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rien qui doive étonner. Le poëte nous dira plus loin précisément en parlant des mêmes avertissements (Aen. III, 688): Nec vates Helenus, quum multa horrenda moneret, Hos mihi prædixit luctus. « Ni le devin Hélénus quand il m'annonçait de bien tristes présages.» Du reste, quel que soit le sens qu'on adopte, il ne modifie en rien l'explication que je propose pour les deux vers suivants.

>> Comme j'adopte la leçon de tous les manuscrits, inter utramque, je n'ai pas besoin de rappeler et de discuter toutes les conjectures qui ont été proposées, je me contente de renvoyer au travail de M. Benoist qui les expose avec beaucoup de soin, et finit par adopter l'adverbe inusité interutrasque.

» Je dois dire avant tout que l'heureux rapprochement avec le vers de Lucrèce est le fiat lux qui éclaircit tout le passage. Les nombreux emprunts faits à ce poëte par Virgile justifient complétement ce rapprochement et nous autorisent à admettre ici l'expression ne teneant viam cursus, qui en effet paraît imitée de ce vers de Lucrèce (v, 714):

Lunam qui fingunt esse pilaï

Consimilem cursusque viam sub sole tenere.

Expression qui se retrouve presque sous une autre forme dans ce passage d'Ovide (Pont. II, 6, 12):

Nunc mihi naufragio quid prodest discere facto,

Quam mea debuerit currere cymba viam?

<< Maintenant à quoi me sert d'apprendre, après le naufrage, quelle route ma barque devait tenir? »

» Rappelons maintenant ce qui a été dit plus haut, à savoir qu'Hélénus a défendu formellement aux Troyens de s'approcher de Charybde et de Scylla. Dès lors en prenant ni dans le sens ordinaire, à moins que, on arriverait à un résultat contraire à cette défense. M. Benoist a donc parfaitement raison de prendre la particule ni pour ne, c'est-à-dire dans le sens prohibitif, comme l'ont fait les anciens. Servius et Priscien nous citent précisément comme exemple le passage même de Virgile dont nous nous occupons. Le

premier de ces grammairiens nous dit même que Plaute fourmille d'exemples du même genre; antiqui NI pro NE ponebant; qua particula plenus est Plautus. Je lis dans l'Epidique du célèbre poëte comique, v. 319: Ne quid tibi hinc in spem referas, c'est-àdire « tu ne dois plus le porter au compte de tes espérances», comme traduit élégamment M. Naudet. Les manuscrits donnent ici ni, que les critiques ont cru devoir changer en ne. Ne serait-ce pas là un des nombreux passages de Plaute dont veut parler Servius, passage que la critique moderne n'aurait pas dû corriger? Du reste, dans le cas où le témoignage de Plaute viendrait à nous faire défaut pour l'emploi de ni dans le sens prohibitif, on en connaît beaucoup d'autres, comme on peut le voir dans le dictionnaire de Forcellini.

» En résumé, voici comment je comprendrais le passage. Je lirais Scyllam atque Charybdim, en établissant un repos à la fin du premier vers. A ces mots je rattacherais inter utramque, et non à viam que je joindrais à cursus, et je traduirais : « Mais les recommandations d'Hélénus rappellent aux Troyens Scylla et Charybde; ils ne doivent point diriger leur course entre ces deux écueils, en affrontant le danger d'une mort presque inévitable. Il n'y a pas d'incertitude, pas d'hésitation possible (certum est); ils doivent rebrousser chemin, dare lintea retro.

» En effet les Troyens allaient retourner leur proue lorsque Borée vint à leur secours. Ils longent la côte méridionale de la Sicile et arrivent jusqu'à Drepanum. C'est de là qu'ils sont rejetés sur les côtés de la Libye.

» Maintenant, je le demande, est-il possible de trouver un sens plus clair, plus naturel, plus conforme au récit qui précède et qui suit, et cela sans qu'il soit besoin de recourir à des changements non autorisés par les manuscrits ?

» Deux objections se présentent, qui portent sur des difficultés plus apparentes que réelles. La première concerne utramque qui ne dépendrait point de viam, mot auquel il semble joint. Il y a là, j'en conviens, un voisinage qui peut jeter de la confusion dans l'esprit. Mais souvenons-nous que Virgile est mort sans avoir pu mettre la dernière main à son poëme. Le troisième livre même

passe pour le plus inachevé. Il est probable que le poëte, s'il en avait eu le temps, aurait fait disparaître ce qu'on pourrait considérer comme une négligence. N'oublions pas non plus que Virgile, en récitant son poëme devant Auguste ou devant ses amis, avait soin de prendre les intonations et de ménager les repos nécessaires pour bien faire saisir le sens de ses vers. Je suppose qu'il devait lire ainsi le passage en question:

Contra jussa monent Heleni Scyllam atque Charybdim:
Inter utramque, viam leti discrimine parvo

Ne teneant cursus; certum est dare lintea retro.

» Lus de cette manière, ces vers ne laissent pas la moindre incertitude dans l'esprit et le sens en est facile à comprendre.

>> L'autre objection porte sur le mot viam qui se trouve un peu éloigné de son complément, ne teneant cursus. Voyons en quoi consiste cette séparation ou plutôt par quels mots les deux termes de cette expression sont séparés. Par l'apposition leti discrimine parvo. Or ce danger d'une mort presque certaine tient précisément à la route qui se dirigerait entre Charybde et Scylla. D'où je serais porté à croire que c'est intentionnellement que le poëte a mis cette apposition entre viam et son complément cursus afin de mieux faire comprendre sa pensée.

>> Comme on le voit, c'est à M. Benoist que je dois le fond de mon argumentation. C'est lui qui m'a fourni l'expression viam cursus, sans laquelle les vers de Virgile seraient restés pour moi inintelligibles. Quant à la correction interutrasque qu'il cherche à justifier et qu'il adopte, elle ne me semble nullement nécessaire, même au point de vue où il se place, car l'explication qu'il propose s'accommoderait tout aussi bien de la leçon utramque donnée par tous les manuscrits.

>> Quoi qu'il en soit, je m'estimerai heureux si mes idées, provoquées et suggérées par les siennes, ont pu jeter quelque jour nouveau sur une question qui a exercé la sagacité de tant de philologues éminents. »>

M. NAUDET Continue ensuite la première lecture de son Mémoire sur ces deux questions: « Sont-ce des soldats qui ont crucifié J.-C.?

-Les soldats romains prenaient-ils une part active dans les sup

plices? »

Sont offerts à l'Académie les ouvrages suivants :

1° Etude sur le verbe auxiliaire breton Ksour (avoir), par M. D'Arbois de Jubainville, correspondant (Extr. des Mémoires de la Société de linguistique de Paris, br. in-8°).

2o Résistance héroïque du mont Saint-Michel contre les Anglais de 1420 à 1450, par M. A. M. Laisné (br. in-8°).

3o Le Cabinet de numismatique de l'Université de Leyde, par P. O. Van der Chijs (Leyde, 1867, in-12).

4o Morkinskinna, manuscrit publié par C. R. Unger (Christiania, 1867, in-8°).

5o Diplomatarium Norvegicum, publié par C. R. Unger et H. J. Huitfeldt, t. x (Christiania, 1867, in-8°).

6° Collection de chroniques belges inédites publiée par ordre du Gouvernement. Ly myreur des histors, chronique de Jean des Preis dit d'Outremeuse, publiée par Ad. Borgnet, t. v (Bruxelles, 1867, in-4o).

7° Revue numismatique: septembre-décembre 4867.

8o Revue archéologique : avril 1868.

9o Le Cabinet historique : nov.-déc. 1867.

10o Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest : 4o trimestre de 4867.

41° Revue de l'Orient et des colonies: 15 et 29 février 1868.

12° Revue africaine: mars 1868.

M. MILLER offre à l'Académie un volume qu'il vient de publier et dont la plupart des éléments lui ont déjà été communiqués dans ses séances. Ce volume est intitulé: Mélanges de littérature grecque contenant un grand nombre de textes inédits (gr. in-8°, imprimé à l'Imprimerie impériale par ordre de l'Empereur, Paris, 1868).

M. D'AVEZAC donne lecture des observations qu'il avait commencé à faire oralement et qu'il a rédigées sur un passage cité par M. Olleris dans sa publication des OEuvres de Gerbert.

« Je n'attachais point, dit M. D'AVEZAC, au mince travail dont je viens rendre compte assez de valeur pour le croire digne d'arrêter l'attention de la Compagnie, et c'est par déférence pour l'avis d'un de nos confrères que j'en exposerai succinctement les résultats.

Ils s'appliquent à un livre dont l'éloge n'est plus à faire depuis que l'Académie lui a décerné, au dernier concours, une de ses plus belles couronnes; je veux dire, La vie et les œuvres de Gerbert, par M. Olleris, doyen de la Faculté des lettres de ClermontFerrand. La corruption extrême d'un texte compris dans ce volume avait motivé, de ma part, une exclamation de regret, à la suite de laquelle j'ai été conduit à fournir à M. Olleris lui-même une restitution, beaucoup moins difficile qu'elle ne le semblait à l'érudit et modeste professeur.

M. Olleris a fait entrer dans sa publication quelques morceaux jusqu'alors inédits, entre autres, dans le Libellus de numerorum divisione, à la suite des chapitres précédemment connus, et qui avaient en dernier lieu été publiés et commentés par notre savant confrère M. CHASLES de l'Académie des Sciences, un chapitre final, qui manque à la généralité des manuscrits, et que M. Olleris n'a rencontré que dans un manuscrit unique, dont l'âge ni la valeur, pas plus que le format, la matière et les autres détails accessoires ne sont décrits, et qui est désigné seulement par le n° 1664 des mss. de la Reine de Suède, ce qui signifie qu'il appartient à la Bibliothèque Alexandrine du Vatican, formée presque en totalité de la belle collection de la reine Christine de Suède, dont la meilleure partie provenait à son tour du riche cabinet de Paul Pétau.

Ce chapitre additionnel, intitulé De protensione quarumdam mensurarum Terræ, offre, dans sa rédaction, deux parties distinctes, dont la première est une échelle d'évaluation relative des mesures romaines de longueur, en progressant de la plus petite à la plus grande, depuis le doigt jusqu'à la raste. Ici déjà le texte n'est pas exempt de confusion dans l'énonciation de certains multiples; on y remarque en effet d'abord ces deux évaluations contradictoires :

Uncia habet digitos tres.

Pedem sedecim metiuntur digiti.

Comme, fondamentalement, le pied est de douze onces, en admettant, comme il le faut bien aussi, que le pied est en même temps de seize doigts, il en résulte évidemment que l'once ne peut équi

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