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<< Aux Dieux mânes qui sont sous la terre. Lucius, csclave-intendant de Caesius Victor, âgé de cinquante ans, est ici enseveli. · Le même Lucius a donné aux thiases de Liber Pater Tasibastenus cent (et tant) de deniers.....

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A côté de ces deux monuments, je citerai encore plusieurs inscriptions de la même espèce, que j'ai déchiffrées sur d'autres points de la contrée environnante.

La première se trouve dans l'église de Proussotchani, grosse bourgade bulgare, située à moitié chemin entre Drama et Reussilova. C'est encore l'épitaphe d'un Thrace, écrite aussi en latin, mais en caractères très-grossiers, sur une plaque de tuf brun, à peine taillée. Aussi la restitution en est-elle très-douteuse sur quelques points.

CINTIS POLVLAE FIL SC
APOREN VS SIBIET VXORISV
AE SICVBIEIIIFI IVF C
DI DVHR MEIS XIX VTIXV
SVRISLIVS ADAIAN ROSAI
SV 3 CVRAT ZIPAEMSIIEI

ADARRTERIOEIVSQSNEDIN
ICII

Cintis, Polulae filius), Scaporenus, sibi et uxori suæ sicubie....(?) v(ivus) f(aciendum) curavit). De(di) do navi) her(edibus) meis denarios sexaginta, ut ex usuris ejus adaiant(?) (ici quelques lettres douteuses: faut-il adopter le verbe inusité adalant(ur), qui serait pour vescantur, ou rétablir ad monimentum en rejetant le verbe à la fin?) Rosal(ibus) sub curat(ione) Zipae msiieiad (encore plusieurs lettres dont je ne puis rendre compte) arbitrio ejus qui) s(upra) (le reste, indéchiffrable).

« Cintis, fils de Polula, de Scapora, a fait faire ce monument de son vivant pour lui-même et pour sa femme..... J'ai donné et légué à mes héritiers soixante deniers, à la charge d'employer le revenu de cette somme à faire le repas funèbre, le jour des Rosalia, sous la surveillance de Zipa....., à la décision du susdit.

>>

A la même classe d'inscriptions, appartient encore une stèle engagée parmi les matériaux qui ont servi à la consolidation d'un petit pont romain de deux arches, jeté sur la Maharitza, dans la partie moyenne de son cours, et connu dans le pays sous le nom turc de Kadrin-Kupruçu ou de Pont-duCadi. On ne peut lire qu'un petit nombre de lettres au commencement de chaque ligne, le reste de la plaque de marbre étant cimenté dans la maçonnerie de l'un des éperons, ajoutés postérieurement aux piles antiques du pont. Mais les caractères, gravés avec soin, laissent deviner des formules analogues à celles des monuments de Reussilova et de Proussotchani.

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<< Sous la surveillance de telle personne, Saturnina...., de son vivant, a fait faire ce monument. Elle donne aux thiases de Bacchus tant de deniers, afin qu'ils en emploient le revenu à faire un repas... près du tombeau..... le jour des Rosalia. S'ils n'exécutent pas cette condition, ils donneront aux héritiers.....>>

La dernière inscription qui me reste à citer a été trouvée aux environs même de Drama, dans le village de Tchaltadja. C'est le seul de ces monuments qui soit en langue grecque; mais les caractères, tracés sur une stèle de pierre grise, sont d'une époque romaine assez basse, ainsi que les bas-reliefs qui les accompagnent. Au-dessus de la première ligne, on voit en effet, grossièrement sculptés, trois personnages en buste; puis l'épitaphe est divisée en deux parties par la représentation ordinaire du cavalier dardant le javelot.

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Τάρσας Βύζου βρ. βες (?) προπτος (?) Οχρῖνος, ἐτῶν ὀγδοήκοντα. – Βύζος καὶ Βείθυς καὶ Τάρσας, πατρὶ καὶ μητρὶ Μελγίδ[ι], γνησίοις, μνήμης χάριν, ἐποί[η]σαν.

ans.

« Tarsas, fils de Byzos..., natif d'Okhra, mort à l'âge de quatre-vingts Byzos, Beithys et Tarsas ont élevé ce monument pour consacrer la mémoire de leur père, ainsi que de leur mère Melgis, tous deux de naissance ingénue. »

Il y a encore dans cette inscription, quelques lettres douteuses, parmi lesquelles on pourrait tout au plus reconnaître le surnom latin de

Promptus. Quant aux multiples questions que soulèvent ces monuments de même famille, elles doivent être examinées solidairement, je vais maintenant essayer de les exposer dans leur ensemble.

II

Parmi les curieux renseignements que contiennent les inscriptions de Reussilova, le fait capital paraît être l'existence, dans le pays de Zikhna, d'un antique sanctuaire du Bacchus thrace, situé au milieu des montagnes, comme le fameux oracle des Besses dans le Pangée et comme cet autre sanctuaire du même dieu, dont la colline de Dionysos, près de Philippes, semble révéler la présence. Mais, dans ce district écarté et sauvage, loin de la mer et des villes grecques de la côte, à l'extrême limite de la colonie romaine, le culte du dieu national avait dû conserver plus longtemps quelque chose de sa forme primitive. Aussi ne faut-il pas s'étonner de lire après le nom tout latin de Liber Pater, un surnon inconnu, étrange, celui de Tasibastenus. Ce mot, d'après sa terminaison même, me paraît être purement géographique, comme les ethniques Scaporenus et 'Oxpivos que nous avons cru lire dans les inscriptions de Proussotchani et de Tchaltadja: c'est l'ethnique thrace et asiatique en ηνός, comme Δατηνός, Βιζυηνός, Σεβαστηνός, Τυροδίζηνός. Il faut donc supposer dans ces parages un lieu appelé Tasibasta. La longueur et la singularité de ce nom n'ont rien qui doive nous étonner, si nous le comparons à ceux de quelques villes thraces, Poltymbria, Uscudama, Bessapara, Tyrodiza. Sans prétendre marquer exactement l'emplacement de la bourgade sacrée, on peut soupçonner que l'espèce de miracle naturel que produit la Maharitza, en sortant toute formée des montagnes voisines, n'avait pas été étranger à l'établissement dans ce canton d'un sanctuaire de la puissante divinité qui, en Thrace, était une sorte de Jupiter, un dieu souverain, largement associé à tous les phénomènes de la nature. En Grèce même, sur le territoire des Argiens, il y avait un mont Khaon, couvert d'arbres cultivés, au pied duquel les eaux du lac Stymphalé reparaissaient tout-à-coup sous le nom d'Erasinos, par un phénomène semblable à celui de la Maharitza; il était consacré à Dionysos, en l'honneur duquel on célébrait une fête appelée Tyrbé. On montrait encore, dans la même contrée, un étang, appelé Alcyonia, et réputé sans fond, par lequel le même dieu était descendu aux enfers (1).

Dans le sanctuaire de Tasibasta, la religion du Bacchus thrace a conservé, jusqu'au milieu de l'époque romaine, son antique popularité. Parmi les habitants de la contrée se recrutent encore les thiases sacrés, sortes de corporations particulièrement vouées au culte du dieu. Sans doute l'institution des thiases n'était pas particulière aux Thraces; il existait dans toute la Grèce des confréries de ce nom, attachées au culte de différentes divinités; nous en trouvons même en Italie, où une inscription de Pouzzoles, du temps de Caracalla, mentionne un thiasus Placidianus (2). Mais, proprement, le thiase était le chœur dansant et hurlant de Bacchus: sous cette forme il était surtout originaire de la Thrace, où les cérémonies bacchiques s'exécutaient, comme on sait, avec une violence d'enthousiasme et une fièvre de délire qui dépassaient

(4) Pausan., II, 24, 6 et 37, 5. (2) Orelli, Inscr. lat., 6082. ANNÉE 1868.

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toute imagination. Ce caractère orgiastique n'empêche pas les thiases de Bacchus Tasibasténus d'être organisés comme de véritables confréries, sur le modèle des hétairies grecques et des colléges romains. Nous les voyons ici recevoir des legs, pour célébrer chaque année des repas funèbres, le jour des Rosalia. L'usage de manger à certains jours auprès des tombeaux et d'y répandre des roses, n'était pas non plus une coutume renfermée dans la Thrace. Nous retrouvons sur différents points de l'Italie la fête mortuaire des roses, sous ce nom de Rosalia et sous celui de dies rosationis; les offrandes déposées sur le tombeau sont désignées par les mots escæ et rosæ, esca rosales, propinatio per rosam. La formule ad monimentum vescentur y est également consacrée pour le repas commémoratif. Aujourd'hui encore, dans toute la Roumélie, l'usage des repas funèbres s'est conservé sous sa forme presque antique, et j'ai eu plusieurs fois, pendant mon voyage, l'occasion d'en constater la perpétuité. Un jour, en Thessalie, nous visitions une église isolée, au moment où l'on y faisait l'enterrement d'un enfant : la mère, qui était présente, s'approcha de nous, et, découvrant une corbeille, nous offrit des grains d'orge bouillis et du vin qu'elle versa dans un verre, nous priant d'une voix touchante de manger le pain du mort, τὸ ψωμὶ τοῦ πεθαμμένου.

Une autre fois, traversant, le dimanche matin, un canton chrétien de l'Albanie, je m'étonnai de rencontrer sur le chemin des femmes, qui se rendaient à l'église, portant sur leur tête une corbeille, dans laquelle était un broc de vin, du pain, des pastèques et différentes sortes de mets: on m'apprit que c'était le repas des morts qu'elles allaient distribuer dans le cimetière, auprès de la tombe de leurs proches. Enfin, chez les Bulgares des environs de Monastir, il n'est pas d'église, en dehors de laquelle on ne trouve, près de la porte latérale, une série de dalles de pierre, alignées bout à bout et entourées de dalles plus petites: ce sont les tables, toutes préparées, avec leurs siéges, pour les festins funèbres, où s'asseoient, dans un ordre déterminé, les hommes d'abord, les femmes, puis les enfants. On peut juger par ces exemples de la vitalité d'une coutume, qui était répandue dans une grande partie du monde antique. Mais ce que nos inscriptions présentent de particulier à la Thrace, c'est que de semblables cérémonies y sont confiées aux thiases de Bacchus. Cette attribution est, du reste, tout à fait conforme au caractère infernal que nous avons reconnu au dieu des Thraces; elle s'accorde avec des idées plus ou moins grossières d'immortalité qui s'attachaient à son culte et qui le rapprochaient de celui de Zamalxis chez les Gètes. Sans parler de la tribu des Trauses, qui remplaçait les cérémonies funèbres par de véritables réjouissances, tous les Thraces, suivant Hérodote, célébraient les funérailles par des banquets: παντοῖα σφάξαντες ἱρήια εὐωχέονται (1). Xenophon nous montre de même les Odryses s'enivrant aux funérailles de leurs guerriers tués dans un combat: θάψαντες τοὺς ἑαυτῶν καὶ πολὺν οἶνον EXTIÓνTES ET 'AUTOTs (2). Dans aucun pays le caractère bachique des cérémonies funèbres n'était plus prononcé qu'en Thrace, et ces usages expliquent bien le rôle important que jouent les thiases de Bacchus dans nos inscriptions sépulcrales.

Il y a quelque raison de supposer que la fête des Roses n'était pas ellemême sans rapport avec la religion locale et primitive de cette partie de la Thrace. Les habitants de la plaine de Philippes cultivaient dans leurs

(4) Hérodote, V. 4 et 8.

(2) Xénophon, Helléniques, III, 2, 5.

jardins des roses à cent feuilles qui étaient renommées dans l'antiquité. Théophraste, qui écrit à une époque où la colonie macédonienne était éta blie depuis peu au milieu des tribus thraces, nous apprend un fait curieux au sujet de ces roses : c'est que les Philippiens en tiraient l'espèce du mont Pangée, de la montagne sainte, qui était comme l'Olympe du Bacchus thrace : ἔνια γὰρ εἶναι φασιν ἃ καὶ καλοῦσιν ἑκατοντάφυλλα πλεῖστα δὲ τὰ τοιαῦτά ἐστι περὶ Φιλίππους· οὗτοι γὰρ λαμβάνοντες ἐκ τοῦ Παγγαίου φυτεύουσιν· Exet yàp yivεtai лoλλά (1). Pline a noté avec soin ce détail : « Quam centifoliam vocant, quæ est in Campania Italiæ, Græciæ vero circa Philippos, sed ibi non suæ terræ proventu: Pangaus mons in vicino fert, numerosis foliis ac parvis, unde accolo transferentes conserunt ipsaque plantatione proficiunt (2). » Mais une fleur double est ordinairement le résultat d'une culture savante: il est bien probable que ces roses à cent feuilles ne s'étaient pas produites naturellement sur les pentes sauvages de la montagne; elles avaient dû y être propagées à une époque antérieure. Je ferai remarquer à cette occasion qu'il y avait dans la même zone un autre canton montagneux, renommé par ses roses doubles : c'était le mont Bermios, près de Berrhée en Macédoine, la montagne sainte des Bryges, ces frères européens des Phrygiens d'Asie. Là se trouvaient les jardins sacrés de Midas, dont les roses à soixante feuilles passaient pour une merveille : πέλας τῶν κήπων τῶν λεγομένων εἶναι Μίδεω τοῦ Γορδίεω, ἐν τοῖσι φύεται αὐτό ματα ῥόδα, ἓν ἕκαστον ἔχον ἑξήκοντα φύλλα (3). Le nombre 60, comme le nombre 100, ne désigne évidemment en pareil cas que la multiplicité indéfinie des pétales de la fleur; seulement la quantité illimitée paraît indiquée ici selon le système babylonien de la division de l'unité en 60 parties, ce qui suffirait peut-être pour marquer l'origine orientale de la légende des Bryges. Cette supposition est du reste confirmée par un passage du poëte didactique Nicandre, qui nous montre le roi Midas émigrant d'Asie en Europe, et apportant ces roses d'un pays appelé Odonie; quelques-uns ont voulu y voir l'Edonie, le canton de la Thrace où se trouvent justement le Pangée et la ville de Philippes.

Πρῶτα μὲν Ὠδονίηθε Μίδης, ἅπερ Ασίδος ἀρχὴν
Λείπων, ἐν κλήροισιν ἀνέτρεφεν Ημαθίοισιν
Αἰὲν ἐς ἑξήκοντα πέριξ κομόωντα πετήλοις (4).

Je croirais volontiers que les roses du Pangée étaient de même consacrées au Bacchus thrace, qui a tant de rapports avec le Midas phrygien et qu'elles avaient été cultivées originairement dans les jardins sacrés qui devaient entourer le fameux sanctuaire prophétique des Besses dans cette montagne (5). La culture de la rose double passa sans doute, comme

(1) Théophraste, Historia plantarum, VI, 6.

(2) Pline, Histoire naturelle, XXI, 40.

(3) Hérodote, VIII, 38.

(4) Nicandre, dans Athénée, p. 683.

(5) M. F. Lenormant m'indique à ce propos la présence de la rose sur les monnaies macédoniennes qui portent la légende TPAIAION et qui sont attribuées à la ville de Tragilos. Or, Tragilos est ordinairement confondu avec la station de Triulo de la carte de Peutinger, située à dix milles de Philippi, sur une route qui, partant de cette ville, conduisait dans la vallée moyenne du Strymon et passait au sud de Drabescos.

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