Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

œuvre, ont conduit l'auteur à de nombreux renvois et l'ont forcé de traiter plus d'une fois le même sujet dans des chapitres différents, ou bien des sujets divers dans un seul et même chapitre. Le Mobilier ecclésiastique, par exemple, qui forme un chapitre spécial, n'offre, en quelque sorte, que le résumé des nombreux produits artistiques et industriels dont il se compose et qui sont décrits dans autant de chapitres distincts. Mais cette confusion, plus apparente que réelle, et que fait disparaître l'usage d'une table méthodique et très-détaillée, était sans doute inévitable, car il paraîtrait bien difficile de substituer un plan plus logique à celui qu'a suivi M. J. Labarte, tant les industries si diverses dont il a écrit l'histoire ont entre elles d'éléments communs et d'intime connexité.

Si l'on peut regretter, en un petit nombre de points, quelque embarras dans le classement des matières, il n'y en a pas trace dans les doctrines. La clarté est une des qualités dominantes de M. J. Labarte. Ses descriptions sont d'une précision, d'une exactitude où l'on reconnaît l'homme qui a passé sa vie à étudier les objets dont il parle. Ses idées sont également très-précises et ses opinions très-arrêtées. On pourrait même dire que, sur quelques points, elles le sont peut-être trop et ne lui laissent pas, une fois sa conviction faite, l'impartialité suffisante pour peser froidement les objections qui ont pu lui ètre adressées sur certaines questions d'origine, ou d'interprétation d'anciens textes.

Il est une question délicate sur laquelle l'Académie n'a peut-être pas oublié la divergence d'opinions qui s'était manifestée, il y a peu d'années, entre quelques-uns de ses membres des plus versés dans la connaissance des arts au moyen âge et M. J. Labarte, à l'occasion d'un autre de ses ouvrages qui obtint une médaille au concours de 1857. M. J. Labarte attribuait au mot Electrum des textes de l'antiquité le sens d'émail, et, rencontrant souvent ce mot chez les auteurs grecs et latins, il y trouvait la preuve, incontestable selon lui, que les anciens connaissaient et pratiquaient l'art de l'émaillerie; il en tirait cette conséquence, que, puisque l'émail s'appelait Electrum, l'objet décrit sous ce nom était nécessairement de l'émail. Les motifs longuement développés par M. J. Labarte, dont la conviction s'est cependant un peu modifiée, puisqu'il reconnaît que le mot Electrum des textes s'applique tout à la fois à l'émail et à un métal d'alliage artificiel, n'ont point réussi à persuader ses savants contradicteurs, qui persistent dans leur opinion, tout en admettant l'existence de l'émail dans l'antiquité. Membres de la Commission, ils ont demandé que cette seule réserve tempérât un peu les éloges qu'ils ont exprimés les premiers.

Ces légères critiques de détail, montrant à peine de faibles taches dans une si vaste composition, ne peuvent diminuer en aucune façon la valeur d'un ouvrage qui témoigne de l'amour le plus sincère, le plus désintéressé de la science, et des recherches les plus consciencieuses et les plus variées.

L'Histoire des arts industriels renferme, comme nous l'avons vu, plusieurs traités spéciaux qui auraient pu prétendre, chacun isolément et très-légitimement, à l'un des prix décernés par l'Académie; leur réunion donne à l'ensemble de l'ouvrage un mérite plus grand et plus réel, malgré les disparates remarquées dans quelques parties et que l'auteur effacera sans doute un jour, avec cette persévérance scientifique que l'âge ne refroidit point et dont il a donné tant de preuves, quand il lui eût été si facile de goûter les loisirs d'une vie sans travail obligé.

Votre Commission, reconnaissant la supériorité incontestable de l'ouvrage de M. J. Labarte sur tous ceux qui ont été présentés au concours,

est heureuse de lui décerner unanimement, au nom de l'Académie, la première médaille.

DEUXIÈME MÉDAILLE. - C'est à un ouvrage d'un caractère très-différent que votre Commission attribue la seconde médaille du concours. Quoique d'une bien moins grande importance que l'Histoire des arts industriels, les Annales du diocèse de Soissons, par M. l'abbé Pécheur, curé de Fontenoy, ne témoignent pas d'un moindre dévouement, d'une moindre persévérance dans la recherche de la vérité historique. Le théâtre géographique qu'elles embrassent, quoique bien moins vaste, n'en représente pas moins une portion importante des grandes divisions territoriales de la France. Ces recherches remontent jusqu'aux temps les plus anciens et comprennent toute la durée du moyen âge; elles retracent les événements accomplis dans une contrée ecclésiastique et politique, où les plus grands noms de notre histoire ont figuré, depuis son origine, dans des circonstances remarquables dont le souvenir a été conservé par de nombreuses chroniques et d'autres documents originaux.

Des deux volumes des Annales du diocèse de Soissons que la Commission avait à apprécier dans le concours de cette année, le premier avait déjà été présenté au concours de 1864, où il fut l'objet d'un rapport favorable et indiqué comme étant digne d'être recommandé à l'attention des commissaires futurs. Le nouveau volume, adressé pour le concours de 1868, a paru répondre aux espérances que le premier avait fait concevoir. Le plan très-méthodique que l'auteur a continué de suivre, les recherches consciencieuses et le plus généralement approfondies auxquelles il s'est livré, en se maintenant, autant que possible, dans les limites de son sujet et du territoire qu'il embrasse, ont paru à la Commission présenter des titres à une de ses récompenses les plus élevées. L'ouvrage n'est point encore complet, il est vrai, puisqu'il ne comprend que les périodes gauloise, romaine, mérovingienne, carlovingienne, et que, pour les temps postérieurs, il n'est parvenu qu'à la fin du XIIe siècle. Mais les époques étudiées par M. l'abbé Pécheur étaient les plus obscures, celles qui rentrent le plus directement dans la voie et dans les sujets de recherches historiques que l'Académie recommande et encourage particulièrement. Ces deux volumes suffisent, d'ailleurs, pour apprécier la méthode suivie par leur auteur; et les sources qu'il a eu à consulter sont assez nombreuses pour qu'on puisse juger du parti qu'il a su en tirer.

M. l'abbé Pécheur, déjà connu par une bonne histoire de ChâteauThierry, n'a rien négligé pour donner à son nouvel ouvrage les développements dont était susceptible ce travail de plus grande portée. Il a mis en œuvre toutes les sources historiques dont il pouvait disposer; il a consulté toutes les histoires imprimées concernant, soit l'ensemble de la province du Soissonnais et du diocèse de Soissons, soit les églises, les abbayes et les localités particulières, toutes les annales et chroniques monastiques, les vies de saints, d'évêques, d'abbés ou de personnages civils, quand leurs relations avec l'histoire diocésaine étaient intimes et directes; tous les actes des conciles, synodes et assemblées politiques, sans négliger d'autres documents imprimés dans lesquels le Soissonnais a joué quelque rôle, même obscur et peu important. Il a aussi mis à profit plusieurs histoires manuscrites rédigées, et plusieurs collections de documents formés pendant les XVIIe et XVIIIe siècles, spécialement la grande collection de Dom Grenier et plusieurs autres collections de manuscrits de la Bibliothèque impériale, ainsi que de nombreuses archives et bibliothèques locales. Il a surtout consulté pour son second volume plusieurs cartulaires encore inédits. Ses citations parais

sent généralement faites de première main; et quand elles sont reproduites d'après des auteurs plus modernes, M. l'abbé Pécheur a, le plus ordinairement, soin de l'indiquer, quoiqu'on pût désirer à cet égard une plus grande précision. Sans doute, le nombre des documents imprimés qu'il a employés l'emporte beaucoup sur celui des documents manuscrits. Il était difficile qu'il en fût autrement pour les annales d'un diocèse qui a rempli un si grand rôle dans l'histoire ecclésiastique et dans l'histoire politique, et qui a déjà fourni à de nombreux écrivains le sujet de recherches plus ou moins approfondies.

Les divisions historiques, adoptées par l'auteur, sont clairement indiquées; des sommaires et de bonnes tables analytiques facilitent la lecture de l'ouvrage. Comme presque tous les auteurs d'histoires locales, M. l'abbé Pécheur n'a pu se défendre de faire entrer l'histoire générale dans les différentes parties de son cadre, mais il l'a fait presque toujours dans une juste mesure, sans digressions trop disproportionnées, quoique souvent un peu diffuses, et autant que cela était indispensable pour l'intelligence des événements et la connaissance des personnages. Il a reproduit la traduction d'un assez grand nombre de récits légendaires qui concernaient les saints du diocèse de Soissons, acceptant, en général, l'authenticité de ces récits, postérieurs cependant, pour la plupart, de plusieurs siècles aux événements qu'ils concernent. Peut-on lui en faire un reproche quand on voit qu'il a eu soin, le plus souvent, d'ajouter des expressions restrictives et des formules dubitatives, dont le caractère ecclésiastique de l'auteur explique et motive jusqu'à un certain point la réserve?

Il en est de même de certains miracles relatifs aux épidémies et aux calamités publiques, dont la cessation, regardée comme merveilleuse, eut un retentissement dans le diocèse de Soissons, pendant le moyen âge. M. l'abbé Pécheur a dû les apprécier et les raconter, bien plutôt d'après les inspirations de la foi et de la tradition presque universelle, que d'après les règles sévères de la critique historique. Mais il a eu le bon esprit, et l'on peut dire presque le courage, de ne point s'efforcer de faire remonter les origines de l'établissement du christianisme dans le Soissonnais plus haut que la fin du IIIe siècle; il n'a point partagé l'enthousiasme, plus ardent qu'éclairé, d'un trop grand nombre d'ecclésiastiques et même d'écrivains laïques qui s'appuient, sans profit pour la religion, sur les témoignages les plus incertains pour reporter aux temps apostoliques la prédication de l'Evangile dans la Gaule, même dans ses provinces les plus septentrionales. Plusieurs fois déjà, mais en vain, dans de précédents concours, et surtout en 1858 et en 1862, la Commission des antiquités nationales avait exprimé l'opinion de l'Académie à cet égard, opinion conforme à celle des érudits et des ecclésiastiques les plus compétents des deux derniers siècles; la tendance contraire a fait depuis lors de grands progrès et semble maintenant presque définitive dans la majorité du clergé français.

M. l'abbé Pécheur a été moins heureux dans l'exposé qu'il a fait des étymologies d'un assez grand nombre de noms de lieu; elles sont, pour la plupart, singulièrement hasardées et sans aucun fondement solide. On pourrait aussi ne point partager toutes les opinions de l'auteur dans l'appréciation de quelques grands événements de l'histoire ecclésiastique et dans le jugement qu'il porte sur certains personnage historiques; mais on remarque presque toujours que ses opinions reposent sur une interprétation sincère des documents. On peut, en outre, regretter que l'auteur n'ait pas connu des travaux considérables consacrés de nos jours à des

personnages importants de l'époque carloyingienne. Parfois aussi pour.. rait-on signaler, dans ces deux volumes, quelques erreurs de dates qu'il suffira d'indiquer à M. l'abbé Pécheur pour qu'il les rectifie. N'a-t-il pas dit, en effet, dans la préface de son second volume, avec une modestie digne d'éloges, qu'il s'est empressé d'accueillir les conseils sages et modérés qui lui ont été donnés, et qu'il s'est mis en garde contre les louanges exagérées, « dans la persuasion, dit-il, que ceux qui nous flat>> tent trop ne sont pas ceux qui nous estiment le plus ? »

En accordant la seconde médaille du concours aux Annales du diocèse de Soissons, votre Commission espère encourager un travail utile et reconnaître le mérite d'un laborieux ecclésiastique qui a su vaincre les nombreuses difficultés qui gênaient ses recherches. Elle espère aussi stimuler des travaux analogues pour d'autres diocèses. Il serait désirable, en effet, que les histoires partielles de la France fussent traitées, plus fréquemment qu'elles ne l'ont été jusqu'ici, au point de vue des grandes divisions ecclésiastiques qui représentent les plus anciennes divisions politiques de la Gaule, et qui ont conservé une si grande influence pendant toute la durée du moyen âge.

Après avoir décerné les médailles, votre Commission avait à distribuer les mentions honorables. Son embarras a été assez grand, pour le choix définitif à faire entre les concurrents, et pour l'ordre à établir entre les ouvrages préférés, surtout à raison de la variété des sujets et du caractère différent de la mise en œuvre, quoique à mérite souvent presque égal. Ces mentions honorables ont été décernées dans l'ordre suivant : PREMIERE MENTION. M. Morin, pour son ouvrage intitulé: L'Armorique au Ve siècle (in-8°).

-

DEUXIÈME MENTION. - M. J.-F. Bladé, pour les ouvrages suivants : Mémoires et dissertations concernant l'histoire civile et ecclésiastique de la Gascogne (mss.); Etudes historiques sur l'ancien droit de la Gascogne (mss.); Recueil des Anciennes coutumes des Landes (mss.); Dissertation sur les chants héroïques des Basques (in-8o); Contes et proverbes populaires recueillis en Armagnac (in-8°).

[ocr errors]

TROISIÈME MENTION. M. A. Bruel, pour son Essai sur la chronologie du Cartulaire de Brioude (in-8°) et son Etude historique et critique sur les copies manuscrites du grand Cartulaire de Brioude (mss.).

QUATRIÈME MENTION.

[ocr errors]

M. Bascle de Lagrèze, pour son Histoire du

Droit dans les Pyrénées (in-8°).

CINQUIÈME MENTION. M. Duhamel, pour ses recherches sur les Négociations de Charles VII et de Louis X1 avec les évêques de Metz au sujet de la chatellenie d'Epinal (in-8°).

SIXIÈME MENTION. M. Martin, pour son Essai historique sur Rozoysur-Serre et les environs (2 vol. in-8° et supplément).

Comme vous le voyez, Messieurs, ces choix s'appliquent à des travaux concernant, sous des points de vue assez divers, des questions historiques intéressant six de nos anciennes provinces: la Bretagne, la Guienne et l'Agenais, l'Auvergne, le comté de Bigorre, la Lorraine et la Picardie. PREMIERE MENTION HONORABLE. M. E. Morin, professeur à la Faculté des lettres de Rennes, a composé, à l'aide du petit nombre de documents originaux qui se rapportent à l'histoire de l'ancienne Armorique, particulièrement au Ve siècle, un mémoire où il reprend l'examen critique de plusieurs points obscurs, mais capitaux, dans l'histoire des origines de la Bretagne, et déjà plusieurs fois étudiés avant lui.

A quelle date du Ve siècle les cités armoricaines se rendirent-elles indépendantes de la domination romaine? Combien de temps dura cette indé

pendance? Quand commença et comment s'opéra la soumission de l'Armorique aux Francs? Quelle date peut-on assigner aux premiers établissements fixes des colonies des Bretons insulaires dans la basse Armorique? Doit-on attribuer à ces colonies l'introduction du christianisme en Armorique? N'a-t-on pas au contraire, dans le synode de Vannes, assemblé vers 460, et dans d'autres témoignages contemporains, des preuves manifestes de l'organisation de l'Eglise chrétienne dans les cités romaines de l'Armorique, antérieurement à l'influence de la prédication des missionnaires bretons insulaires? Les prétendus royaumes bretons de Conan Mériadec, vers la fin du IVe siècle, et de Grallon, vers la fin du Ve, ne sont-ils pas des fables qui n'ont d'autres fondements que le désir de flatter les vanités généalogiques de grandes familles bretonnes, ou de fausses interprétations de témoignages historiques, dont l'apparition récente a fait, à bon droit, révoquer en doute l'authenticité?

Ces questions, que M. Morin ne pose pas catégoriquement, mais dont l'examen et la solution, dans le sens que nous venons d'indiquer, résu!tent de l'ensemble de son Mémoire, ne sont pas neuves; elles ont eu le privilége, depuis le XVIIe siècle, de passionner les nombreux historiens de la Bretagne.

M. Morin soumet la plupart de ces questions à un examen nouveau dans lequel il s'efforce de distinguer les données vraiment anciennes et authentiques des témoignages et des commentaires plus récents qui les ont trop souvent obscurcies. Sans adopter entièrement toutes les opinions soutenues par l'abbé Dubos, dans son histoire de l'Etablissement de la monarchie française, et combattues par Montesquieu, Gibbon, Sismondi et d'autres historiens plus modernes, M. Morin s'en rapproche cependant beaucoup et réhabilite, non sans raison, comme l'ont déjà fait plusieurs historiens modernes, la mémoire d'un érudit trop longtemps et trop injustement déprécié. Il s'appuie principalement sur les textes de Zosime et de Procope: le premier rapportant que, vers l'année 409, les Armoricains chassèrent les magistrats romains; ie second que, vers la fin du même siècle, après une indépendance passagère et après avoir changé la forme de leur constitution politique, ils traitèrent avec les Francs qui avaient embrassé le christianisme. Ce ne seraient donc point les Bretons insulaires et émigrés qui auraient introduit dans l'Armorique les premiers germes de la foi chrétienne. La difficulté, pour la solution de plusieurs de ces questions, est de savoir ce qu'il faut entendre par les Armoricains, dont le nom se présente dans les textes du Ve siècle sous différentes formes. M. Morin discute cette question et plusieurs autres avec sagacité et une sage réserve. Il est cependant un point sur lequel il se prononce affirmativement, avec le plus grand nombre des historiens et des philologues bretons: c'est l'origine armoricaine et locale de la langue bretonne que tant de bonnes raisons portent, au contraire, à attribuer à l'influence des colonies de Bretons insulaires du VIe siècle et des siècles suivants. Quoique M. Morin semble mettre à cette origine une certaine restriction, lorsqu'il dit qu'on doit considérer le langage bas-breton comme un débris de l'ancien armoricain, ayant son existence propre, et auquel l'émigration insulaire apporta une vie nouvelle avec quelques modifications, il n'en subsiste pas moins une objection très-forte à l'origine continentale, même partielle, du bas-breton c'est l'absence complète de débris de cette langue dans d'autres parties de la Gaule, pareillement habitées par les Celtes, et la différence fondamentale avec la langue bretonne de tous les noms gaulois qui ont été conservés en assez grand nombre, soit par César, Strabon, Pline, Tacite, et d'autres histo

:

« ZurückWeiter »