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Sai, che la torre il mondo, ove piu versi
Di sue dolcezze il lusinghier Parnasso, etc.

Là, il n'y a point de poésie où il n'y a point de menterie, dit Plutarque (1).

Est-ce que cette France, à demi-barbare, n'étoit pas assez couverte de forêts, pour qu'on n'y pût rencontrer quelques-uns de ces châteaux du vieux temps, avec des mâchicoulis, des souterrains, des tours verdies par le lierre, et toutes pleines d'histoires merveilleuses? Est-ce qu'on ne pouvoit trouver quelque temple gothique dans une vallée, au milieu des bois? Les montagnes de la Navarre n'avoient-elles point quelque barde, qui, sur le tombeau du Druïde, chantoit les souvenirs des Gaules? Je m'assure qu'il y avoit encore quelques chevaliers du règne de François Ier, qui regrettoit, dans son manoir, les tournois de la vieille Cour, et ces beaux temps où la

» les remèdes propres à le guérir, et jette au contraire » des drogues amères dans les alimens qui lui sont » nuisibles, etc. ». Lucret. Ac veluti pueris absinthia tetra medentes, etc.

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un ange,

Si l'on disoit que le Tasse a aussi invoqué la vérité, nous répondrions qu'il ne l'a pas fait comme M. de Voltaire. La vérité du Tasse est une muse je ne sais quoi jetté dans le vague, quelque chose qui n'a pas de nom, un être chrétien, et non pas la vérité directement personifiée, comme celle de la Henriade. (1) Dans son traité de la manière de lire les poëtes.

France s'en alloit en guerre contre les Mécréans et les Infidèles. Que de choses à tirer de cette révolution des Bataves, voisine, et pour ainsi dire, soeur de la Ligue! Les Hollandois s'établissoient aux Indes, et Philippe recueilloit les premiers trésors du Pérou. Coligny même avoit envoyé une colonie dans la Caroline: le chevalier de Gourgues offroit, à l'auteur de la Henriade, un superbe et touchant épisode.

Une Epopée doit renfermer l'univers. En Europe, le plus heureux des contrastes donnoit, à l'auteur de la Henriade, les mœurs primitives et pastorales en Helvétie, le peuple commerçant en Angleterre, et le siècle des arts en Italie. L'intérieur de la France lui présentoit aussi l'époque la plus favorable à la poésie épique; époque qu'il faut toujours choisir, comme il l'avoit fait, à la fin des mœurs antiques d'un âge, et à la naissance des nouvelles mœurs d'un autre âge. La barbarie expiroit, et le siècle de Louis commençoit à poindre. Malherbe étoit venu; ce Héros, à-la-fois barde et chevalier, auroit pu conduire les François au combat, en chantant de beaux hymnes à la victoire..

On convient que les caractères de la Henriade ne sont que des portraits, et l'on a trop peut-être vanté cet art de peindre,

dont Rome en décadence a donné les premiers modèles. Le portrait n'est point épique; il ne fournit que des beautés sans action et sans mouvement. Il est d'ailleurs d'un genre facile, et l'on voit des hommes médiocres y réussir assez bien. Quelques personnes doutent aussi que la vraisemblance des mœurs soit poussée assez loin dans la Henriade. Les Héros de ce poëme débitent de beaux vers qui servent à développer les principes philosophiques de M. de Voltaire : mais représentent-ils les guerriers tels qu'ils étoient au seizième siècle? Que si quelques discours des Ligueurs montrent assez bien l'esprit du temps; ne pourroit-on pas se permettre de penser que c'étoient les actions des personnages plutôt que leurs paroles, qui devoient déceler cet esprit? Du moins, le chantre d'Achille n'a pas mist l'Iliade en harangues.

Quant au merveilleux, il est, sauf erreur, à-peu-près nul dans la Henriade. Si l'on ne connoissoit le malheureux systême qui glaçoit le génie poétique de M. de Voltaire, on ne comprendroit pas comment il a pu préférer des divinités allégoriques au merveilleux du christianisme. Il n'a répandu quelque chaleur dans ses inventions, que dans les endroits même où il cesse d'être philosophe, pour devenir chrétien.

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Aussi-tôt qu'il a touché à la religion, source. de toute poésie, la source a immédiatement coulé.

Le serment des Seize dans le souterrain, l'apparition du fantôme de Guise qui vient armer Clément d'un poignard, sont des machines fort épiques, et puisées dans les superstitions religieuses du seizième siècle.

Le poëte ne s'est-il pas encore un peu trompé, lorsqu'il a transporté la philosophie dans les Cieux ? Son éternel est sans doute un dieu juste, qui juge avec impartialité le Bonze et le Derviche; mais étoit-ce bien cela qu'on attendoit de la Muse? Ne lui demandoit-on pas de la poésie, un Ciel chrétien des cantiques, Jéhovah, enfin le mens divinior, la religion.

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C'est donc à tort que M. de Voltaire a repoussé cette milice sacrée, cette armée des Martyrs et des Anges, dont ses talens auroient pu tirer des choses admirables. II eût pû trouver chez nos saintes des puissances aussi grandes que celles des Déesses antiques, et des noms aussi doux que ceux des Graces. Quel dommage qu'avec tant d'esprit, il n'ait rien voulu dire sur ces Bergères transformées, par leurs vertus, en bienfaisantes Divinités; sur ces Geneviève qui, du haut du Ciel, protègent, avec une houlette, l'empire de Clovis et de Charlemagne !

Il nous semble qu'il y a quelqu'enchantement pour les Muses à voir le peuple, le plus spirituel et le plus brave du monde, consacré, par la religion, à la Fille de la simplicité et de la paix. De qui les gentilles Gaules tiendroient-elles leurs Troubadours, leur parler naïf et leur penchant aux graces, si ce n'étoit du chant pastoral, de l'innocence et de la beauté de leur Patronne ?

Des critiques judicieux ont observé qu'il y a deux hommes dans M. de Voltaire; l'un plein de goût, de savoir, de raison, l'autre qui péche par les défauts contraires. On peut douter que. M. de Voltaire ait eu autant de génie que Racine; mais il eut peut-être un esprit plus varié et une imagination plus flexible. Malheureusement la mesure de ce que nous pouvons, n'est pas toujours la mesure de ce que nous faisons. Si M. de Voltaire eût été animé par la religion, comme l'auteur d'Athalie; s'il eût fait, comme lui, une étude sévère des pères et de l'antique; s'il n'eût pas embrassé tous les genres et tous les sujets, sa poésie fût devenue plus nerveuse, et sa prose eût acquis une décence et une gravité qui lui manquent trop souvent. M. de Voltaire eut le malheur de passer sa vie au milieu d'un cercle d'admirateurs, qui, toujours prêts à l'applaudir, ne l'avertissoient point de ses écarts. S'il avoit vécu près des

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