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celle de la vigne, de l'Asie en Europe, par la Thrace et la Macédoine, et cette transmission eut pareillement un caractère religieux qui associa la fleur merveilleuse au culte des dieux du pays.

En poussant jusqu'au bout cette hypothèse, je ne me dissimule pas la fragilité des raisons sur lesquelles elle repose. Mais les détails en apparence les plus futiles, lorsqu'ils offrent entre eux quelque concordance, peuvent donner des indications précieuses dans les causes les plus graves. D'ailleurs, j'ai voulu seulement montrer, sur la foi de nos inscriptions, que certains rites funéraires, que nous trouvons, à l'époque romaine, répandus un peu partout dans l'empire, avaient un rapport particulièrement étroit avec la religion du Bacchus thrace et qu'ils se retrouvent en Thrace comme dans leur patrie primitive.

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Les mêmes inscriptions nous donnent aussi quelques renseignements sur la condition des habitants d'origine thrace, à l'époque romaine. Le monument de Bithus et de ses enfants, qui est évidemment le tombeau d'un chef de quelque importance et qui rivalise avec les plus beaux sarcophages romains de la plaine, montre que la population indigène comptait encore dans son sein des familles opulentes et non pas uniquement des gens d'une condition médiocre, comme l'auraient pu faire supposer les grossières épitaphes de Proussotchani et de Tchaltadja. Les Thraces, dans leurs inscriptions, ne se servent pas de leur langue, qu'ils ne paraissent jamais avoir eu l'usage d'écrire ils emploient le latin, quelquefois le grec. Pour les noms propres, ils ont adopté les habitudes helléniques, ou plutôt leur coutume nationale est sur ce point conforme aux usages de la Grèce le fils fait suivre son nom de celui de son père et le petit-fils reprend volontiers le nom de son aïeul. Quelques personnages portent, en outre, avec leur nom thrace, un nom romain, comme Macer, Rufus. Ce surnom peut s'expliquer de deux manières: ou c'est un sobriquet, sous lequel ils sont connus des Romains au milieu desquels ils vivent, ou bien, ce qui serait beaucoup plus curieux, c'est la traduction latiné de leur nom thrace; malheureusement les éléments de comparaison manquent pour décider la question. De toute manière, cette concession faite à la population conquérante est beaucoup moins grave que ne le serait l'emploi du gentilitium romain. On peut donc en inférer que ces Thraces, malgré la position élevée qu'ils devaient occuper parmi leurs compatriotes, n'étaient pas citoyens romains, et qu'ils étaient restés jusqu'à un certain point fidèles à leur nationalité. Le fait est d'autant plus curieux que l'inscription doit être postérieure au premier siècle de l'empire, si l'on en juge par les quelques caractères liés qu'on y rencontre et par le type allongé de l'écriture. Il semble en outre que les Thraces avaient l'habitude d'ajouter à leur nom celui de la bourgade où ils étaient nés : du moins, je ne puis expliquer autrement le mot Scaporenus, dans l'inscription de Proussotchani, et le mot 'Oxpivos, dans celle de Tchaltadja; il est naturel d'y voir deux ethniques, qui nous révèlent l'existence des villages thraces de Scapora et d'Okhra. Si cet usage était confirmé par d'autres monuments, il pourrait être d'un grand secours pour reconstruire l'ancienne géographie du pays.

Il nous reste à faire la liste exacte et raisonnée des noms propres contenus dans nos inscriptions, pour en grossir le vocabulaire, encore si restreint, de la langue thrace. Une observation générale se présente tout d'abord à l'esprit : on voit que ces noms étaient de véritables qualificatifs, qui devaient avoir un sens déterminé; car ils se combinaient entre eux pour former des noms composés. Ainsi Bithicenthus est évidemment un dérivé de Bithus, nom très-commun en Thrace, comme Zipacen

thus de Zipa, que je crois lire sous la forme simple dans l'inscription de Proussotchani; ils sont composés l'un et l'autre avec la terminaison centhus qui rappelle le nom propre Cintis de la même stèle.

Examinons maintenant un à un ces noms barbares. Je suis loin de posséder la compétence nécessaire pour rechercher les racines analogues dans les idiomes indo-germaniques qui devaient se rapprocher le plus de l'ancien Thrace; peut-être même le nombre de ces mots n'est-il pas encore assez grand pour que l'on puisse entreprendre avec fruit une pareille étude. Mais il n'est pas inutile, dès aujourd'hui, de les rapprocher, par un travail préparatoire, des noms de même forme que peuvent fournir l'histoire ou la géographie de ces contrées : c'est ce que je me contenterai

de faire.

Bithus, écrit parfois Bitis et sur la stèle grecque de Tchaltadja Belous, est, comme je viens de le dire, un des noms le plus communément portés par les Thraces. Tite-Live appelle ainsi un jeune prince, fils du roi Cotys, gardé successivement comme otage par Persée et par les Romains. Les traditions mentionnaient aussi un héros Bithys, fils du dieu Mars et de Sété, fille du roi thrace Rhésos (1). La peuplade des Bithyo, la rivière Bithyas, la ville de Bithyopolis, et avant tout la grande tribu thrace des Bithynes ou Bithyniens, établie en Asie, se rattachent évidemment à la même racine. Je ne reviens pas sur le composé Bithicenthus. Dans le nom de Bithocus, donné au soldat par lequel s'est fait tuer Mithridate, nous trouvons encore le même radical, associé avec une terminaison qui figure déjà dans les noms des rois odryses Sadocos, Amadocos (2).

Byzos rappelle un nom géographique célèbre, celui de la ville de Byzance, el montre qu'il est bien d'origine thrace, malgré la légende grecque du héros Byzos, enfanté sur les rivages de la Corne d'Or par la nymphe Kéroessa et nourri par la nymphe Byzia (3).

Cerzula, si l'on rétablit la prononciation du C dur, n'est pas sans rapport avec la racine Kerso, que l'on trouve à la fois dans le nom du roi odryse Kersobleptės (4), et dans celui des divinités cabiriques de Samothrace Axiokersos et Axiokersa: la terminaison, que nous retrouverons tout à l'heure dans Polula, est analogue à la flexion du diminutif dans certaines langues, en latin par exemple et en grec moderne.

A propos de Cinthis, je ferai seulement observer qu'il se lit sur une inscription très-effacée et qu'il pourrait très-bien y être écrit par un e et par un th, ce qui le rapprocherait encore davantage de la terminaison centhus, mentionnée plus haut.

Dioscuthes, terminé comme le nom du roi odryse Miltocythes (5), fait penser tout d'abord aux mots grecs composés avec le nom de Zeus. Mais une racine de même forme existait aussi dans le Thrace. Pour le prouver, il suffit de nommer deux peuplades de la région qui nous occupe: les Atot de Thucydide et les Diobessi de Pline qui semblent avoir ajouté le premier nom à celui des Besses d'Hérodote.

Polula est analogue à Pollės, que l'on trouve dans Thucydide, comme

(1) Tite-Live, XLV, 42. Etienne de Byzance, in Blovat.

(2) Tite-Live, Epitome, CII. - Thucydide, II, 29, 67. - Démosthènes, Contra Aristocratem, 8.

(3) Hésychius de Milet, Fragm. hist. græc. de Didot, IV, 148.

(4) Démosthènes, 1. c.

(5) Démosthènes, Contra Aristocratem, 169. Cf., ibid. Smicytnion et Smicythes De falsa legatione, 194.

le nom d'un roi des Odomantes (1): et à Poltys, nom du fondateur thrace de la ville de Poltymbria. La terminaison est semblable à celle des diminutifs latins; nous l'avons déjà rencontrée dans Cerzula.

Il n'est pas jusqu'à Sabinus, qui, sous une forme toute latine, ne puisse, à la rigueur, représenter un mot thraco-phrygien de la même famille que σαβός prétre et Σαβάζιος.

Tarsas ne peut se comparer qu'au nom d'une rivière de la Mysie, le Tarsios (2).

Je ne connais rien d'analogue à Tauzies. Pour ce nom, on se contentera de remarquer qu'il ne peut faire au génitif Tauzigis, selon les règles ordinaires de la déclinaison latine. Si j'ai bien lu, il faut supposer que l'ouvrier ayant à écrire TAVZIXS, a mis un E pour un X. De même, sur certaines monnaies gauloises, on lit VERCINGETORIXS, et dans une inscription de Samothrace ALEXSANDER (3). Ce n'est qu'une simple variante orthographique dans laquelle le son x se trouve représenté par deux lettres, comine dans l'ancien alphabet athénien, le signe X n'étant originairement que le x grec, valeur qui explique la place de cette lettre dans l'alphabet romain et peut-être même le son qu'elle a conservé dans une des langues néo-latines, en espagnol.

Vient enfin Zipa, que nous trouvons à la fois, sous la forme composée Zipacenthus, dans la grande inscription de Reussilova, et probablement aussi, sous sa forme simple, dans l'inscription, malheureusement un peu confuse de Proussotchani. Le même radical entre dans Zipoitės, écrit parfois Ziboitės, nom d'un roi de Bithynie, et se retrouve par conséquent dans Zibelmios, qui est aussi le nom d'un roi thrace (4). Cette racine présente ceci de très-intéressant, qu'elle est la seule, qui se rapporte à l'un des rares mots thraces de signification connue, conservés par les anciens et catalogués par Boetticher dans ses Arica. Hésychius cite en effet le mot Zißu.Sides, comme ayant, chez les Thraces, un sens analogue au grec votos et comme désignant plus particulièrement les femmes de naissance libre et légitime : Ζιβυθίδες· αἱ Θρᾷσσαι ἢ Θρᾷκες γνήσιοι (5). On remarquera que c'est un mot hybride, à terminaison grecque féminine, recueilli probablement comme beaucoup de mots des lexiques, dans le vocabulaire de la comédie athénienne (6). Je me figure qu'un auteur comique avait mis en scène des femmes thraces, peut-être des femmes d'Athènes d'origine thrace, comme il s'en était introduit quelques-unes, même dans les plus nobles familles, à la suite du grand mouvement de colonisation de la Thrace et que ces femmes se vantaient plaisamment sur la scène de leur noblesse et de la pureté de leur sang, en habillant à la grecque le terme barbare usité dans leur pays. Quoi qu'il en soit de cette supposition, il est curieux de retrouver parmi nos inscriptions, dans l'épitaphe grecque d'une famille thrace, déchiffrée à Tchaltadja, le mot yvotot employé comme une qualification réclamée par des fils pour leurs parents : πατρὶ καὶ μητρί... γνησίοις. On peut

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(1) Thucydide, V, 6.

(2) Strabon, XIII, 587.

(3) Conze, Reise auf den Inseln des Thrakischen Meeres, p. 64.

(4) Memnon, dans les Fragment. hist. græc. de Didot, vol. III, p. 532. Diodore de Sicile, XIX, 60 et XXXIV, 24.

(5) Le manuscrit d'Hésychius donne Zißu,Sides, avec lacune d'une lettre, ce qui a fait restituer Ζιβυνθίδες.

(6) Il y avait une célèbre comédie de Cratinos, intitulée aí Opatta,

en induire que ces yvotot, mentionnés par la stèle de Tchaltadja, formaient en Thrace une classe privilégiée, jouissant seule de certains droits, comme cela était naturel dans un pays toujours soumis au régime primitif du clan et de la tribu. La distinction était d'autant plus importante, que, par suite de l'usage barbare où étaient les Thraces de vendre leurs enfants et de laisser leurs filles vivre, avant le mariage, dans une licence absolue, il devait exister chez eux toute une population de sang mélangé et née en dehors de la famille. C'est un renseignement de plus sur la condition des personnes en Thrace, que nous devons à nos inscriptions. On comprend dès lors que le mot de Zipa, qui devait avoir un sens analogue à celui de noble où de pur, soit entré naturellement dans la composition des noms propres.

Je n'ai pu faire que l'inventaire des noms thraces contenus dans les inscriptions de Reussilova, de Proussotchani, de Kadrin-Kupruçu et de Tchaltadja. Mais les découvertes que nous réserve encore l'étude comparée des langues peuvent donner un jour une véritable valeur à ces éléments épars et les faire servir à la solution de l'une des questions les plus graves de l'ethnographie antique. >>

M. EGGER reprend la lecture interrompue du mémoire de M. Zündel, professeur à Zürich, intitulé: « Un meurtrier de César en Suisse. »

M. RENIER, à l'occasion des Julius d'Avenches, fait observer qu'ils devaient sans doute ce nom à Auguste.

L'Académie se forme en comité secret.

Séance du vendredi 10.

PRÉSIDENCE DE M. RENIER.

Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.

Il n'y a pas de correspondance officielle.

M. LITTRÉ, au nom de la Commission du prix Volney, fait le rapport suivant, sur les résultats du concours en 1868.

La Commission du prix Volney a examiné les ouvrages classés sous les douze numéros suivants et reconnus admissibles au concours; un treizième a été écarté par la date de sa publication.

1° Gesammelte Abhandlungen (1 vol. in-8°, 1866) et Beiträge zur Baktrischen Lexikographie (1 vol. in-8°, 1868), par M. Paul de Lagarde. 2o Du langage. Essai sur la nature et l'étude des mots et des langues (4 vol. in-8°, Paris et Leipzig, 1867), par M. Albert Terrien Poncel.

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3° Langue musicale universelle inventée par Fr. Sudre (4 vol. in-12, 4867).

4° Origines du patois de la Tarentaise (ancienne Kentronie), par M. l'abbé G. Pont (ms.).

5° Wörterbuch der indogermanischen Grundsprache in ihrem Bestande vor der Völkertrennung (1 vol. in-8°, 1868), par M. T. C. Auguste Fick.

6° Choix d'expressions latines avec notes explicatives pour l'intelligence des auteurs latins (1 vol. in-8°, 1867), par M. H. Battifol.

70 Grammatik der altbaktrischen Sprache nebst einem Anhange über den Gathadialekt (1 vol. in-8°, 1867), par M. Fr. Spiegel.

8o The functions of si and qui with special reference to german theories.

The true theory of the subjunctive or the logic of the latin language.

The true theory of the greek negative Mh. The subjunctive of the Greeks and Latins (4 vol. in-8°, 1862-67), par M. Gavin Hamilton.

9o Abrégé de grammaire annamite (1 vol. in-8°, 1867), par P. J. B. Truong-Vinh-Ky.

10° Exposé des éléments de la grammaire assyrienne (1 vol. in-8°, 1868), par M. Ménant.

11o Histoire naturelle du langage. — Physiologie du langage phonétique. - Physiologie du langage graphique (1868), 2 vol. in-12), par M. Ad. Dassier.

12° De pluralium linguæ arabicæ et æthiopica formarum omnis generis origine et indole commentatio, etc. (1867, br. in-8°). Essai sur les formes des pluriels arabes (1867, br. in-8°). Quelques observations sur l'antiquité de la déclinaison dans les langues sémitiques (br. in-8°, 1868), par M. Hartwig Derenbourg.

L'ouvrage intitulé: Eléments de philologie ou Histoire comparée des langues, par M. J. Simonet (1866, in-32), n'a point été examiné.

A l'unanimité, la Commission a décerné le prix à la Grammaire de l'ancienne langue bactrienne, par M. Spiegel. »

Ces conclusions sont adoptées par l'Académie.

Le prix sera décerné dans la séance publique annuelle de l'Institut, le 14 août prochain.

L'ordre du jour appelle la nomination de deux membres chargés de vérifier les comptes de l'Académie pour l'exercice de 1867.

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