Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Réforme, quand les mystiques espagnols recueillirent pieusement ce rayon de l'amour divin qui s'était toujours conservé au sein de leur nation. Ravivé par leurs soins, ils en firent alors jaillir mille feux destinés à ranimer, à consoler bien des âmes inquiètes, éperdues ou souffrantes. Qui pourrait dire maintenant le bien qu'ils répandirent, les maux qu'ils soulagèrent, les aspirations inassouvies qu'ils parvinrent à satisfaire en leur donnant un objet et un but infinis comme la pensée, infinis comme le désir? Quelle que soit la distance qui nous sépare de ces temps et de ces idées, n'en parlons qu'avec la juste réserve qu'impose tout ce qui fut bon, tout ce qui fut grand dans le passé. N'approchons donc qu'avec respect de cette flamme de l'amour chrétien que rallumèrent les contemporains de sainte Thérèse, et qui fut pour tout un peuple ce qu'était chez les anciens le feu sacré conservé religieusement sur l'autel de la patrie. Si l'Espagne a eu sa grandeur et sa gloire, elle les a dues en partie, comme nous l'avons vu, à sa foi profonde au catholicisme. Dans les jours d'épreuve et de deuil national, ce fut là son ancre de salut, et dans ses jours de triomphe, ce fut encore son guide et son idéal. Vers cet idéal, aujourd'hui bien éloigné, quoique toujours visible à ses yeux, elle se tourne sans cesse au milieu de son malaise et de sa déchéance. Elle regrette de n'être plus ce qu'elle était au temps de Charles-Quint, mais, comme toute nation qui a vieilli, et qui ne perd jamais l'espoir de renaître, elle se console en regardant un passé qui, si peu semblable au présent, lui fait croire peut-être à un meilleur avenir.

ALPHONSE Dantier.

CATINAT

ÉTUDE HISTORIQUE

D'APRÈS LES PIÈCES DU DÉPÔT DE LA GUERRE

DEUXIÈME PARTIE'

XIII

La fameuse ligue d'Augsbourg était alors en pleine activité. Conclue à Venise pendant le carnaval de l'année 1687, elle avait le prince d'Orange pour moteur, et pour adhérents l'Empereur, l'Espagne, la Hollande, l'Angleterre, la Suède, l'électeur de Bavière, et tous les petits princes du Rhin; le duc de Savoie en faisait partie aussi, mais d'une façon occulte. Déconcertée par la prise de Philipsbourg, la ligue se releva plus vivace l'année suivante, tous les ennemis de Louis XIV se préparèrent au combat.

Le duc de Savoie n'était pas le moins acharné. Partout, lors

Voir la Revue contemporaine du 31 janvier 1868.

qu'il aurait désiré la main paternelle du roi de France', il n'avait rencontré qu'un bras prêt à le dépouiller. Puis, le monarque, dans l'expédition de 1686, l'avait mis en communauté de crimes. Et maintenant qu'il sentait l'Europe manquer sous lui de tous côtés, Louis XIV marquait de la défiance, exigeait de son voisin de bonnes garanties. Victor-Amédée ne balançait pas entre cette alliance si onéreuse et celle des confédérés; seulement, il sut prendre son temps, se déclarer contre Louis XIV sans péril et se faire acheter aussi cher que possible. Ami des plaisirs, et se livrant cependant au travail avec passion, quand c'était nécessaire; aimant la guerre et s'y comportant en héros; avare et voulant être bien servi, au point de punir ceux qui refusaient les emplois qu'il voulait leur donner; chéri de sa femme et de son peuple, qu'il n'aimait ni l'un ni l'autre, il causa dans la suite la mort de son fils par une jalousie dénaturée. Mais il s'enrichit, et il agrandit ses Etats. Victor-Amédée employa, dans ce but, la politique de bascule qu'on a tant reprochée depuis à la maison de Savoie. Placé entre la France et l'Espagne (le Milanez), il trompa alternativement ces deux puissances, et chaque défection lui procura bénéfices et honneurs. Depuis le carnaval de 1687, Louis XIV soupçonnait le duc de Savoie. Afin de le mettre hors d'état de lui nuire, le roi de France imagina de demander au duc trois régiments pour servir en Flandre. VictorAmédée, bien à contre-cœur, disposa des trois régiments de la Marine, de Nice et d'Aoste. Bientôt Louis XIV exigea d'autres troupes pour les employer contre les huguenots des Cévennes. Mais les grosses ruses du monarque français échouèrent contre les finesses de Victor-Amédée. Louis XIV lui avait fait signifier qu'une levée de plus de 2,000 hommes lui serait suspecte; le duc se servit d'un curieux stratagème. On comptait en Savoie, en Piémont et dans le comté de Nice, 10,000 hommes en état de porter les armes. Sur ce nombre, on en prenait 6,000, divisés en trois séries égales, qui servaient, chacune à leur tour, pendant quatre mois. Il n'y avait donc jamais sur pied que 2,000 hommes, et le roi n'avait rien à dire. Seulement, au premier signal, 6,000 hommes répondaient. Victor-Amédée suivait attentivement les progrès de la ligue d'Augsbourg, et selon que le vent qui venait de France soufflait la victoire ou la défaite, le duc de Savoie parlait hautement ou bien cherchait à calmer Louis XIV par des discours mesurés. Nous sommes en 1689, au lendemain de Valcourt, de Bonn et de Mayence:

Le 12 juin 1672, aussitôt que son père eut rendu le dernier soupir, Victor-Amédée,. alors âgé de neuf ans, se rendit auprès de l'ambassadeur français, à Turin, et le « pria d'assurer Sa Majesté qu'il était son très obéissant serviteur, et qu'il la suppliait très. humblement de vouloir lui servir de papa, puisqu'il avait perdu le sien.

Victor-Amédée apporte une certaine hauteur dans ses rapports, et Louis XIV, pour la première fois peut-être, baisse le ton. Les soupçons que ce dernier avait conçus sur son allié ne tardèrent pas à se fortifier, non sans quelque raison.

Il s'était formé, sur la limite nord de la Suisse, une vaste agglomération de Vaudois et de réfugiés. La dernière guerre qui avait désolé le Palatinat les avait contrainte d'en sortir. Quand les réfugiés français virent leurs compatriotes entrer chez eux, ils n'en espérèrent mi pitié, ni merci, et à bon droit. Leurs champs, ainsi que ceux des Vaudois, furent ravagés, leurs demeures brûlées, toutes leurs espérances détruites. Ils se virent réduits à implorer l'hospitalité des Suisses, qui regorgeaient déjà de religionnaires, dont le nombre s'accroissait de jour en jour. Il fallait bien que ce flot envahisseur finit par s'écouler. Les Vaudois commencèrent le mouvement. Leur patrie était au pouvoir de seigneurs piémontais catholiques qui avaient acheté les biens des révoltés, et les faisaient cultiver par des mercenaires. Les Vaudois voulurent rentrer dans leurs vallées. Janavel, qui, de Genève, les exhortait, n'eut pas grand' peine à les décider. On les voit exprimer leurs aspirations avec une naïveté charmante: « Hélas! disaient-ils, les oiseaux, qui ne sont que des bêtes dépourvues de raison, reviennent dans leur saison chercher leur nid et leur habitation, sans qu'on les en empêche; et l'on en empêcherait des hommes créés à l'image de Dieu ! »

Arnaud, leur chef et leur pasteur, s'entendit avec Janavel; on acheta des armes, et, après une marche aussi habile que secrète, les Vaudois, venus de tous les points, se rencontrèrent dans la nuit du 15 au 16 août, à Prangins, sur le bord du lac de Genève. Ils le traversèrent avec facilité, le duc de Savoie ayant eu soin, à la nouvelle de leur approche, de faire retirer les barques qu'il entretenait sur le lac, du côté de la Savoie. Les Vaudois trouvèrent même des gens qui leur étaient envoyés, afin de les assurer des sentiments pacifiques du duc à l'égard de ses anciens sujets. Victor-Amédée n'avait pas provoqué cette invasion, mais il eut le bon esprit d'en tirer parti. Cependant, afin de sauver au moins les apparences, le duc publia qu'il avait envoyé des troupes contre les Vaudois; mais que ceux-ci s'étaient trouvés trois fois plus forts qu'on ne croyait, que néanmoins, on avait battu leur arrière-garde. Or, l'ambassadeur français à Turin racontait l'événement d'une tout autre manière; on s'était contenté, disait-il, de tirer sur l'arrière-garde vaudoise une «< innocente» fusillade. D'un autre côté, le marquis de Larray, qui commandait en Dauphiné, mal instruit sur le nombre des Vaudois par les officiers piémontais qui exagéraient le dernier événement, ne put empêcher de passer le pont de Salbertrand, en Pragelas, et fut dange

reusement blessé dans le combat qu'il leur livra. Enfin, le 27 août, les Vaudois, après avoir traversé le col de Pis, étaient retirés à la Balsiglia. Lorsqu'ils y arrivèrent, dénués de tout et ne retrouvant plus le moulin qu'on avait détruit dans la dernière guerre, ils durent se contenter de choux, de raves et de blé qu'ils faisaient bouillir et qu'ils mangeaient sans sel et sans aucun assaisonnement. Mais bientôt leur situation changea. La montague de Balsiglia est pleine de combes ou grottes; ils y pratiquèrent des logements pour cinq cents hommes. Ils avaient à leur portée l'eau de la rivière de Germanasca, ils rétablirent leur moulin, firent un four, et purent alors manger du pain. Une chose bien remarquable, c'est qu'au mois de février suivant, ils récoltèrent les blés de Prali et de Rodoretto qui n'avaient pas été moissonnés à cause de leur subite irruption, et se conservèrent intacts sous les neiges de l'hiver.

La ligue se fortifiait d'heure en heure. En Allemagne, une grande armée protestante, recrutée de toutes sortes de pays, s'organisait avec l'argent de Guillaume d'Orange. Celui-ci devenu, le 15 novembre 1688, roi d'Angleterre sous le nom de Guillaume III, trouvait dans les ressources pécuniaires de son royaume de grandes facilités pour entretenir et soudoyer cet amas d'ennemis qu'il créait à Louis XIV. Le roi, pour répondre à ces armements, préparait des armées sur toutes les frontières, une notamment qu'il envoyait en Milanez. Elle devait passer par les Etats de Piémont, et Catinat, quila commandait, en attendant que toutes les troupes royales fussent passées, engagerait Victor-Amédée à y joindre les siennes. Alors on détruirait conjointement les Barbets.

Catinat fit encore une fois le voyage de Pignerol. Chaque fois qu'il y avait quelque chose à faire en Italie, cette ville était la première étape. Catinat y reçut, à la fin de mars 1690, les instructions de Louvois. Le ministre recommandait la vigueur; pas de capitulation; autant de tués, tant mieux ! ces Vaudois n'iraient pas joindre la grande armée calviniste d'Allemagne; prendre les Barbets à discrétion et les envoyer aux galères. Puis, avec ou sans le consentement du duc de Savoie, traverser le Piémont, lever de grosses contributions dans le Milanez, appuyant sur Casal et gardant soigneusement ses communications avec Pignerol. Le 26 avril, Catinat était joint par 800 Piémontais, sous le marquis de Parella. Le choix de ce général, ennemi déclaré de la France, était bien rassurant pour les Vaudois. En effet, sous le prétexte de ménager les troupes du duc son maître, Parella fit tenir à la réserve la moitié des forces dont il disposait. On attaqua dans leur poste, à la Balsiglia, les Vaudois qui avaient profité du moindre avantage que le terrain pouvait leur offrir,

« ZurückWeiter »