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tour-à-tour dans des camps opposés, et que les impatiences et les colères de sa vieillesse aient démenti les convictions de toute sa vie.

Comment expliquer maintenant que Mathieu Paris, un contemporain de Robert Grosse-Tête, ait donné place dans son histoire à des faits controuvés, relatifs à un prélat qu'il avait connu, et dont il ne pouvait ignorer ni les sentiments, ni les actes? Quelles que soient les préventions de l'historien, quelque partialité haineuse qu'il témoigne contre la cour de Rome, il est difficile de penser que, fût-ce pour nuire au pape, il eût osé mentir de propos délibéré et propager impudemment des fables dont il aurait été le premier auteur. Dirons-nous que ces fables sont des interpolations qui datent de la fin du treizième siècle et qui sont l'œuvre des continuateurs de Mathieu Paris? Cette conjecture n'aurait rien d'improbable si le British Museum ne possédait pas un exemplaire de l'Historia minor, écrit de la main même de l'auteur, et dans lequel sont reproduits, à peu près textuellement, la plupart des récits de l'Historia major. Mais l'existence même de cet exemplaire autographe ne suffit-elle pas pour écarter tout soupçon d'interpolation? Remarquons cependant que la partie de l'ouvrage que Mathieu Paris passe pour avoir lui-même transcrite s'arrête à l'année 1252, et qu'à dater du commencement de 1253 une autre main paraît avoir tenu la plume; de sorte que cette dernière partie, qui contient précisément les passages relatifs à Robert de Lincoln, n'a pas la même autorité que les précédentes. Remarquons aussi que la violente diatribe contre la cour de Rome, que l'Historia major attribue à Robert de Lincoln mourant, ne se retrouve pas dans l'Historia minor, soit que dans l'Historia major elle ait été ajoutée au texte original par l'infidélité de quelque copiste, soit que Mathieu Paris, après l'avoir admise d'abord, l'ait ensuite rejetée lui-même comme apocryphe. Quoi qu'il en soit, quand nous considérons les faits controuvés relatifs à Robert GrosseTête que retrace l'Historia major et même l'Historia minor, ce qui nous paraît le plus probable, c'est que le moine de Saint-Albans, implacable adversaire de la papauté, toujours prêt, en dépit de l'habit qu'il portait, à dénoncer la tyrannie et les abus de la cour de Rome, se sera rendu, sans le vouloir, le complice d'une fraude; c'est que, abusé par d'injustes préventions, il aura trop légèrement accueilli des anecdotes suspectes qui flattaient ses rancunes, et des documents supposés que les ennemis du Saint-Siége faisaient courir sous le nom de l'évêque de Lincoln.

Dans plusieurs manuscrits sans doute, aussi bien que dans l'Historia major, la lettre au pape Innocent IV est attribuée à Robert Grosse-Tête ; mais nous ne croyons pas être accusé de témérité, en conjecturant que le copiste, sinon le rédacteur lui-même, de cette pièce apocryphe, l'aura placée sous un nom vénéré pour donner plus d'autorité aux plaintes qu'elle exprime. Nous en dirons autant du prétendu mémoire adressé au souverain Pontife en 1250, et de la lettre écrite à la noblesse d'Angleterre et aux bourgeois de Londres. On sait que ces fausses attributions n'étaient pas rares au moyen-âge; elles avaient lieu d'autant plus facilement qu'elles s'adressaient à des esprits crédules, et échappaient au contrôle de ceux qui auraient pu les rectifier. Une fois en circulation, elles acquéraient peu à peu la valeur d'une tradition à peine contestable. C'est ainsi, à notre avis, que les vertus épiscopales de l'évêque de Lincoln ont servi de thème à des récits sans vérité et à des lettres supposées, dans lesquelles la noble fermeté du prélat se trouve transformée en une résistance ouverte et presque factieuse au Saint-Siége. De là est née une tradition fausse qui date du moyen-âge, que les disciples de Wiclef ont dû recueillir et propager, et dont l'expression la plus complète fut au sei

zième siècle un poëme sur Robert Grosse-Tête qui a été publié par Wharton. Au reste, il n'est pas facile en général de remonter à la source des erreurs historiques les mieux démontrées, ni de découvrir où elles ont pris naissance et comment elles se sont répandues. Un point demeure constant, c'est que les écrits contre la cour de Rome, attribués à Robert Grosse-Tête, aussi bien que les faits correspondants racontés dans l'Historia major et dans l'Historia minor sont en contradiction manifeste avec les opinions qui se font jour à chaque page de la correspondance authentique de l'évêque de Lincoln. La critique est donc en droit de rejeter ces écrits comme apocryphes, ces faits comme controuvés, dût l'autorité historique des deux ouvrages de Mathieu Paris en souffrir quelque peu. Tel était le seul point que nous nous fussions proposé d'établir dans les pages qui pré

cèdent.

On passe à la présentation des livres.

L'Académie reçoit les ouvrages dont les titres suivent:

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1° Grammatik der altbaktrischen Sprache nebst einem Anhange über den Gathadialekt von Fried. Spiegel (Leipzig, 1867, 4 vol. in-80). Cet ouvrage est destiné par l'auteur au concours Volney de 1868.

2o Histoire romaine de Dion Cassius traduite en français par E. Gros, ouvrage continué par M. V. Boissée: t. IX (Paris 1867 in-8°) offert, de la part du traducteur, par M. EGGER.

3o Les Origines étrangères dans la première religion des Romains, par M. F. Robiou (br. in-8°).

4o Journal asiatique: août 1867.

5o Annales de philosophie chrétienne: novembre 1867.

6o Revue archéologique: janvier 1868.

M. RENIER présente à l'Académie, au nom de M. G. Henzen, correspondant à Rome, un mémoire Sur les fragments des Actes des frères Arvales récemment découverts. « L'Académie sait, ditil, combien de renseignements importants pour l'histoire de l'empire romain ont été fournis par les monuments des frères Arvales, publiés par Marini. Il y avait lieu d'espérer que cette collection si précieuse s'augmenterait et se compléterait successivement par des découvertes ultérieures. Mais jusque dans ces derniers temps cet espoir ne s'était pas réalisé. C'est qu'on avait perdu le souvenir du lieu où avaient été faites les premières découvertes, et que Marini, dont la science et la sagacité s'étaient ici trouvées en défaut, avait placé ce lieu, qui n'était autre que le lucus Deae Diae, sur la via Ostiensis, à quelques milles de Rome.

« Depuis, notre savant confrère, M. DE ROSSI, a découvert dans la

riche collection de Mss. relatifs aux antiquités de Rome, que l'on conserve à la bibliothèque du Vatican, l'indication exacte du lieu où avaient été trouvés, à la fin du XVIe siècle, les premiers actes des frères Arvales (1). Ce lieu est situé de l'autre côté du Tibre, sur la via Portuensis, à 5 milles de Rome. C'est aujourd'hui la vigna Ceccarelli.

>> Quelques fouilles pratiquées dans cette vigne, en 1865, ont amené, en effet, la découverte des ruines du temple de la déesse Dia, et un magnifique fragment des Actes du collége des frères Arvales, se rapportant au règne de Néron, et que M. DE ROSSI a publié dans son Bulletin d'archéologie chrétienne (n° de juillet et août 1866).

>> De nouvelles fouilles y ont été entreprises l'année dernière par les soins de l'Institut de Correspondance archéologique de Rome, et sous la direction de M. Pietro Rosa. Commencées au moyen de cotisations de la Société archéologique de Berlin, elles ont pu être continuées pendant une grande partie de l'année, grâce à la libéralité de S. M. la reine de Prusse, et ont produit, outre une grande table, comparable par son importance à celle qui avait été découverte l'année précédente, un très-grand nombre de fragments moins considérables, mais qui ont aussi leur importance et comblent beaucoup de lacunes dans la série publiée par Marini. >> Ce sont ces nouveaux fragments qui forment le sujet du mémoire publié par M. Henzen. Il n'est pas nécessaire d'ajouter qu'en les restituant autant que possible et en faisant ressortir les nouveaux renseignements historiques qu'ils contiennent, il a donné une preuve de plus de sa sagacité et de sa connaissance approfondie de l'histoire et des antiquités romaines.

» L'Académie apprendra avec intérêt, dit en terminant M. LE PRÉSIDENT, que ces fouilles du lucus Deae Diae sont la dernière entreprise archéologique à laquelle se soit intéressé notre illustre et regretté confrère M. LE DUC DE LUYNES. Frappé de l'importance des résultats qu'elles avaient déjà produits, il avait projeté de les faire continuer à ses frais cette année. Sa mort si regrettable est

(1) Voir les Annales de l'Inst. de Corresp. arch. 1858, p. 58 et suiv.

venue empêcher l'exécution de ce projet, qui eût ajouté encore à la somme déjà si considérable des services rendus par lui à la science. >>

M. LE PRÉSIDENT présente ensuite, au nom De M. Ch. de Vigneral, capitaine d'état-major attaché au service topographique en Algérie, un ouvrage intitulé: Ruines romaines de l'Algérie, subdivision de Bône, cercle de Guelma (1 vol. de 107 pp., accompagné d'une carte du cercle de Guelma et d'un grand nombre de planches lithographiées). «C'est une description très-détaillée, trèsconsciencieuse et très-exacte de toutes les ruines romaines existant dans le cercle de Guelma. L'auteur y a ajouté des plans des ruines les plus considérables et des dessins des monuments qui lui ont paru les plus intéressants. Il continue ce travail et nous promet, dans un avenir prochain, une description semblable de toutes les ruines romaines de la subdivision de Bône. Cette subdivision et celle de Guelma sont au nombre des plus riches de l'Algérie en antiquités romaines. M. De Vigneral, en en publiant la description archéologique, aura rendu à la science un service. qui mérite d'être signalé. »

L'Académie se forme en comité secret.

La séance étant redevenue publique, M. LE PRÉSIDENT fait part à l'Académie d'une lettre qu'il a reçue de M. ALEXANDRE, laquelle contient une inscription venue d'Algérie et datant de l'an 75 de notre ère, Titus et Domitien étant consuls pour la quatrième fois.

Séance du vendredi 24.

PRÉSIDENCE DE M. RÉNIER.

M. LE PRÉSIDENT informe l'Académie que M. le Secrétaire perpétuel, un peu souffrant, ne peut se rendre à la séance et qu'il a chargé M. WALLON de le remplacer au bureau.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et la rédaction en est adoptée.

M. LE PRÉSIDENT rappelle à l'Académie qu'un mois s'est écoulé depuis la notification de la mort de M. LE DUC DE LUYNES, et il

l'invite à déclarer s'il y a lieu ou non de procéder à son remplace

ment. L'Académie décide au scrutin qu'il y a lieu de procéder à son remplacement. Elle fixe à la séance prochaine la discussion des titres des candidats.

M. Leroux de Lincy écrit à l'Académie pour solliciter de ses suffrages la place vacante par suite du décès de M. LE DUC DE LUYNES. Le nom de M. Leroux de Lincy sera inscrit sur la liste des candidats.

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M. LE SECRÉTAIRE INTÉRIMAIRE donne lecture d'une lettre de M. le Dr Pauli, qui transmet à l'Académie les empreintes d'inscriptions arabes d'un pot en cuivre, ayant appartenu au sultan Malek Dhaher Bibars, et d'une amulette rapportée par lui d'Asie-Mineure. Les inscriptions arabes n'ont pu être lues qu'en partie par les savants orientalistes d'Allemagne auxquels M. le Dr Pauli s'est adressé, et quatre lettres seulement de l'amulette ont été déchiffrées. C'est sur l'avis de M. FLEISCHER, associé étranger de l'Académie, que M. le Dr Pauli s'adresse à elle pour en obtenir, s'il est possible, une lecture complète. Les lettres et les em-. preintes sont communiquées à MM. DE SLANE et DE LONGPÉRIER.

M. LE BLANT commence la première lecture d'un mémoire intitulé: « Recherches sur la cohorte mentionnée par les Evangélistes dans la Passion de J.-C. »

M. le Ministre de l'Instruction publique écrit à l'Académie pour lui transmettre, au nom de l'auteur, M. Boot d'Amsterdam, une édition critique des Lettres de Cicéron à Atticus (2 vol. in-8°). Il sera écrit à M. le Ministre pour lui accuser réception de cet envoi, et à M. Boot pour le remercier du don de son ouvrage.

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M. Paul de Lagarde adresse à l'Académie, pour le concours du prix Volney, un volume intitulé «Beiträge zur Baktrischen Lexicographie » (Leipzig, 1868, 1 vol. in-8°). Renvoi à la commission du concours

de 1868.

.M. le SECRÉTAIRE INTÉRIMAIRE présente à l'Académie le tome XXVI, 1re partie, de ses Mémoires. Une planche qui manque, et dont le tirage va se faire, en retardera pour quelques jours la distribution.

M. DELISLE fait hommage à l'Académie de sa Notice sur le Cartulaire

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