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riale, cet établissement paraissant plus propre que le Musée du Louvre à recevoir les monuments d'un intérêt purement historique ;

3o D'adresser des remercîments, non-seulement à MM. Ern. Desjardins et Engelhardt, mais aussi à M. More, qui, bien que n'ayant point cédé à titre gratuit les monuments dont il était possesseur, n'a pourtant voulu s'en dessaisir qu'en faveur de la France, sa patrie, et qu'à la condition que l'Académie dcs Inscriptions et Belles-Lettres serait juge de la destination dernière qu'il conviendrait de leur donner. »

L'Académie, après en avoir délibéré, adopte les conclusions de ce rapport et décide :

1° Qu'elle accepte le don qui lui est fait par M. Ern. Desjardins, en son nom et au nom de M. More, et par M. Engelhardt, des monuments épigraphiques découverts jusqu'à ce jour dans les fouilles d'Iglitza;

2o Que ces monuments seront déposés à la Bibliothèque impériale;

3o Que, pour faire régulièrement ce dépôt, son Bureau voudra bien s'entendre avec M. le Ministre de l'Instruction publique; 4o Que des remercîments seront adressés, en son nom, à MM. Desjardins, Engelhardt et More.

M. JOURDAIN achève de donner communication à l'Académie du mémoire suivant :

Doutes sur l'authenticité de quelques écrits contre la cour de Rome attribués à Robert Grosse-Tête, évêque de Lincoln.

De l'aveu de tous les historiens, Robert, surnommé Grosse-Tête, qui fut évêque de Lincoln de 1235 à 1253, occupe un rang élevé dans l'histoire littéraire du moyen-âge, comme l'un des prélats les plus instruits que l'Eglise d'Angleterre ait eus à sa tête durant la première moitié du treizième siècle. Il paraît avoir étudié et même enseigné à Paris (1); il enseigna certainement à Oxford; et la faveur dont il ne cessa d'entourer par la suite l'Université naissante de cette ville ne contribua pas médiocrement à sa prospérité. Il ne possédait pas seulement des connaissances théologiques, telles que les suppose l'éminente fonction dont il fut investi: doué de cette curiosité active qui est la mère des sciences, il s'était appliqué avec ardeur à étendre le cercle de son érudition. Il avait

(4) Du Boulay, Hist. univ. Paris, t. 1, p. 260 et p. 709; Hist. littéraire de la France, t. xvIII, p. 437 et s.

appris le grec et l'hébreu, et savait en philosophie et en mathématiques tout ce qu'on pouvait savoir de son temps. On lui doit une version latine de la Morale à Nicomaque, faite sur le texte grec, et une traduction du Testament des douze patriarches, à laquelle un moine de Saint-Albans travailla par ses ordres. Outre un grand nombre d'opuscules sur différents sujets, il a laissé des commentaires sur la logique et la physique d'Aristote, et des traités du comput et de la sphère. Roger Bacon, si sévère pour beaucoup de ses contemporains, ne parle de l'évêqué Lincoln qu'avec respect, et même avec admiration. Il vante à la fois sa profonde connaissance des langues et son habileté comme mathématicien. Il le place, à côté d'Adam de Marisco, parmi les hommes de génie qui, à l'aide des mathématiques, ont su pénétrer les causes des phénomènes naturels, et exposer d'une manière satisfaisante les sciences divines et profanes (1).

Cette grande figure mériterait assurément une étude approfondie. Ce n'est pas l'objet que nous nous proposons quant à présent. Nous ne voulons considérer ici ni l'interprète des textes grecs et hébreux, ni le commentateur d'Aristote, ni le maître et le protecteur de l'Université d'Oxford, mais seulement le théologien et l'évêque. Nous n'avons même pas l'intention d'étudier complétement à ce point de vue la vie de Robert Grosse-Tête. Nous nous bornerons à discuter la valeur des documents et des témoignages d'après lesquels l'attitude du docte prélat vis-à-vis des ordres monastiques et de la papauté a été appréciée jusqu'à ce jour par la grande majorité des historiens.

Selon l'opinion la plus commune, l'évêque de Lincoln, prélat de mœurs pures et d'une piété exemplaire, se montra, dans le cours de son épiscopat, l'ennemi des moines et le censeur audacieux, sinon l'adversaire déclaré des papes. Son austérité ne se consolait pas du relâchement de la discipline ecclésiastique. Convaincu que l'ignorance et les désordres des clercs étaient le plus grand péril qui pût menacer la société chrétienne, il dénonça, il poursuivit les abus avec une indomptable énergie. Il ne se contenta point de remédier, selon ses forces, aux misères morales qu'il avait sous les yeux, il en fit remonter la responsabilité jusqu'au Saint-Siége, il les imputa, dans le langage le plus acrimonieux, aux empiétements de la cour de Rome sur l'autorité des évêques, aux exemptions dont elle était prodigue en faveur des monastères, aux déplorables choix de pasteurs incapables ou indignes qu'elle chargeait arbitrairement du soin des paroisses, quelquefois par négligence, plus souvent par népotisme ou par cupidité.

Telle est l'idée que les historiens en général donnent du caractère, des sentiments et des actes de Robert de Lincoln. Nous ne parlons pas seule

(4) Opus majus, p. iv, dist. 1, c. 3: « Episcopus Robertus Lincolniensis, et Frater Adam de Marisco... per potestatem mathematicæ sciverunt caussas omnium explicare et tam humana quam divina sufficienter exponere. » Opus tertium, dans l'édition donnée par M. Brewer, Londres, 1859, in-8°, p. 33: Solus unus scivit scientias, ut Lincolniensis episcopus. » Compendium studii philosophiæ, ibid. p. 472: « Solus dominus Robertus, propter longitudinem vitæ et vias mirabiles quibus usus est, præ aliis hominibus scivit scientias. »>

ment des écrivains protestants, tels que Brown (4), Oudin (2), Wharton (3), Cave (4) et Tanner (5), qui n'ont pas manqué d'enrôler Robert sous leur bannière, en l'exaltant avec affectation comme l'un des précurseurs de Wiclef et de Luther. Rinaldi (6) lui-même conteste à peine les procédés de l'évêque de Lincoln à l'égard du Saint-Siége, ses remontrances impérieuses et ses allures indociles. Fleury avoue que le zèle du prélat était amer et ses discours sans modération (7).

Ces jugements, qu'on peut qualifier d'unanimes, sont adoptés par les écrivains récents. On les retrouve à la fois dans l'Histoire littéraire de la France sous la plume de M. Daunou, et chez le Dr Lingard. Que cette appréciation du caractère de Robert de Lincoln ait un fonds de vérité, nous ne le contestons pas; car on ne saurait nier que le pieux et savant évêque ne se soit montré l'énergique défenseur de la discipline ecclésiastique et l'infatigable adversaire des abus. Mais nous croyons en même temps que l'importance de ses démélés avec Rome a été fort exagérée, et que ses sentiments véritables ont été méconnus, parce qu'on en a jugé d'après des documents qui ne sont pas authentiques, et d'après des témoignages qui ne sont pas irrécusables. C'est le point que nous allons essayer de dé

montrer.

Les jugements dont la conduite de Robert Grosse-Tête a été jusqu'ici l'objet reposent sur les fondements que voici : 4° un mémoire qu'il aurait remis au pape Innocent IV en 1250, et qui aurait été lu par ordre du pape en présence des cardinaux; 2° une lettre adressée en 1253 au même pontife; 3° une autre lettre de la même époque à la noblesse d'Angleterre et aux bourgeois de Londres (8); 4o le témoignage de Mathieu Paris et des chroniqueurs qui l'ont suivi.

Dans le mémoire qu'on prétend avoir été remis à Innocent IV, la situation de l'Eglise est dépeinte sous les plus sombres couleurs. L'auteur déclare en gémissant que la science, la foi et la piété sont éteintes dans le clergé; que presque partout la passion du lucre, la gourmandise et la luxure ont remplacé les vertus sacerdotales; que la maison de prière a été changée en une caverne de voleurs ; que la plupart des pasteurs ne craignent pas de spolier la veuve et l'orphelin; qu'ils sont voleurs, adul

(4) Appendix ad fasciculum rerum expetendarum et fugiendarum ab Orthvino Gratio editum, etc. Londini 4690, in fol., p. 244 et s.

(2) Commentarius de scriptoribus ecclesiæ, Lipsiæ, 1732, in-fol., t. III, col. 436 et s.

(3) Anglia Sacra, t. II, p. 341, et s.

(4) Scriptorum ecclesiasticorum historia, Oxonii, 4743, t. ii, p. 295. (5) Bibliotheca Britannico-hibernica.

(6) Annales ecclesiastici, ad ann. 1253, 2 XLIII, p. 487.

(7) Histoire ecclésiastique, liv. LXXXIII, ch. 43.

(8) De ces trois opuscules les deux premiers ont été publiés par Edward Brown, Appendix ad fasciculum, etc., p. 250 et p. 400 et s. Le second fait partie de toutes les éditions de la Grande Chronique de Mathieu Paris, et se retrouve dans toutes les éditions de cette chronique. Il a été réimprimé par Du Boulay, dans son Histoire de l'Université de Paris, t. III, p. 260 et s., et par M. Luard dans l'édition récente qu'il a donnée des lettres de Robert Grosse-Tête, Londres, 4864, in-8°, p. 432. Le troisième opuscule que nous avons signalé, la lettre à la noblesse d'Angleterre, a été mis au jour pour la première fois, à notre connaissance, dans cette même édition.

tères, incestueux. Et quelle est la source première d'aussi grands désordres? Selon le rigide écrivain, il ne faut pas chercher cette source ailleurs que dans la connivence de la cour de Rome, qui non-seulement n'a pas su prévenir le mal, mais qui n'a cessé de l'encourager par de mauvaises pratiques, telles que la collation directe des bénéfices à des sujets ignorants ou vicieux; telles que les exemptions trop multipliées qui en affranchissant les couvents de la surveillance des évêques, assurent au clergé régulier une liberté dont celui-ci abuse; telles que les appels et recours qui compromettent l'autorité épiscopale, et énervent les jugements émanés d'elle; telles enfin que ces formules despotiques par lesquelles le pape régnant prétend imposer sa propre volonté, nonobstant toute règle et tout privilége consacrés par une décision de ses prédécesseurs. La lettre au pape Innocent IV, que la renommée attribue, comme le mémoire précédent, à Robert Grosse-Tête, renferme l'expression des mêmes griefs énoncés en moins de mots, mais dans des termes presque identiques, de sorte que les deux documents sont, à n'en pouvoir douter, l'œuvre de la même plume. Toutefois, dans ce nouvel écrit, l'auteur ne sait plus contenir les sentiments d'indignation et de colère qui l'oppressent; peu s'en faut qu'il ne compare le pape à l'Antéchrist, et il se déclare prêt à lui résister. « J'obéis avec respect, dit-il, aux commandements apostoliques.... Mais nul commandement ne saurait être qualifié d'apostolique, s'il n'est conforme à la doctrine de Jésus-Christ et des apôtres... Après le péché de Lucifer, continue-t-il, il n'y en a point de plus grand que celui qui consiste à perdre les âmes, en les frustrant du service que nous leur devons en qualité de pasteurs, et en ne songeant qu'à pressurer le troupeau pour en tirer des commodités temporelles.... Le Saint-Siége qui a reçu la pleine puissance de Jésus-Christ, uniquement pour l'édification, n'a pas le pouvoir de rien ordonner ni de rien faire par lui-même, qui tende à favoriser un péché aussi abominable et aussi pernicieux pour le genre humain; dans ce cas, en effet, il abuserait manifestement de son autorité; il s'éloignerait du trône de Jésus-Christ pour aller s'asseoir en enfer dans la chaire de pénitence. Quiconque a voué au Saint-Siége une obéissance pure et sincère, quiconque n'est point séparé du corps de Jésus-Christ par le schisme doit se refuser à de tels commandements... C'est pourquoi je déclare que, loin d'y obtempérer, j'y fais résistance et opposition. >>

Le troisième document que nous avons mentionné, la lettre aux barons et aux bourgeois, contient de nouvelles et amères plaintes soit contre les taxes qui sont levées sur l'Eglise d'Angleterre, et qui, au mépris de ses antiques libertés, la réduisent à l'état de tributaire, soit contre l'intrusion dans les bénéfices de sujets étrangers, accourus de contrées lointaines, qui ne connaissent pas leur troupeau, qui ne comprennent pas la langue du pays, qui négligent le soin des âmes, qui s'approprient les revenus affectés à des œuvres pies ou au soulagement des pauvres. L'auteur interpelle le peuple et les grands, et les somme de déclarer s'il convient que l'Angleterre soit tondue comme un agneau, et soumise au joug comme un bœuf; que des étrangers et des oisifs récoltent ce qu'elle a semé, et qu'ils dévorent sa propre substance. Il invoque l'appui du pouvoir séculier, et conjure ce pouvoir de s'armer et d'agir avec vigueur, afin de déjouer les desseins des hommes pervers qui ont jeté sur les Eglises du Royaume-uni un œil de convoitise.

Nous devons ajouter que, dans un grand nombre de manuscrits appartenant aux bibliothèques d'Oxford et de Cambridge, les trois documents que nous venons d'analyser portent le nom de Robert Grosse-Tête.

Les inductions qui semblent pouvoir être tirées de là, relativement à la conduite et aux opinions de l'évêque de Lincoln, sont corroborées par le témoignage de Mathieu Paris et de plusieurs chroniqueurs. Mathieu Paris ne mentionne ni le mémoire au pape, ni la lettre aux barons d'Angleterre; mais il attribue très-expressément à Robert la lettre si vive adressée à Innocent IV. Il assure qu'elle fut écrite sous l'impression d'un bref venu de Rome et contenant des ordres que le prélat jugeait injustes et contraires à la raison (1). La tradition porte qu'il s'agissait d'un canonicat dont le pape, de sa propre autorité, aurait disposé en faveur de son neveu, Frédéric de Lavania (2). S'il faut en croire la suite du récit de Mathieu Paris, la conduite de Robert dans cette affaire aurait excité au plus haut point l'indignation d'Innocent IV, qui, laissant un libre cours à son mécontentement, aurait témoigné l'intention de sévir contre le prélat récalcitrant, et ne se serait abstenu que sur les instances des cardinaux. Dans un autre passage de l'Historia major, où sont racontés les derniers moments de Robert Grosse-Tête, le chroniqueur nous le représente exhalant une plainte et une protestation suprême contre les empiétements de la cour de Rome, contre les pasteurs qui trahissent leurs troupeaux et contre les religieux, notamment contre les Dominicains et les Franciscains qui se rendent les complices de pareils crimes (3).

L'abrégé de la Grande Chronique de Mathieu Paris, qui est généralement connu sous le nom d'Historia minor, relate les mêmes faits, à peu près dans les mêmes termes. Il ne manque au récit, sous cette forme nouvelle, que les dernières paroles de Robert Grosse-Tête à son lit de mort (4).

C'est un témoignage considérable sans doute que celui d'un chroniqueur contemporain des faits qu'il raconte, coinme l'était Mathieu Paris. Cependant l'autorité historique du célèbre annaliste anglais n'est pas à l'abri de tout reproche. Non-seulement il se montre en toute circonstance animé contre le Saint-Siége d'un esprit de dénigrement et de haine, qui fait suspecter sa bonne foi et sa véracité; mais on n'est pas entièrement fixé sur la part qui lui revient à dater de l'année 1252 dans l'ouvrage qui porte son nom. On sait qu'il n'a pas mis la dernière main à cette partie de

(1) Historia major, ed. Wats, Londini, 1640, in fol., p. 870: « Cum dominus papa Innocentius IV significasset per apostolica scripta præcipiendo episcopo Lincolniensi Roberto, quatenus quiddam faceret quod ei videbatur injustum et rationi dissonum, prout frequenter fecerat illi et aliis Angliæ prælatis, rescripsit ei in hæc verba... >>

(2) Le bref que le pape aurait donné à ce sujet a été publié par Brown, Appendix, p. 399, et par M. Luard, dans une note qui accompagne la lettre de Robert à Innocent IV. Cf. Annales de Burton, dans le recueil intitulé: Annales monastici, également publié par M. Luard, Londres, 1864, in-8°, p. 311; Henri de Knygton, De eventibus Angliæ, dans le recueil de Twysden, Historia Anglicanæ scriptores, Londini, 1652, in-fol., t. 11, col. 2436.

(3) Historia major, p. 872, 874.

(4) La dernière partie de l'Historia minor, celle qui nous intéresse le plus, n'a pas encore vu le jour; mais nous avons dû à l'obligeance de notre savant et vénéré confrère, M. NATALIS DE WAILLY, la communication d'une copie très-exacte du manuscrit autographe de cet ouvrage que possède le British Museum.

ANNÉE 1868.

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