la cendre des fidèles dans l'ombre des temples du Seigneur, et déposé les morts dans le sein du Dien

Vivant.

I vcurgue n'avoit pas craint d'établir les tombeaux au milieu de Lacedemone; il avoit pensé, comme notre religion, que la cendre des pères, loin d'abréger les jours des fils, prolonge en effet leur exis tence, en leur enseignant la modération et la vertu, qui conduisent a

une heureuse vieillesse. Les raisons humaines qu'on a opposées à ces raisons divines sont bien loin d'être convaincantes. Meurt-on moins en France que dans le reste de l'Europe, où les cimetières sont encore dans les villes?

Lorsque autrefois parmi nous on sépara les tombeaux des églises, le peuple, qui n'est pas si prudent que les beaux esprits, qui n'a pas les mêmes raisons de craindre le bout de la vie, le peuple s'opposa à l'abandon des antiques sépultures. Et qu'avoient en effet les modernes cimetières qui pût le disputer aux anciens? Où étoient leurs lierres, leurs ifs, leurs gazons nourris depuis tant de siècles des biens de la tombe? Pouvoient-ils montrer les os sacrés des aïeux, le temple, la maison du médecin spirituel, enfin cet appareil de religion qui promettoit, qui assuroit même une renaissance très-prochaine? Au lieu de ces cimetières fréquentés, on nous assigna dans quelque faubourg un enclos solitaire abandonné des vivants et des souvenirs, et où la mort, privée de tout signe d'espérance, sembloit devoir être éternelle.

Qu'on nous en croie: c'est lorsqu'on vient à toucher à ces bases fondamentales de l'édifice que les royaumes trop remués s'écroulent. Encore si l'on s'étoit contenté de changer simplement le lieu des sépultures! mais, non satisfait de cette première atteinte portée aux mœurs, on fouilla les cendres de nos pères, on enleva leurs restes, comme le manant enlève dans son tombereau les boues et les ordures de nos cités.

Il fut réservé à notre siècle de voir ce qu'on regardoit comme le plus grand malheur chez les anciens, ce qui étoit le dernier supplice dont on punissoit les scélérats, nous entendons la dispersion des cendres; de voir, disons-nous, cette dispersion applaudie comme le chefd'œuvre de la philosophie. Et où étoit donc le crime de nos aïeux, pour traiter ainsi leurs restes, sinon d'avoir mis au jour des fils tels que nous! Mais écoutez la fin de tout ceci, et voyez l'énormité de la sagesse humaine : dans quelques villes de France, on bâtit des cachots sur l'emplacement des cimetières: on éleva les prisons des hommes sur le champ où Dieu avoit décrété la fin de tout esclavage; on édifia des lieux de douleur pour remplacer les demeures où toutes les peines viennent finir; enfin, il ne resta qu'une ressemblance, à la vérité

1. Les anciens auroient cru un État renversé si l'on eût violé l'asile des morts. On connoit les belles lois de l'Égypte sur les sépultures. Les lois de Solon séparoient le violateur des tombeaux de la communion du temple, et l'abandonnoient aux Furies. Les Institutes de JUSTINIEN règlent jusqu'aux legs, l'héritage, la vente et le rachat d'un sépulcre, etc.

effroyable, entre ces prisons et ces cimetières : c'est là que s'exerce rent les jugements iniques des hommes, là où Dieu avoit prononcé les arrêts de son inviolable justice'.

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CHAPITRE VII.

CIMETIÈRES DE CAMPAGNE

Les anciens n'ont point eu de lieux de sépulture plus agréables que nos cimetières de campagne : des prairies, des champs, des eaux, des bois, une riante perspective, marioient leurs simples images avec les tombeaux des laboureurs. On aimoit à voir le gros if qui ne végétoit plus que par son écorce, les pommiers du presbytère, le haut gazon, les peupliers, l'ornement des morts, et les buis, et les petites croix de consolation et de grâce. Au milieu des paisibles monuments, le temple villageois élevoit sa tour surmontée de l'emblème rustique de la vigilance. On n'entendoit dans ces lieux que le chant du rouge-gorge et le bruit des brebis qui brutoient l'herbe de la tombe de leur ancien pasteur.

Les sentiers qui traversoient l'enclos bénit aboutissoient à l'église ou à la maison du curé: ils étoient tracés par le pauvre et le pèlerin, qui alloient prier le Dieu des miracles ou demander le pain de l'aumône à l'homme de l'Évangile : l'indifférent ou le riche ne passoit point sur ces tombeaux.

On y lisoit pour toute épitaphe: Guillaume ou Paul, nè en telle année, mort en telle autre. Sur quelques-uns il n'y avoit pas même de nom. Le laboureur chrétien repose oublié dans la mort, comme ces végétaux utiles au milieu desquels il a vécu; la nature ne grave pas le nom des chênes sur leurs troncs abattus dans les forêts.

1. Nous passons sous silence les abominations commises pendant les jours révolutionnaires. Il n'y a point d'animal domestique qui, chez une nation étrangère un peu civilisée, ne fût inhumé avec plus de décence que le corps d'un citoyen françois. On sait comment les enterrements s'exécutoient, et comment pour quelques deniers on faisoit jeter un père, une mère ou une épouse à la voirie. Encore ces morts sacrés n'y étoient-ils pas en sûreté; car il y avoit des hommes qui faisoient métier de dérober le linceul, le cercueil, ou les cheveux du cadavre. Il ne faut rapporter toutes ces choses qu'à un conseil de Dieu; c'étoit une suite de la première violation sous la monarchie. Il est bien à désirer qu'on rende au cercueil les signes de religion dont on l'a privé, et surtout qu'on ne fasse plus garder les cimetières par des chiens. Tel est l'excès de la misère où l'homme tombe quand il perd la vue de Dieu, que, n'osant plus se confier à l'homme, dont rien ne garantit la foi, il se voit réduit à placer ses cendres sous la protection des animaux.

Cependant, en errant un jour dans un cimetière de campagne, nous aperçùmes une épitaphe latine sur une pierre qui annonçoit le tombeau d'un enfant. Surpris de cette magnificence, nous nous en approchâmes, pour connoître l'érudition du curé du village; nous lûmes ces mots de l'Évangile ;

Sinite parvulos venire ad me.

Laissez les petits enfants venir à moi.

Les cimetières de la Suisse sont quelquefois placés sur des rochers', d'où ils commandent les lacs, les précipices et les vallées. Le chamois et l'aigle y fixent leur demeure, et la mort croît sur ces sites escarpés, comme ces plantes alpines dont la racine est plongée dans des glaces éternelles. Après son trépas, le paysan de Glaris ou de Saint-Gall est transporté sur ces hauts lieux par son pasteur. Le convoi a pour pompe funèbre la pompe de la nature et pour musique sur les croupes des Alpes ces airs bucoliques qui rappellent au Suisse exilé son père, sa mère, ses sœurs et les bêlements des troupeaux de sa montagne.

L'Italie présente au voyageur ses catacombes, ou l'humble monument d'un martyr dans les jardins de Mécène et de Lucullus. L'Angleterre a ses morts vêtus de laine, et ses tombeaux semés de réséda. Dans ces cimetières d'Albion, nos yeux attendris ont quelquefois rencontré un nom françois au milieu des épitaphes étrangères : revenons aux tombeaux de la patrie.

CHAPITRE VIII.

TOMBEAUX DANS LES ÉGLISES.

Rappelez-vous un moment les vieux monastères ou les cathédrales gothiques telles qu'elles existoient autrefois; parcourez ces ailes du chœur, ces chapelles, ces nefs, ces cloîtres pavés par la mort, ces sanctuaires remplis de sépulcres. Dans ce labyrinthe de tombeaux, quels sont ceux qui vous frappent davantage? Sont-ce ces monuments modernes, chargés de figures allégoriques, qui écrasent de leurs marbres glacés des cendres moins glacées qu'elles? Vains simulacres qui semblent partager la double léthargie du cercueil où il sont assis et des cœurs mondains qui les ont fait élever! A peine y jetez-vous un

1. Voyez la note XLV, à la fin du volume.

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