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Origène, après avoir rapporté ces traditions des Juifs, ajoute « qu'un grand nombre d'entre eux avouèrent Jésus-Christ pour le libérateur promis par les prophètes '».

Cependant le ciel prépare les voies du Fils de l'Homme. Les nations, longtemps désunies de mœurs, de gouvernement, de langage, entretenoient des inimitiés héréditaires; tout à coup le bruit des armes cesse, et les peuples, réconciliés ou vaincus, viennent se perdre dans le peuple romain.

D'un côté, la religion et les mœurs sont parvenues à ce degré de corruption qui produit de force un changement dans les affaires humaines; de l'autre, les dogmes de l'unité d'un Dieu et de l'immortalité de l'âme commencent à se répandre 2: ainsi les chemins s'ouvrent à la doctrine évangélique, qu'une langue universelle va servir à propager.

Cet empire romain se compose de nations, les unes sauvages, les autres policées, la plupart infiniment malheureuses : la simplicité du Christ pour les premières, ses vertus morales pour les secondes ; pour toutes, sa miséricorde et sa charité, sont des moyens de salut que le ciel ménage. Et ces moyens sont si efficaces. que, deux siècles après le Messie, Tertullien disoit aux juges de Rome : « Nous ne sommes que d'hier, et nous remplissons tout, vos cités, vos îles, vos forteresses, vos colonies, vos tribus, vos décuries, vos conseils, le palais, le sénat, le forum; nous ne vous laissons que vos temples; >> Sola relinquimus templa3.

A la grandeur des préparations naturelles s'unit l'éclat des prodiges les vraies oracles, depuis longtemps muets dans Jérusalem, recouvrent la voix, et les fausses sibylles se taisent. Une nouvelle étoile se montre dans l'Orient, Gabriel descend vers Marie, et un chœur d'esprits bienheureux chante au haut du ciel, pendant la nuit: Gloire à Dieu, paix aux hommes ! Tout à coup le bruit se répand que le Sauveur a vu le jour dans la Judée : il n'est point né dans la pourpre, mais dans l'asile de l'indigence; il n'a point été annoncé aux grands et aux superbes, mais les anges l'ont révélé aux petits et aux simples; il n'a pas réuni autour de son berceau les heureux du monde, mais les infortunés; et par ce premier acte de sa vie il s'est déclaré de préférence le Dieu des misérables.

Arrêtons-nous ici pour faire une réflexion. Nous voyons depuis le

1. Καὶ πεποιθέναι αὐτὸν εἶναι τὸν προφητευόμενον.

(ORIG., cont. Cels., p. 127.)

2. Voyez la note XLVII, à la fin du volume. 3. TERTULL., Apologet., cap. xXXVII.

commencement des siècles, les rois, les héros, les hommes éclatants, devenir les dieux des nations. Mais voici que le fils d'un charpentier, dans un petit coin de la Judée, est un modèle de douleurs et de misère : il est flétri publiquement par un supplice; il choisit ses disciples dans les rangs les moins élevés de la société; il ne prêche que sacrifices, que renoncement aux pompes du monde, au plaisir, au pouvoir : il préfère l'esclave au maître, le pauvre au riche, le lépreux à l'homme sain; tout qui ce pleure, tout ce qui a des plaies, tout ce qui est abandonné du monde fait ses délices: la puissance, la fortune et le bonheur sont au contraire menacés par lui. Il renverse les notions communes de la morale; il établit des relations nouvelles entre les hommes, un nouveau droit des gens, une nouvelle foi publique : il élève ainsi sa divinité, triomphe de la religion des césars, s'assied sur leur trône, et parvient à subjuguer la terre. Non, quand la voix du monde entier s'élèveroit contre Jésus-Christ, quand toutes les lumières de la philosophie se réuniroient contre ses dogmes, jamais on ne nous persuadera qu'une religion fondée sur une pareille base soit une religion humaine. Celui qui a pu faire adorer une croix, celui qui a offert pour objet de culte aux hommes l'humanité souffrante, la vertu persécutée, celui-là, nous le jurons, ne sauroit être qu'un Dieu.

Jésus-Christ apparoît au milieu des hommes, plein de grâce et de vérité ; l'autorité et la douceur de sa parole entraînent. Il vient pour être le plus malheureux des mortels, et tous ses prodiges sont pour les misérables. Ses miracles, dit Bossuet, tiennent plus de la bonté que de la puissance. Pour inculquer ses préceptes, il choisit l'apologue ou la parabole, qui se grave aisément dans l'esprit des peuples. C'est en marchant dans les campagnes qu'il donne ses leçons. En voyant les fleurs d'un champ, il exhorte ses disciples à espérer dans la Providence, qui supporte les foibles plantes et nourrit les petits oiseaux; en apercevant les fruits de la terre, il instruit à juger l'homme par ses œuvres. On lui apporte un enfant, et il recommande l'innocence; se trouvant au milieu des bergers, il se donne à lui-même le titre de pasteur des âmes, et se représente rapportant sur ses épaules ia brebis égarée. Au printemps, il s'assied sur une montagne, et tire des objets environnants de quoi instruire la foule assise à ses pieds. Du spectacle même de cette foule pauvre et malheureuse, il fait naître ses béatitudes: Bienheureux ceux qui pleurent; bienheureux ceux qui ont faim et soif, etc. Ceux qui observent ses préceptes et ceux qui les méprisent sont comparés à deux hommes qui bâtissent deux maisons, l'une sur le roc, l'autre sur un sable mouvant : selon quelques

interprètes, il montroit, en parlant ainsi, un hameau florissant sur une colline, et au bas de cette colline des cabanes détruites par une inondation'. Quand il demande de l'eau à la femme de Samarie, il lui peint sa doctrine sous la belle image d'une source d'eau vive.

Les plus violents ennemis de Jésus-Christ n'ont jamais osé attaquer sa personne. Celse, Julien, Volusion 2, avouent ses miracles, et Porphyre raconte que les oracles mêmes des païens l'appeloient un homme illustre par sa piété3. Tibère avoit voulu le mettre au rang des dieux *; selon Lampridius, Adrien lui avoit élevé des temples, et Alexandre Sévère le révéroit avec les images des âmes saintes, entre Orphée et Abraham. Pline a rendu un illustre témoignage à l'innocence de ces premiers chrétiens qui suivoient de près les exemples du Rédempteur. Il n'y a point de philosophie de l'antiquité à qui l'on n'ait reproché quelques vices: les patriarches mêmes ont eu des foiblesses; le Christ seul est sans tache : c'est la plus brillante copie de cette beauté souveraine qui réside sur le trône des cieux. Pur et sacré comme le tabcrnacle du Seigneur, ne respirant que l'amour de Dieu et des hommes, infiniment supérieur à la vaine gloire du monde, il poursuivoit, à travers les douleurs, la grande affaire de notre salut, forçant les hommes, par l'ascendant de ses vertus, à embrasser sa doctrine et à imiter une vie qu'ils étoient contraints d'admirer".

Son caractère étoit aimable, ouvert et tendre, sa charité sans bornes. L'Apôtre nous en donne une idée en deux mots : Il alloit faisant le bien. Sa résignation à la volonté de Dieu éclate dans tous les moments de sa vie; il aimoit, il connoissoit l'amitié : l'homme qu'il tira du tombeau, Lazare, étoit son ami; ce fut pour le plus grand sentiment de la vie qu'il fit son plus grand miracle. L'amour de la patrie trouva chez lui un modèle : « Jérusalem! Jérusalem! s'écrioitil, en pensant au jugement qui menaçoit cette cité coupable, j'ai voulu rassembler tes enfants, comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes; mais tu ne l'as pas voulu! » Du haut d'une colline, jetant les yeux sur cette ville condamnée, pour ses crimes, à une horrible destruction, il ne put retenir ses larmes : Il vit la cité, dit l'Apôtre, et il pleura! Sa tolérance ne fut pas moins remarquable quand ses disciples le prièrent de faire descendre le feu sur un village de Samaritains qui

1. FORTIN., on the truth of the Christ. Relig., p. 218.

2. ORIG., cont. Cels., 1, 11; Ju...., ap. Cyril., liv. vi; AUG., ep. III, IV, t. II. 3. EUSEB., Dem. ш, ev. 3.

4. TERT., Apologet.

5. LAMP., in Alex. Sev., cap. IV et xxxI.
6. Voyez la note XLVIII, à la fin du volume.

lui avoit refusé l'hospitalité. Il répondit avec indignation: Vous ne savez pas ce que vous demandez !

Si le Fils de l'Homme étoit sorti du ciel avec toute sa force, il eût eu sans doute peu de peine à pratiquer tant de vertus, à supporter tant de maux; mais c'est ici la gloire du mystère : le Christ ressentoit des douleurs; son cœur se brisoit comme celui d'un homme; il ne donna jamais aucun signe de colère que contre la dureté de l'âme et l'insensibilité. Il répétoit éternellement : Aimez-vous les uns les autres. Mon père, s'écrioit-il sous le fer des bourreaux, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. Prêt à quitter ses disciples bien aimés, il fondit tout à coup en larmes; il ressentit les terreurs du tombeau et les angoisses de la croix : une sueur de sang coula le long de ses joues divines; il se plaignit que son Père l'avoit abandonné. Lorsque l'ange lui présenta le calice, il dit : 0 mon Père! fais que ce calice passe loin de moi; cependant, si je dois le boire, que ta volonté soit faite. Ce fut alors que ce mot, où respire la sublimité de la douleur, échappa à sa bouche: Mon âme est triste jusqu'à la mort. Ah! si la morale la plus pure et le cœur le plus tendre, si une vie passée à combattre l'erreur et à soulager les maux des hommes, sont les attributs de la divinité, qui peut nier celle de Jésus-Christ? Modèle de toutes vertus, l'amitié le voit endormi dans le sein de saint Jean, ou léguant sa mère à ce disciple; la charité l'admire dans le jugement de la femme adultère : partout la pitié le trouve bénissant les pleurs de l'infortuné; dans son amour pour les enfants, son innocence et sa candeur se décèlent; la force de son âme brille au milieu des tourments de la croix, et son dernier soupir est un soupir de miséricorde.

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Le Christ, ayant laissé ses enseignements à ses disciples, monta sur le Thabor et disparut. Dès ce moment l'Église subsiste dans les apôtres: elle s'établit à la fois chez les Juifs et chez les Gentils. Saint Pierre, dans une seule prédication, convertit cinq mille hommes à Jérusalem, et saint Paul reçoit sa mission pour les nations infidèles. Bientôt le prince des Apôtres jette dans la capitale de l'empire romain les fondements de la puissance ecclésiastique'. Les premiers césars régnoient

1. Voyez la note XLIX, à la fin du volume.

cucore, et déjà circuloit au pied de leur trône, dans la foule, le prêtre inconnu qui devoit les remplacer au Capitole. La hiérarchie commence; Lin succède à Pierre, Clément à Lin: cette chaîne de pontifes, héritiers de l'autorité apostolique, ne s'interrompt plus pendant dixhuit siècles, et nous unit à Jésus-Christ '.

Avec la dignité épiscopale, on voit s'établir dès le principe les deux autres grandes divisions de la hiérarchie, le sacerdoce, et le diaconat. Saint Ignace exhorte les Magnésiens à agir en unité avec leur évêque, qui tient la place de Jésus-Christ, leurs prêtres, qui représentent les apótres, et leurs diacres, qui sont chargés du soin des autels 2. Pie, Clément d'Alexandrie, Origène et Tertullien, confirment ces degrés3.

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Quoiqu'il ne soit fait mention pour la première fois des métropolitains ou des archevêques qu'au concile de Nicée, néanmoins ce concile parle de cette dignité comme d'un degré hiérarchique établi depuis longtemps. Saint Athanase et saint Augustin citent des métropolitains existant avant la date de cette assemblée. Dès le second siècle Lyon est qualifié, dans les actes civils, de ville métropolitaine, et saint Irénée, qui en étoit évêque, gouvernoit toute l'Église (napoxíov) gallicane'.

Quelques auteurs ont pensé que les archevêques mêmes sont d'institution apostolique ; en effet, Eusèbe et saint Chrysostome disent que Tite, évêque, avoit la surintendance des évêques de Crète9.

Les opinions varient sur l'origine du patriarcat; Baronius, de Marca et Richerius la font remonter aux apôtres; mais il paroît néanmoins qu'il ne fut établi dans l'Église que vers l'an 385, quatre ans après le concile général de Constantinople.

Le nom de cardinal se donnoit d'abord indistinctement aux premiers titulaires des églises 10. Comme ces chefs du clergé étoient ordinairement des hommes distingués par leur science et leur vertu, les papes les consultoient dans les affaires délicates; ils devinrent peu à peu le conseil permanent du saint-siége, et le droit d'élire le souverain

1. Voyez la note L, à la fin du volume.

2. IGNAT., Ep. ad Magnes, no vi.

3. Pius, ep. II; CLEM. ALEX., Strom., lib. vi, p. 667; ORIG., hom. II, in Num., hom. Cantic., TERTULL., de Monogam., cap. x1; de Fuga, cap. XLI; de Baptismo, cap. XVIL, A. Conc. Nicen., can. vi. 5. ATHAN., de Sentent. Dionys., t. I, p. 552.

6. AUG., Brevis Collat. tert. die, cap. xvI.

7. Fuseb., H. E., lib. v, cap. xxш. De лapcxíov nous avons fait paroisse.

USHFR., de Orig. Episc. et Metrop. Revereg. cod. can. vind., lib. 11, cap vi, no 12,

namm., Pref. to Titus in Dissert. 4 cont. Blondel, cap. v.

5. EUSEB., H. E., lib. ш, cap. IV; CHRYS., Hom. 1, in Tit

10. HÉRICOURT, Lois eccl. de France, p. 205

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