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trer là-dessus, qu'à l'aide du témoignage des grammairiens elle pouvait retrouver l'ancienne prononciation du grec, que, le pouvant, elle devait le faire. Chacun alors se mit à l'œuvre pour accomplir cette réforme. Il y eut bien des résistances et des débats. La lutte même, dans quelques pays de l'Europe, en Angleterre par exemple, amena des incidents presque tragiques, qui nous font rire aujourd'hui. J'ai raconté ailleurs cet épisode de la Renaissance. Constatons seulement ici le résultat de ces disputes laborieuses : c'est que, dès la fin du XVIe siècle, la prononciation vulgaire du grec se trouva presque partout abandonnée en Occident. Par un excès de pouvoir, dont personne alors ne se rendait compte, la science avait constitué dans chacun des pays ouverts aux études helléniques une prononciation que l'on tenait pour celle même de l'antiquité. Sous prétexte de renouer la tradition classique, on avait rompu avec la tradition nationale et populaire, et l'on était tombé dans une étrange anarchie. Ces manières de prononcer le grec, fort diverses selon les pays et les écoles, ont plus nui qu'elles n'ont servi chez nous au progrès des études helléniques. Mais, au moment où elles s'établirent, les discussions qu'elles voquèrent ne furent pas sans influence sur le mouvement de la littérature savante.

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Après les Hellènes réfugiés, nos premiers imprimeurs ne sauraient être omis comme promoteurs des études grecques en France.

Il est intéressant de voir comment, après les premiers essais d'Ulrich Gering, après les chefs-d'œuvre d'Antoine Vérard, qui tous ne connurent que l'emploi des caractères latins, l'imprimerie se mit peu à peu au service des lettres grecques. Cette histoire a été esquissée avec un grand savoir et un charme sérieux de narration par M. Rébitté. Mais, écrit à Besançon, ce livre n'offre pas, dans le détail, la minutieuse exactitude, que d'ailleurs on ne peut guère atteindre, sur un tel sujet, sans la connaissance précise des procédés de l'imprimerie, et quand on n'a pas sous la main ces précieux incunables si rares aujourd'hui, si difficiles à rassembler, et que les bibliothèques publiques ne livrent pas aux curieux sans maintes précautions légitimes, mais gênantes. J'ai eu pour me guider en ces délicates recherches, d'abord les livres de deux savants typographes, M. Auguste Bernard et M. Ambroise Firmin Didot, et ce dernier surtout m'a rendu grand service en mettant à ma disposition, dans son incomparable bibliothèque, les plus anciens produits de la typographie grecque en France. On me permettra de m'y arrêter quelques instants avec cette complaisance pleine de respect qu'inspirent les moindres commencements des choses destinées à grandir. On ne touche pas sans une sorte d'émotion ces grossiers petits volumes où nos ancêtres ont épelé le grec, et qui coûtèrent aux maîtres des Estienne tant de labeurs et de soucis.

Longtemps les imprimeurs de latin, quand ils rencontraient dans Cicéron, par exemple, quelques mots grecs, étaient réduits, faute de caractères, à en laisser la place en blanc. Puis ils s'essayèrent à copier tant bien que mal le grec qu'ils ne déchiffraient pas toujours avec sûreté, et ces premières copies typographiques sont informes. Ainsi, à la quatrième page du de Officiis (édition de 1465 par Fust et Schoiffer), on a bien de la peine à reconnaitre le mot καθήκοντα dans καθωκωσκα. Ep 1494, le Cornu Copia de Nicolas Perotto, véritable trésor de latinité qu'on a plusieurs fois réimprimé, et qui pendant plus de vingt-cinq ans a servi aux études des latinistes de la Renaissance, le Cornu Copic, dans l'édition de Gering, offre quelques mots grecs, avec un alphabet grec latin assez correctement imprimé : toutefois, les voyelles y sont encore sans accents; ceux-ci apparaissent pour la première fois, avec les lettres majuscules,

en 4505, dans un livre de Laurent Valla, publié par Josse Bade. Mais c'est en 4507 seulement que paraît, à vrai dire, le premier livre grec imprimé en France, le Liber gnomagyricus, ainsi nommé à cause des sentences qui en forment la meilleure partie. L'éditeur était un modeste maître, nommé François Tissart, et l'imprimeur Gilles de Gourmont. Dans son excellent livre sur G. Budé, M. Rébitté nous raconte en détail les tribulations que traversa le pauvre Tissart pour doter nos écoles d'un livre d'étude qui contenait à peine, en tout, trois cent cinquante lignes de grec. Que d'efforts, que de résistances! et quelle candeur dans la préface latine du Liber gnomagyricus et dans l'appel qu'il adresse au zèle et à la bourse des écoliers! L'éloquence y est bien pédantesque et rocailleuse, mais on y reconnaît, au fond, un sentiment très-élevé des nobles intérêts alors en jeu dans le grand travail de la Renaissance. Il faut vraiment y insister pour l'honneur de ces philologues encore bien inhabiles et bien neufs à la besogne, mais tout pleins d'une passion si généreuse pour la sainte cause de la science. L'auteur du dernier ouvrage qui ait paru sur la renaissance des lettres, M. Voigt, remarque au début de son livre, qu'à cette mémorable époque l'esprit humain s'ouvre à la fois deux horizons nouveaux, par la découverte de l'Amérique et par le retour aux traditions de l'antiquité. Eh bien! cette idée, qui nous semble moderne, elle est déjà familière aux philologues des premières années du XVIe siècle. Alde Manuce l'exprime en 1513 dans une de ses préfaces, et elle n'est pas étrangère au pauvre Tissart dans la préface du Manuel grec qu'il préparait pour les étudiants parisiens. Sous ces textes laborieusement déchiffrés et plus laborieusement reproduits, on sentait dès lors comme le souffle d'une inspiration nouvelle, on comprenait que les répandre dans les écoles, que les faire mieux comprendre, ce n'était pas seulement satisfaire une curiosité d'érudit, mais servir les intérêts de la civilisation. Au reste l'appel que Tissart adressait à ses élèves, sur un ton de paternité affectueuse, fut, à ce qu'il paraît, entendu. Car, dès la même année, nous le voyons publier la Batrachomyomachie attribuée à Homère, les OEuvres et Jours d'Hésiode et la Grammaire grecque de Chrysoloras; ce dernier, comparé aux trois précédents, était presque un gros livre. En 4508, paraît une grammaire hébraïque, suivie d'un alphabet grec et de prières dans la même langue. En 1509, l'Italien Jérôme Aléander, appelé par Louis XII pour enseigner le grec à Paris, y fait imprimer trois opuscules de Plutarque. Deux ans après, Vatable, son élève, publie chez Gourmont une deuxième édition de Chrysoloras. En 1512 paraît un petit lexique grec-latin d'Aléander, où les mots grecs portent pour la première fois des accents attachés à la lettre encore une date mémorable dans ces lents progrès de notre typographie naissante. Un autre alphabet hébraïque et grec, publié en 1514, est dédié à une reine de France, Marie d'Angleterre, troisième femme de Louis XII la dédicace forme quatre jolis vers latins d'un tour quelque peu mignard; le grammairien qui l'a rédigée croyait faire sa cour à la jeune princesse qui, sans doute, était capable de s'intéresser à de telles études. D'ailleurs, il ne faut pas prendre au mot ce titre d'alphabet : il désigne d'ordinaire autre chose que la simple collection des lettres avec leurs équivalents français en regard. Ces alphabets, tant de fois réimprimés et remaniés au XVIe siècle, sont comme de petits manuels élémentaires de grammaire. Ils contiennent quelques exercices d'analyse, quelques textes religieux ou profanes, pour servir aux explications dans les écoles où l'on apprenait les principes d'une langue ancienne. La première grammaire proprement dite de la langue grecque rédigée par un Français pour l'usage des écoles françaises paraît, en 1524, sous le titre de Grammatica isago

gica. Elle a pour auteur Jean Cheradam qui, lui-même, réimprime en 1526 la Grammaire grecque de Théodore Gaza, et publie en 1528 les Femmes à l'Assemblée, d'Aristophane. La même année, Simon de Colines donne enfia un Sophocle complet, qui ouvre vraiment la série des publications savantes de textes grecs en notre pays. Il a fallu vingt ans pour que les presses parisiennes fussent capables d'un pareil effort; mais, à partir de ce moment, elles ne cesseront plus de perfectionner et de multiplier leurs produits pour le service des lettres grecques, et elles donneront de plus en plus un utile exemple aux imprimeries provinciales.

Pendant que se formaient et s'essayaient à l'œuvre ces maîtres, ces éditeurs, ces imprimeurs, un véritable savant avait paru, qui devait les éclipser tous par la variété et par la profondeur de son savoir: c'est Guillaume Budé. Né en 1467 ou 1468, après une jeunesse d'abord livrée aux distractions frivoles, surtout au plaisir de la chasse, Budé s'était, à 24 ans, jeté dans les études savantes avec une ardeur sans pareille, et cela dans un temps où l'on manquait de livres et de maîtres pour se faire érudit. Dès 1502, il traduit en latin la compilation de Plutarque sur les opinions des philosophes; en 4508, il écrit ses notes sur les Pandectes; en 1544, son traité de Asse, véritable prodige de savoir, qui a servi de base pendant longtemps à tous les travaux de métrologie romaine: c'était done, comme on le voit, un helléniste avant qu'on imprimât du grec à Paris, c'était un latiniste et un jurisconsulte bien avant Cujas, c'était enfin une sorte d'antiquaire en un temps où l'Italie seule semblait occupée à déterrer et à interpréter ses médailles, ses inscriptions et ses statues antiques. Ni Aléander, ni Lascaris, ni Hermonyme de Sparte, n'avaient été des guides bien utiles pour l'activité de ce rare esprit il s'était surtout formé luimême.

Une fois possédé de l'amour des humanités, le nouveau philologue ne connut plus d'autre occupation; les plaisirs même et les devoirs de la vie de famille l'en purent à peine distraire, s'il est vrai, comme on le raconte, que, le jour de son mariage, il trouva moyen de réserver trois heures pour ses chères études. En 1519, il avait déjà sept enfants; en 1550, à sa mort, il en laissa onze vivants. Ni les soucis d'une si lourde paternité, ni le poids des charges publiques, comme celle de maître des requêtes, que lui conféra François 1er, ne ralentirent son zèle pour les travaux auxquels il s'attachait avec une patriotique prédilection. Entre 4522 et 1527, il marquait nettement le sens de la grande réforme à laquelle son nom restera justement attaché dans son livre de Studio litterarum recte et commode instituendo. Quelques années plus tard, en 4534, il témoignait mieux encore d'une alliance que recherchaient alors tous les nobles esprits entre la religion et les lettres humaines c'est le sujet du traité qu'il intitula de Transitu hellenismi ad christianismum. Tous ces livres montrent, non plus la simple curiosité d'un amateur de grec et de latin, mais une passion sérieuse pour les lettres anciennes et pour les fécondes traditions qu'elles représentent. L'érudition commence à se faire une méthode; elle a conscience d'elle-même, de ses devoirs et de ses hautes destinées. Nulle part cette patience à laquelle rien ne coûte pour fonder solidement la science des mots et des choses ne paraît mieux que dans l'ouvrage qui est resté le plus célèbre des œuvres de Budé, je veux dire ses volumineux Commentarii linguæ græcæ. Budé, comme l'a bien fait voir son récent biographe, n'a pas écrit le Dictionnaire et la Grammaire grecque qu'une fausse tradition lui attribue; mais ses Commentarii, par l'abondance, même un peu confuse, des matériaux qu'il y amasse pour les futurs lexicographes, font de lui le véritable fondateur et maître de cette

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laborieuse école que domine Henri Estienne, l'auteur de l'immortel Thesaurus linguæ græcæ. Nous voilà bien loin des timides essais que nous avons jusqu'ici parcourus, et qui suffirent à l'honneur des premiers clients d'un Gilles Gourmont ou d'un Simon de Colines. Ce n'est pourtant pas là toute l'œuvre de Budé.

Er 1517, un Flamand, Busleiden, mort en France, à Bordeaux, avait légué une somme assez modeste pour fonder à Louvain, sa patrie, un Collége des trois langues, c'est-à-dire un collége où l'on enseignerait publiquement et librement, en dehors des cours de l'Université, le latin, le grec et l'hébreu. Malgré les résistances de la routine et l'opposition des théologiens, Erasme, l'actif patron de cette noble idée de Busleiden, l'avait fait réussir. Dès 1518, le nouvel enseignement recevait son organisation provisoire. Adrien Berlandus y occupait la chaire de latin, Rudgerus Rescius celle de grec, Matheus Adrianus celle d'hébreu. Ce sont là des noms obscurs; pour les études grecques en particulier, Erasme aurait voulu mieux, et il demandait à Lascaris de lui envoyer des maîtres hellè– nes pour son Collége des trois langues. Mais, si humbles que soient ces commencements, on n'y peut méconnaître une institution conforme à l'esprit vraiment libéral de la Renaissance, et bien faite pour contribuer aux progrès des fortes études. L'exemple des savants de Louvain excita l'émulation des conseillers de François Ier, et notre pays eut bientôt, à côté de la Sorbonne, où tout enseignement restait sous la tutelle étroite de l'autorité religieuse, une institution semblable à celle de Busleiden; c'est le college depuis si célèbre sous le nom de Collège de France. Plus modeste d'abord que le collége de Louvain, notre Collège de France n'offrait à ses professeurs ni logement personnel, ni même des salles d'auditoire. Mais, selon l'énergique expression d'un contemporain, il était bati en hommes ; et ces premiers maîtres ne tardèrent pas à former d'excellents élèves. Les progrès de l'institution furent rapides. Plus heureuse que l'institution flamande qui lui avait servi de modèle, mais plus heureuse parce qu'elle avait été plus habile, celle-ci ne cessa pas de s'élargir; elle n'interrompit momentanément ses leçons pendant la Révolution que pour se relever avec éclat au commencement de ce siècle, et pour embrasser dans le cercle de son enseignement le cercle, si agrandi de nos jours, des connaissances humaines. Certes, le Collège de France en 1868 ne ressemble pas plus à celui de 4530 que notre Paris ne ressemble à celui de François Ier; mais la fondation d'un tel établissement n'est pas moins pour cela un des plus grands événements littéraires de la Renaissance, un de ceux qui font le plus d'honneur au premier des Valois et à ses doctes conseillers, parmi lesquels Budé est au premier rang.

Au point de vue spécial de nos études, une autre création des Valois mérite encore d'être signalée je veux dire la Typographie royale. En 1539, quand l'étude du grec commençait à se répandre, quand cette langue était enseignée au nom de l'Etat dans une chaire publique, on sentit bientôt le besoin de rivaliser avec l'Italie pour la beauté des livres, comme on rivalisait avec elle pour l'érudition. Le Crétois Ange Vergèce avait habitué les yeux des hellénistes aux merveilles de sa calligraphie: on voulut que l'imprimerie perpétuât ces belles formes de l'alphabet usité pour la plus belle des langues. François Ier fit graver par Garamont les matrices de trois corps de ces types grecs qui sont restés dans l'usage jusqu'à notre temps comme des modèles d'élégance et de bon goût; mais en outre il voulut qu'un autre artiste fût chargé sous ses auspices de publier des livres de choix, dont l'exécution pût servir de modèle. Il faut voir en quel noble langage la chancellerie royale s'exprime dans l'acte qui confère ce

privilége à Conrad Néobar, le premier imprimeur du roi c'est vraiment un morceau qui appartient à l'histoire. L'alliance de la royauté avec les ettres renaissantes et avec l'imprimerie qui les secondait si bien ne fut, nélas! ni sans interruption, ni sans nuages. François Ier persécuta par moments ceux qu'il avait protégés, il entrava plus d'une fois les libertés mêmes qu'il aimait et qu'il avait encouragées d'abord; il ne sut pas toujours réserver, au milieu de ses dépenses glorieuses ou folles, l'argent qu'il avait consacré aux pensions des hommes de lettres. Mais quelques fondations durables, comme celles du Collège de France et de l'Imprimerie dite royale (en un sens plus étroit alors qu'il ne l'est aujourd'hui), compteront toujours parmi ses meilleurs titres à la reconnaissance de la postérité. »

Séance du vendredi 27.

PRÉSIDENCE DE M. RENIER.

Le procès-verbal de la séance précédente est lu et la rédaction en est adoptée.

Il est donné lecture de la correspondance officielle.

Par un message, en date du présent jour, M. le Ministre de l'Instruction publique remercie l'Académie de l'accueil qu'elle a fait à son intervention en faveur du commissariat général de la TerreSainte en France, par la concession de deux de ses grands recueils, les Assises de Jérusalem et les Historiens occidentaux des Croisades.

M. le PRÉSIDENT communique à l'Académie la triste nouvelle de la perte qu'elle vient de faire dans la personne de l'un de ses membres, M. VINCENT, décédé en sa demeure le jeudi 26 novembre. Cette perte lui a été notifiée le jour même, par une lettre de M. Ch. Maurice, gendre du défunt. - A cette lettre est joint un extrait certifié contenant des dispositions testamentaires faites par M. Vincent, relativement à ses funérailles. M. Vincent, à la date du 3 août dernier, demande et ordonne au besoin : « 1° qu'il ne soit fait aucune convocation officielle pour ses obsèques; 2° qu'il ne soit prononcé aucun discours sur sa tombe. » La famille verrait du reste avec reconnaissance ses confrères lui rendre les derniers honneurs.

M. DELISLE donne lecture du morceau suivant :

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