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manuscrit est malheureusement altéré (1); mais le sens n'est pas douteux. En voici la traduction.

Pendant son séjour à Orléans, Primat se déguisa en fossoyeur et alla sur la grande route, un jour que les clercs de Blois devaient venir versifier avec les clercs d'Orléans. Ces jeunes gens étaient convenus qu'un clerc d'une ville réciterait le commencement d'un vers, et qu'un clerc de l'autre ville devrait achever le même vers. On cherchait naturellement les commencements de vers qui devaient le plus embarrasser les écoliers chargés de les compléter. Une jument étant venue à passer, un clerc s'écria:

Istud jumentum cauda caret.

Personne ne trouvait la fin. Primat intervenant alors dans le concours propose pour les deux derniers pieds du vers ces mots français :

or la lia-t-on.

Un autre clerc, sans changer de matière, jeta cet hémistiche:

Claudicat hoc animal.

Cette fois encore le vers restait inachevé, jusqu'à ce que Primat en proposât le second hémistiche:

quia sentit habere (ou inesse) pedi mal.

L'anecdote a le double avantage de nous montrer qu'Orléans était au commencement du XIIIe siècle un centre littéraire d'une certaine importance, ce qui nous est attesté par plusieurs autres

(4) « Idem faciens moram Aurelianis exivit in similitudine fossoris, » clericis Blesensibus venientibus versificare cum Aurelianensibus. Et >> cum sisterent in via, dixerunt quod unus inciperet et alius finiret, et » viderent quasi finem assequi possent. Unus ait : « Istud jumentum >> cauda caret. » Nullo finiente, respondit Privatus (sic) : « orlalientum. » Iterum incepit alius dicens: « Claudicat hoc animal. » Nullo >> finiente, ait iterum : << quia sentit habere inesse pedi mal... » Fol. 486 vo.

- «

témoignages (1) et de nous confirmer ce que Salem bene rapporte de la facilité de Primat à improviser des vers latins, facilité à laquelle Boccace a fait allusion dans le Décaméron.

Puisque l'occasion s'en présente, je demande la permission d'indiquer ici quelques vers de Primat que j'ai rencontrés au commencement d'un ms. du Mont-Saint-Michel, conservé à la bibliothèque d'Avranches (2) et renfermant des ouvrages de Ruffin. Ce sont deux courtes épigrammes sur le vin, à la marge desquelles on lit en caractères du commencement du XIIIe siècle : VERSUS PRIMATIS.

I

In cratere meo Tetis est sociata Lieo (3).
Est Dea juncta Deo, sed Dea major eo.
Non valet hic vel ea, nisi quando sunt farisea
Hec duo. Propterea sit Deus absque Dea.

(1) Voyez les textes indiqués par M. Thurot dans la Revue critique, 1868, II, 299. Il faut y ajouter un passage du Roman de Julius César, que m'a fait remarquer M. Joly, professeur à la faculté de Caen:

Ensi fu mors Pompée com je vous ai conté,
Mais li maistre d'Orliens en ont el contrové
Qu'il dient que Cesar en Mondain la cité
A Pompée assegié et si fort atrapé

Que par destroit de fain la conquis et tué.
Mais comment que li maistre aient de ce parlé,
Ce est voirs qu'il est mors bien a mil ans passé.

Manuscrit français 1457, fol. 466 vo.

(2) N. 104, suivant la notice publiée par l'abbé Desroches, dans les Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, 2a série, I, 141. (3) Conf. la Chronique de frère Salembene, p. 42. Le distique In cratere est bien connu par un passage du livre de Roscoe sur la Vie de Léon X (trad. de Henry, III, 367). Cet auteur rapporte que ce pape s'amusait à faire improviser des vers à Camille Querno, surnommé l'archipoëte; si ce dernier se trompait, soit pour le sens, soit pour la mesure, on mettait dans son vin une quantité d'eau proportionnée à la faute qu'il avait faite. Ce fut, dit-on, dans une de ces circonstances fâcheuses que Querno, tenant sa coupe à la main, se tourna vers le pape, et lui adressa ces vers léonins :

In cratere meo Thetis est conjuncta Lyæo.
Est Dea juncta Deo; sed Dea major eo.

II

Cum novus a Domino Bachus datur architriclino,

Jussu divino non est Tetis addita vino.

Hec res diverse licet utraque sit bona per se,

Si tam perverse coeant perdunt pariter se.

Il ne faut sans doute pas confondre avec le Primat, dont il vient d'être question, un Hugues Primat, dont nous avons dans le manuscrit latin 152 de la Bibliothèque impériale, un distique adressé au prieur de Saint-Martin des Champs.

Hugo Primas priori de Campis Sancti Martini.

Hoc vinum putre quia putri putruit utre
Non sapor est ori, sit gratia nulla priori.

Après cette digression, je ne reviendrai plus sur le ms. de la bibliothèque de Tours qui m'a conduit à parler d'un poëte dont on s'est beaucoup occupé depuis quelques années. Je terminerai cette notice par quelques mots sur un manuscrit dont je ne puis pas bien déterminer la valeur, mais qu'il ne sera peut-être pas inutile de signaler aux savants qui étudient la littérature slave.

Le ms. 227, copié au XVe siècle, est en grande partie rempli par le texte du Psautier. Le copiste ou l'un des premiers possesseurs y a tracé, du f. 72 aù f. 78 vo, plusieurs morceaux qui dénotent jusqu'à un certain point le désir de connaître le grec, l'hébreu et le slave.

Pour la première de ces langues, il faut citer, 4° au f. 72, le texte grec du premier psaume transcrit en lettres latines: Macharios anir os uc eporeuthi en buli asebon........... 2o au f. 72 vo, le texte grec de l'oraison dominicale et du symbole: Patir imon o en tis uranis..... Pisteuo is theon patera pitin uranu ke gis..... 3o au f. 74 v°, un alphabet grec avec le nom des lettres, leur valeur numérale et les noms de nombres: mia, dia, tria, tessara, penta, exa, epta, etc., tels que je les ai relevés dans deux anciens manuscrits de l'abbaye de Saint-Evroul, aujourd'hui nos 2 et 19 de la

bibliothèque d'Alençon (1), tels aussi que M. Boucherie (2) les a récemment trouvés dans un manuscrit de Montpellier.

Pour l'hébreu nous avons au fol. 75 un alphabet et au f. 72 vo le texte hébraïque de l'oraison dominicale transcrit d'abord en lettres latines, puis en lettres hébraïques. Abynu sebaschamaym tythquadasch schymcha ybounu.....

Quant au slave, le ms. de Tours nous offre : 1o au f. 75 vo, un alphabet intitulé: Istud alphabetum est chrawaticum; au-dessus de chaque lettre, le copiste a marqué en caractères latins le nom du caractère : az, bouki, vidi, glagoule, dobro, iest, siwite etc.;—2o au bas du fol. 77, un second alphabet plus cursif; -3° aux fol. 75 vo et 76, l'oraison dominicale, la salutation angélique et le symbole; le texte slave est accompagné entre les lignes d'une lecture en caractères latins; voici, d'après cette lecture le commencement de l'oraison dominicale : Otse nas ise iessi na nebessech ssweto sse ime twoye. 4° aux f. 76 v°, 77 vo, et 78 vo,"plusieurs morceaux en slave, dont quelques-uns sont transcrits à la fois en caractères slaves et en caractères latins. - 5o au f. 78 vo les noms des jours de la semaine et des mois : Nedile, p'veday, torek, etc.; -6° au f. 77, des notes écrites avec un certain désordre, en latin et en slave, qui peuvent être d'une certaine utilité pour l'histoire religieuse de la Croatie et que j'essayerai de transcrire, malgré mon ignorance complète de l'idiome employé pour une partie de ces notes,

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« Istria, eadem patria, Chrawat.

Episcopus de Kerbavia (de ista diocesi est Coplice). Krbavski. » Primus episcopus Chrawacie qui scit utrumque ydioma tam latinum » quam chrawaticum, et celebrat missam in altero istorum ydiomatum » quocunque sibi placet. Pauel dyac zkrbana dlgouschanyn pleme» niti (3) routsanyn trisanits dracesin sin.

» Episcopus (4) Tnynski.

» Episcopus Krxki (5).

(4) Notice sur Orderic Vital, p. XLII.

(2) Communication faite à l'Académie des Inscriptions en septembre

4868.

(3) Au-dessus de ce mot la glose nobilis.

(4) Au-dessus de ce mot on a écrit: Biscop. (5) Cette ligne a été intercalée après coup.

» Episcopus Split. Quasi archiepiscopus.

>> Episcopus Troguier.

» Episcopus Schibenik.
>> Archiepiscopus Zadrski.
» Episcopus Nenski.
» Episcopus Rabski.

» Episcopus Osorski.
» Episcopus Senski.

Le ms. 427 a dû être écrit en Touraine, ou du moins il est entré dans la bibliothèque de la cathédrale de Tours aussitôt après sa transcription: car on lit au haut du premier feuillet, en caractères du XVe siècle De ecclesia Turonensi. Le papier sur lequel il est écrit paraît de fabrication française.

On voit combien sont variées les richesses que contient la collection de manuscrits appartenant à la ville de Tours. Cette collection serait encore plus considérable et plus importante si là, comme dans beaucoup d'autres bibliothèques, de coupables dilapidations n'avaient pas été commises. La perte la plus regrettable est celle d'un Pentateuque, en lettres onciales, que possède aujourd'hui lord Ashburnham, et que le précédent possesseur, M.Libri, a décrit dans les termes suivants :

«< PENTATEUCHUS. Manuscrit sur vélin, en lettres onciales à deux colonnes, grand in-folio, du Ve siècle. Ce manuscrit unique, et d'un prix inestimable, contient un très-grand nombre de grandes miniatures, représentant les divers sujets de la Bible, et exécutées évidemment par des artistes romains. Ces peintures, beaucoup mieux conservées et plus nombreuses que celles qu'on trouve dans les fragments du Virgile du Vatican, rappellent les peintures de Pompéi, et sont aussi intéressantes pour l'histoire des costumes que pour celle des arts. Nous ne croyons pas qu'il existe dans aucune bibliothèque un manuscrit plus précieux que celui-ci. La plupart de ces peintures ont onze pouces français de hauteur sur neuf de large. Elles sont évidemment de la même époque que l'écriture du manuscrit, comme le prouvent, entre autres choses, les nombreuses inscriptions, également en lettres onciales, placées dans ces peintures. Les artistes et archéologues qui ont examiné ce manuscrit, le considèrent comme un monument unique dans son genre. Il appar

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