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des menées de Blandine; il se pourrait que la délurée créature, déjà instruite à l'heure où je parle de l'arrestation de sa nièce, ne reculât pas devant une infamie qui, les projets ambitieux de Malvina avortés, donnerait du moins satisfaction à la rancune féminine de cette dernière.

- Je sens que vous avez raison, monsieur, répliqua Frédéric; ce que je connais de l'esprit déterminé de ces deux êtres ne me rassure que médiocrement sur les suites de cette catastrophe. Je cours suivre sans retard vos conseils... pourvu qu'il en soit temps encore! >>

Frédéric prit sa course du côté de la rue de la Ferme-des-Mathurins, agité de sinistres pressentiments.

« Monsieur, annonça un valet l'abordant au moment où il traversait la cour de l'hôtel, M. votre père a donné l'ordre que l'on vous avertît de montrer chez lui dès que vous rentreriez. »

Ces paroles tout ordinaires remplirent l'âme du jeune homme d'une crainte immense : la présence d'esprit lui fit défaut pour demander si quelqu'un était venu durant son absence, qui se fût entretenu avec M. Bar. Lentement il monta l'escalier et heurta d'une main tremblante à la porte de l'appartement de son père : nulle voix ne répondit de l'intérieur à cet appel; le même silence suivit une seconde tentative; Frédéric tourna le bouton à tout hasard et entra.

A quelques pas devant lui et posé de trois quarts, il aperçut son père, le corps à demi-enfoui dans la profondeur de son fauteuil, la tête dans ses mains, les coudes en dehors d'une table sur laquelle portait son buste tout entier : Michel paraissait accablé sous le poids d'une méditation profonde. Dans la chambre, nul bruit; pas même le murmure étouffé d'une respiration maladive; pas un mouvement, pas une contraction qui animât cette apparence humaine. Etait-il mort, était-il endormi? On n'aurait pu le dire, à le voir ainsi à demi-échoué sur la table.

Frédéric, anxieux, se demanda s'il devait éveiller son père, l'imaginant tout de suite et plus volontiers plongé dans cet état de somnolence qui caractérise l'affaissement des forces physiques au lendemain d'une grande perturbation organique. Mais au moment où, rétrogradant, il se retirait sur la pointe du pied, M. Bar s'agita dans son fauteuil, et son fils crut entendre comme une sorte de râle s'échapper de sa poitrine.

« Mon père! » s'écria Frédéric intervenant.

Au bruit de cette voix, M. Bar bondit sur son siége, et, se tournant automatiquement vers le jeune homme, il le regarda sans répondre et comme s'il ne le reconnaissait pas.

Frédéric étouffa un cri d'épouvante était-ce bien son père, ce

spectre qui surgissait là devant lui? Ce visage congestionné, ces yeux fiévreux, ces traits convulsés par une contraction épileptique appartenaient-ils bien à l'homme affectueux et tendre qu'il venait de quitter deux heures auparavant?

« Mon père, reprit-il en s'avançant précipitamment vers le banquier, vous m'avez fait prier de monter près de vous; me voici. » Michel se leva debout, arrêta du geste son fils dans sa marche, et d'une voix qui n'avait rien d'humain :

« C'est vous, enfin ! prononça-t-il; puis, dirigeant solennellement sa main droite vers la table, et, sur la table, désignant les feuilles volantes qui en jonchaient le tapis : voilà ce qu'il y a!» murmura-t-il avec effort.

Frédéric marcha quelques pas en avant et se pencha vers l'objet désigné à son attention: un coup-d'œil lui suffit pour surprendre la vérité; il avait devant lui les preuves de sa trahison.

« Ces lettres ! »>

Ces deux mots, tombés de la bouche de son père, retentirent à ses oreilles comme un glas d'agonie. Debout, immobile, inerte, les bras pendants, la tête inclinée sur sa poitrine, il semblait qu'il eût été tout à coup frappé de paralysie.

« Ces lettres!» répéta Michel impérieusement.

Ses doigts froissèrent dans une étreinte fébrile les pièces multiples de la correspondance, et, les tendant au jeune homme par un geste désespéré :

« Les reconnaissez-vous ?» demanda-t-il.

Frédéric ne répondit pas.

<«< Infâme ! s'écria le banquier.

Pardon murmura Frédéric en tombant à

genoux.

Vous m'avez déshonoré! cria le banquier d'une voix déchirante. »

Michel chercha à tâtons son fauteuil derrière lui : l'ayant trouvé, il s'y laissa choir, inanimé.

Un profond silence régna dans la chambre. Au bout de quelques minutes, le banquier secoua la torpeur qui le paralysait, abandonna son fauteuil, et marchant droit à Frédéric toujours à genoux.

« Vous m'avez déshonoré! dit-il vous avez flétri mes cheveux blancs, meurtri mon cœur, attenté à mon repos, menti au respect que vous me devez !... Vous avez introduit l'adultère chez moi! chez moi, vous !

- Mon père !

Il n'y a plus ici de père ni de fils : il n'y a que deux hommes dont l'un a fait à l'autre une mortelle offense !... Relevez-vous ! »> Frédéric se releva.

Vous allez me rendre raison sur-le-champ de l'insulte que vous m'avez faite !

Quoi! balbutia Frédéric, vous voulez !... un duel entre nous est impossible!...

Vous craignez de m'ôter la vie, et vous n'avez pas craint de m'ôter l'honneur? »

Michel se dirigea vers une panoplie appliquée contre un des murs de la chambre. Le malheureux! il se traînait plutôt qu'il ne marchait. Ses forces faiblissaient de minute en minute, et il était visible que l'exaltation du désespoir maintenait seule à la hauteur d'une énergie factice les défaillances de ce pauvre corps délabré. Le bras hésitant du vieillard décrocha deux épées de combat.

En ce moment, la porte de l'appartement s'ouvrit, et le petit Albert se précipita dans la chambre en gambadant, comme à son habitude. Sa mère le suivait à la distance de quelques pas. Albert courut vers le banquier.

Tiens! dit le gamin apercevant les épées, où vas-tu donc, père, avec ces grands sabres? >>

A l'approche de l'enfant, le visage du vieillard s'était involontairement déridé. Déjà même, courbant sa haute taille, Michel tendait ses bras en avant pour recevoir l'accolade de l'espiègle, lorsque, la réflexion illuminant son esprit, l'affreuse réalité lui apparut soudain dans tout son jour. Ses traits se contractèrent amèrement, son œil s'emplit de flammes, et, au moment où Albert accrochait ses deux mains à son cou, il le saisit à la ceinture et le rejeta brutalement dans un coin de la chambre.

<< Grand Dieu!» cria Berthe, en se précipitant éperdue vers l'enfant.

Frédéric tressaillit à la vue de cet acte de violence; emporté par un sentiment irréfléchi d'affection, il fit mine de voler au secours d'Albert. D'un geste terrible, Michel le cloua à sa place.

« Monsieur?... réclama Berthe en se tournant vers son mari, que vous a donc fait cet enfant pour le maltraiter?

- Madame, dit Michel dédaigneusement, je n'aime pas les enfants des autres! >>

Berthe se tut, effrayée; son regard alla de son mari à Frédéric; ce dernier joignit les mains dans un élan d'immense douleur... La jeune femme s'affaissa sur elle-même, évanouie.

Michel arriva sur son fils et lui tendit une des épées.

« Non! murmura Frédéric en refusant de prendre l'arme.

- Qu'est-ce à dire ? interrogea le vieillard.

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Monsieur, déclara Frédéric d'une voix saccadée, vous pouvez

me chasser, me maudire, me tuer, c'est votre droit... me forcer à me battre avec vous, jamais!

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Frédéric pâlit affreusement, mais ne répondit pas.

« Vous vous battrez ! continua le banquier s'exaltant à mesure qu'il trouvait plus de résistance chez son fils.

Non!

- Vous vous battrez!

Non!

- Ah! s'écria Michel, si vous avez du sang dans les veines, il montera au visage! »>

La main du père s'abattit sur le visage du fils! Impassible et livide, le fils courba la tête : le père envelo ppa Frédéric dans un regard abêti par l'épouvante.

Tout à coup, Michel Bar poussa un cri inarticulé et chancela... Frédéric bondit vers lui et le reçut dans ses bras au moment où ses jambes se dérobaient sous son corps.

« Je me meurs !... » bégaya-t-il.

L'apoplexie accomplissait son œuvre funèbre.

Le père était mort. Le fils, lui, devait vivre!

ANTONIN MULE.

EXPOSITION

UNIVERSELLE ET INTERNATIONALE

DE 1867

LE PAPIER

DEUXI ME PARTIE'

V

La continue, comme on dit en fabrique, est la réunion de plusieurs organes juxtaposés, dont chacun a sa fonction spéciale. Le mouvement imprimé à ces organes est combiné de façon à ce que chacun d'eux accomplisse, dans le même temps, une somme équivalente de travail. La solution de ce problème n'a été trouvée qu'après des recherches nombreuses et des tâtonnements sans fin. C'est d'ailleurs le côté le plus remarquable de la machine continue. Comme dans beaucoup d'autres inventions, l'idée première de cette machine revient à la France. C'est un modeste ouvrier d'Essonne,

Voir la Revue contemporaine du 31 janvier 1868.

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