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tout se calme; tant bien que mal les difficultés disparaissent, les obstacles s'aplanissent, la diplomatie a vaincu, nous n'aurons pas la guerre, et voilà que l'Exposition universelle ouvre ses portes. L'invasion étrangère commence, et durant plusieurs mois Paris est le caravansérail des nations, la Mecque civilisée des pèlerins de la civilisation. C'était un spectacle admirable à voir; malheureusement, toute riche que soit la France pour payer sa gloire, nous avons eu à souffrir de cette Exposition, qui n'a donné aucune impulsion à l'industrie et au commerce, et qui n'a produit de circulation d'argent que dans une sphère limitée et en dehors d'une action réelle sur les intérêts généraux. On aura vu rarement une année plus riche en discours solennels et en discours pacifiques. Les orateurs officiels et officieux n'ont pas manqué non plus, et, dans leur prose sonore et parfumée d'encens, ils ont chanté les douceurs et les grandeurs du régime actuel, ainsi que notre bien-être et notre prospérité.

A Dieu ne plaise que nous venions dire ici qu'ils n'étaient pas sincères ! Mais ne vous semble-t-il pas qu'ils voient la situation à travers des verres teints en rose et qu'ils s'en tiennent trop légèrement aux apparences? Voir la façade ne suffit pas pour porter un jugement sur le monument. Il se peut que le dehors soit somptueux et que l'intérieur en soit pauvre, insalubre et mal distribué. Les empires orientaux, eux aussi, de même que la Russie, savent déployer un luxe qui dépasse tout ce que l'imagination peut rêver; mais à côté de ces richesses dépensées, que trouve-t-on ? Une population souffreteuse, maladive, ignorante, indolente et misérable. La servitude morale à côté de la servitude physique. L'insouciance, l'oubli du travail et des devoirs à côté du manque de liberté. Rien ne sert d'aligner des chiffres et d'en faire des listes où les plus hauts cours de la Rente sont marqués. C'est enfantillage que de tenir compte de la hausse en Bourse, où tout est artificiel, où tout se fait d'après un certain ordre, d'après une tactique définie, démontrée mathématiquement. La Bourse, c'est l'exploitation des petits capitaux par les gros. Chacun vient y chercher à gonfler son ballon. Mais lorsqu'un habile est parvenu à faire gonfler le sien au moyen du gaz que lui ont fourni de trop crédules gens, le • lâchez tout » arrive, il coupe le câble et disparaît, laissant ses dupes se consoler entre elles en l'accablant de malédictions.

Nous pourrons mieux apprécier notre position financière quand paraîtra le programme de M. Magne, et surtout quand on discutera au Corps législatif le budget de l'Empire. Le budget est un critérium presque infaillible. Les faits que nous signalons ne sont que les épisodes, les incidents qui doivent être tenus en considération, mais qui à eux seuls ne reflètent pas tous les traits de la physionomie du pays. D'un bout de l'année à l'autre, la Bourse a été sujette à des fluctuations aussi anormales que dangereuses pour la fortune publique. Le report, le déport et les escomptes y ont établi leur domination d'une manière si scandaleusement ruineuse pour les spéculateurs, que l'on a dû s'en inquiéter et songer à réprimer ces excès d'un jeu illicite et immoral.

Le marché, durant 1867, a été constamment travaillé par des inquiétudes qui, non-seulement ont arrêté l'essor des affaires, mais qui ont gêné

ou violenté les cours des valeurs, en les faisant hausser ou baisser artificiellement. La politique, en effet, a beaucoup occupé les esprits : elle a pesé sur les transactions, faisant naître parfois les plus belles espérances, et parfois aussi semant la terreur, de sorte que chacun s'empressait de vendre. Comme une boussole pendant des temps d'orage, la Bourse s'est trouvée plus d'une fois affolée, et la spéculation s'en est allée au hasard, sans savoir ce que lui réservait la volonté invisible qui guidait les événements et sa destinée. Incertitude, indécision, manque de confiance au milieu de cette attente d'un mieux qui ne s'est pas montré, tels sont les caractères de cette année qui n'a rien tenu de ce qu'elle promettait, qui n'a guère que des désastres et des sinistres à raconter. Les industries ont toutes souffert : l'agriculture a souffert d'une mauvaise récolte, le travail manque, il ne s'est fait presque aucune grande entreprise, les faillites se sont multipliées comme à aucune autre époque dans le petit commerce ainsi que dans le haut négoce, et nous ne savons vraiment sur quoi porter nos regards pour trouver quelque chose qui nous console. Les points noirs couvrent encore l'horizon.

L'année de la chute du Crédit mobilier est aussi celle de la mort de Maximilien. Les obligataires mexicains seront sans doute plus heureux que les actionnaires du Crédit mobilier; on leur fait espérer une sorte d'indemnité qui malheureusement ne retournera peut-être pas aux souscripleurs primitifs, parce que, depuis longtemps, d'habiles spéculateurs se sont mis de la partie et ont dans leur portefeuille un grand nombre de ces titres achetés à vil prix. Quant au Crédit mobilier, qui sauvera les actionnaires? La position semble désespérée, et si maintenant que le colosse aux pieds d'argile est tombé, nous ne voulons pas mêler notre voix à celle des insulteurs, cependant nous ne pouvons que regretter les moyens auxquels on a eu recours dans ces derniers temps pour maintenir dans le public des valeurs qui avaient déjà reçu des événements le coup mortel. Le Crédit mobilier est tombé peut-être pour ne se relever jamais; l'expédition du Mexique a échoué, et ces deux grandes entreprises laisseront derrière elles une longue traînée de ruines.

A propos du Crédit mobilier, qu'on nous permette de dire un mot de la banque du Crédit foncier et industriel de M. Langrand-Dumonceau. Nous venons de lire son rapport, qui débute par une lamentation sur les embarras de la crise actuelle et dont il faut citer cette phrase : « Nous pouvons, relativement du moins, nous féliciter d'avoir échappé par la nature de nos opérations aux conséquences extrêmes d'un pareil état de choses, mais il était impossible que nous n'en subissions pas un contre-coup. L'exercice, qui se termine au 31 août, ne saurait donc figurer au nombre des années heureuses de la banque de Crédit foncier et industriel. Le bilan qui vous est soumis se solde par une perte de 3,435,940 fr. » M. Langrand-Dumonceau se félicite relativement de n'avoir à constater que 3 millions et demi de déficit. Ce relativement est précieux et n'a rien qui puisse nous étonner dans une année désastreuse comme 1867; mais il nous fait entrevoir ce qu'aurait pu être le déficit sans cette relativité qui a si heureusement limité les pertes à 3 millions et demi. Il est fâcheux que le Crédit mobilier n'ait pas eu, lui aussi, à subir un état de choses relatif.

En France, il n'y a pas eu d'affaires sérieuses mises en œuvre en 1867. L'entreprise la plus sérieuse, qui était couverte à la fois par des garanties réelles, par l'intérêt et les sympathies nationales, le Canal de Suez n'a pu lui-même placer toutes ses obligations. C'est en vain que nous parcourrions cet exercice financier de 1867, nous n'y trouverions rien de grand, rien qui soit digne de notre fortune publique, et, en fait de souscription, nous en sommes réduits à citer l'emprunt russe, qui, du reste, a presque subi un échec.

L'Angleterre, au contraire, quoiqu'au milieu d'une crise plus grave encore que la nôtre, puisqu'elle était compliquée de cette mystérieuse conspiration des fenians, l'Angleterre, qui, elle aussi, voyait l'encaisse de sa banque s'augmenter, les ouvriers végéter sans travail, et la misère désoler ses cantons, n'a pas cependant interrompu ses opérations industrielles ; son activité a été moindre que dans les années précédentes, mais elle a cependant fait fonctionner ses capitaux, et elle n'a pas redouté comme nous de les livrer à la circulation. Un peu de crainte cependant régnait sur le marché anglais; la hausse des Consolidés en est la preuve, car chaque fois que l'on redoute quelque chose dans le monde financier anglais, on se porte sur la rente, qui est un fonds national; on la soutient avec une sorte d'orgueil patriotique, et on lui confie un argent que l'on n'ose pas confier aux établissements de crédit ou aux valeurs industrielles.

En janvier, nous trouvons à Londres un emprunt espagnol, puis deux petits emprunts pour Natal et le Chili. En février, l'empruut 8 p. 100 des Principautés danubiennes. En avril, le bill des chemins du Canada passe à la chambre des Lords; l'emprunt grec est souscrit. En mai, on couvre des emprunts pour le Cap de Bonne-Espérance et la ville de Londres. En juin, la Pensylvanie émet un emprunt; puis vient l'emprunt 5 p. 100 des chemins de fer russes (2 millions de livres sterling). Juillet nous présente l'emprunt du Chili 7 p. 100. Août, l'emprunt russe. Octobre, l'emprunt de la Ville de Londres et celui de la Nouvelle-Zélande. Novembre, l'emprunt d'Egypte, de la Nouvelle-Zélande. Enfin, on a souscrit, en décembre, les emprunts du Portugal et de l'Autriche.

Et nous, qu'avons-nous fait ? qu'avons-nous à citer? Serait-ce par hasard l'emprunt de Honduras, qui a si glorieusement échoué? L'argent ne manque pas, les bonnes affaires non plus; mais ceux qui ont de bonnes affaires n'osent pas les lancer, de même que ceux qui ont l'argent n'osent pas le hasarder. Nous verrons dans quelques jours si la confiance s'est rétablie et si nous avons de plus grandes dispositions à donner libre cours à notre activité. Si l'emprunt hongrois, qui paraît avoir captivé toutes les sympathies du public, auquel il offre des garanties sérieuses, réussit complétement, comme tout nous autorise à la croire, nous pourrons, pour l'avenir de 1868, concevoir des espérances plus heureuses que celles de l'année 1867. Qu'il y ait ou non emprunt français, le marché des capitaux s'ouvre largement à l'esprit d'entreprise, mais c'est la politique qui nous enchaîne et paralyse nos efforts. Le gouvernement n'a, dans ces derniers temps, accompli aucune des réformes dont nous avons le plus besoin; la loi des sociétés n'a contenté per

sonne, n'a enfanté rien de nouveau et n'a pas réparé les maux de la loi de 1856; le décret sur les chemins vicinaux est sans doute une mesure bonne en elle-même; elle montre la sollicitude de l'Empereur pour les populations agricoles, mais ce n'est point faire assez quand la détresse est si grande. Tous, même les plus hostiles au gouvernement, à un instant donné, ont avoué que la France du second empire, puissante au dehors, grande et riche à l'intérieur, avait réalisé de grandes choses en alimentant les sources du travail, en élargissant pour l'ouvrier l'aisance et le bienêtre, en communiquant au commerce un essor qu'il n'avait jamais connu, à l'agriculture enfin, et à l'industrie une activité remarquable. Mais depuis quelques années le mouvement s'est ralenti et le malaise s'est substitué à la confiance. Quelle qu'en soit la cause, les souffrances sont devenues d'autant plus vives qu'on s'était peu à peu déshabitué de les éprouver. La gêne s'est introduite partout; le traité de commerce, dont on se promettait de si brillants résultats, n'a pas laissé que de devenir onéreux. Jamais l'argent n'a été à si bon marché, mais jamais il n'a été si rare, et plus d'une fois dans l'année qui vient de s'écouler, on s'est pris à regretter le temps où l'argent coûtait 10 p. 100, mais où, du moins, on pouvait en avoir. Les petits commerçants surtout ont été frappés par la diminution de la circulation du numéraire. Quant aux ouvriers et aux petits employés, si vous voulez savoir ce que l'année 1867 leur a donné, allez le demander au Mont-de-Piété.

On peut endormir quelque temps les mécontentements des gens besogneux, sans argent et sans travail; mais si la peur nous paralyse, si les promesses ne sont pas tenues, si les finances glissent toujours sur la même pente des dépenses exagérées, si le Corps législatif ne se réunit plus que pour voter des lois militaires, si la politique extérieure n'entre pas définitivement dans une voie pacifique, eh bien ! nous en viendrons à regretter ces temps de dictature, plus durs peut-être, mais du moins plus logiques, cette période qui a précédé 1860, alors que le gouvernement marchait d'un pas ferme et paraissait guidé par une volonté énergique, éclairé par une politique intelligente. Nous ne sommes pourtant pas encore au lendemain d'une retraite de Moscou.

EM. ANDREOLI.

ALPHONSE DE CALONNE.

Paris.- Imprimerie de Dubuisson et Ce, rue Coq-Héron, 5.

DE PINDARE

A PROPOS DES RÉCENTS TRAVAUX PUBLIÉS SUR CE POÈTE EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE.

Pindari opera, éd. Bockh, 3 vol. in-40. 1811-1821.

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Id., éd. Boissonade, 1 vol. in-32, 1825. Id., éd. Dissen, 1830, 1 vol. in-8°; Dissen et Schneidewin, 1843.-Traduction complète de Pindare, par Faustin COLLIN, 1841, in-8°. — Id., par SOMMER, 1848, in-8°. Id., par C. PoYARD, 1853, in-8°. - Id., par FRESSE-MONTVAL, 1854, gr. in-8°. - Traduction poétique des odes les plus remarquables de Pindare, avec des analyses raisonnées, etc., par Vauvilliers (1776), réimprimée en 1859, in-8". Spécimen d'une traduction nouvelle de Pindare, par L. AYMA, 1865. Odes de Pindare, traduction nouvelle, par J.-F. BOISSONADE, complétée et publiée par E. EGGER, 1867, in-32. —¡Histoire de a Littérature grecque, par Ottfried MULLER, traduite par HILLEBRAND, 2 vol. in-8°, 1866.— Essai sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique dans ses rapports avec l'élévation morale et religieuse des peuples, par M. VILLEMAIN, 1858, in-80 — L. VITET, Pindare et l'Art grec, dans les Etudes sur l'Histoire de l'Art, 1г. série. Antiquité.

Il vient de se publier un petit volume qui fera peut-être plus pour la fortune de Pindare en France que tant de traductions et d'études critiques dont ce poète a été l'objet. C'est un petit volume in-32 intitulé: Odes de Pindare, traduction nouvelle, par J.-F. Boissonade, complétée et publiée par E. Egger, membre de l'Institul, professeur à la Faculté des lettres de Paris (1867, Hachette et C). Les amis des lettres grecques savent combien de fois on a, dans ces dernières années, essayé de naturaliser Pindare en France. Ils se souviennent du concours institué, en 1850, par l'Académie française, pour un prix à décerner à la meilleure traduction du ly

2. S.

- TOME LXI. - 31 JANVIER 1868.

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