Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

« Votre Altesse, y est-il dit, en réunissant sur le trône de la Roumanie, aux vertus de nos glorieux princes celles de ses illustres pères, et travaillant avec constance et sans relâche à l'affermissement du système constitutionnel, malgré toutes les difficultés qui entourent un nouveau régime, a rendu plus forts encore les sentiments d'amour et de fidélité de la nation pour son souverain. Elle n'oubliera jamais que, dans des circons-tances graves, Votre Altesse est restée inébranlable dans sa résolution de maintenir intactes les libertés publiques. » Finalement, l'adresse dit que, confiante dans le sentiment pur et généreux, dans les hautes vues et dans les intentions véritablement roumaines de son souverain, la représentation nationale envisage l'avenir avec confiance et est prête à tous les sacrifices pour que le trône, uni à la nation, puisse marcher vers le but que la position de la Roumanie lui commande d'atteindre.

La position géographique de la Roumanie assigne à ce pays, dans le développement de la question d'Orient, un rôle capital. Il est naturel aussi de supposer qu'une nation capable de pareils élans est appelée à un avenir qui apparaîtra plus distinctement dès que les populations chrétiennes de la Turquie commenceront à entrer dans leur phase d'émancipation. Cette perspective entretient des craintes incessantes et donne un caractère inquiétant au moindre mouvement populaire qui se produit dans le bassin du bas Danube. Le mot d'ordre général dont nous parlions tantôt avait préparé la vaste insurrection de tous les pays grécoslaves et embrasé tout le sud-est de l'Europe. Depuis, les yeux des populations chrétiennes de la Turquie restaient fixés sur Saint-Pétersbourg. Dans les dernières semaines du mois de décembre, certains cabinets ont été avertis par leurs agents qu'il se formait sur les frontières de la Moldavie des bandes dont le but était d'insurger la Bulgarie à un moment donné. L'Autriche a profité de cette circonstance pour manifester la crainte, plus que chimérique, que ces bandes pourraient aussi franchir les frontières de la Transylvanie, où il existe une nombreuse population roumaine. C'est en présence de ces frayeurs que le gouvernement de Bucharest, ne pouvant garder le silence, a fait au gouvernement français la déclaration la plus formelle qu'il n'existait aucune bande de ce genre sur le territoire roumain, et que, s'il s'en formait sur ses frontières, il était impossible d'en rendre responsable le gouvernement du Prince. Charles. En examinant de près cet étrange incident diplomatique, on ne peut se défendre de vagues soupçons. Il existe quelque part l'intention de troubler le développement politique et social si vigoureusement mené par le prince Charles. La politique française doit avoir l'œil sur le Danube. Elle est la première intéressée à ne point laisser un Etat, dont elle a créé l'unité, exposé à d'injustes méfiances, devenir victime de complots dans lesquels il n'a point trempé.

Ce n'est donc point par ces bandes imaginaires, signalées en Bulgarie, que le repos de l'Europe peut être troublé. Il ne le serait réellement que si l'accord cessait d'exister entre Paris et Berlin. Ce danger n'est point à craindre tant que la politique prussienne restera placée sous la direction du ministre vaillant qui sait mieux que personne où résident les conditions

de grandeur et de prospérité de son pays. C'est en France surtout que l'on doit désirer que l'antagonisme qui vient de s'élever à Berlin, et dont on a du reste beaucoup exagéré l'importance, entre le parti conservateur et le comte de Bismark, n'ait point pour conséquence la retraite de cet homme d'Etat. Lui parti, nous ne savons plus à quelle influence serait livrée la politique prussienne et par quelles folles passions elle pourrait être entraînée. Mais la plus grande perte serait encore pour la Prusse et pour cette Confédération du Nord si habilement et si solidement établie en peu de temps, qu'un citoyen des Etats-Unis, historien illustre de cette république, M. Bancroft, accrédité près la cour de Berlin, a pu comparer cette organisation politique à celle des Etats d'Amérique. L'opinion de ce diplomate, sur la Prusse et sur l'œuvre de M. de Bismark, se trouve formulée dans une remarquable dépêche adressée à M. Seward. Il faut lire ce document pour se convaincre des forces intellectuelles et militaires accumulées dans cette partie de l'Europe et de la vigueur politique qui s'en dégage. Pour exciter l'admiration et presque l'envie d'un homme de la valeur de M. Bancroft, il faut plus qu'un produit passager de la conquête, il faut une organisation solide dont les bases reposent dans les entrailles même de la race. « Voilà qu'il s'élève au milieu de l'Europe, dit M. Bancroft dans sa dépêche, un Etat confédéré qui ne le cède à aucun gouvernement du continent au point de vue de la civilisation, du courage militaire et de l'influence qu'il est en droit, sinon d'exercer immédiatement, au moins d'espérer dans l'avenir; un Etat confédéré dont la ligne de côtes s'étend depuis la Russie jusqu'à la Hollande, dont la marine marchande est supérieure à celle d'aucun autre Etat continental en Europe et ne le cède qu'à celle de l'Angleterre ou des Etats-Unis; dont la population enfin comprend 30 millions d'habitants, qui sont protestants pour plus des deux tiers, et qui savent tous lire, crire et manier les armes. »>

Ces paroles sont remarquables; elles montrent que les citoyens de l'Union américaine, bons juges en pareille matière, ont mieux compris que la plupart des libéraux français l'œuvre de régénération entreprise et poussée avec tant de vigueur en Allemagne.

Le secrétaire de la rédaction: PASCAL PICARD.

L'Héritage dévoré par le fisc et la procédure, par M. J. BRAME, député.

Parmi les abus les plus ruineux et les moins justifiés de la procédure et des contributions indirectes, on s'accorde à signaler en première ligne le timbre et l'enregistrement. En vain on essayera des réformes partielles sur tels ou tels points de nos codes de procédure; en vain on modifiera et on simplifiera même les formalités à remplir en matière de licitation, par exemple: tant qu'on laissera subsister l'impôt du timbre dans son extension actuelle, tant qu'on fera payer un prix fabuleux la formalité de l'en

registrement, tout allégement sera incomplet, les charges resteront à peu près les mêmes.

Voilà deux impôts, en effet, qui reviennent à chaque instant dans les affaires grandes ou petites. On ne peut faire un pas vers la justice sans les rencontrer; ce sont deux buissons aux nombreuses épines, qui bordent sans interruption l'étroit et long chemin des plaideurs, et auxquels, à chaque mouvement, ceux-ci laissent un peu de leur laine. L'usage du papier timbré a pris aujourd'hui une extension que nous ne craignons pas d'appeler ruineuse, et les officiers ministériels se montrent peu scrupuleux dans l'effroyable gaspillage qu'ils en font. Certains actes de procédure, qu'à cause de leur complète inutilité on devrait abréger le plus possible, tels que les requêtes grossoyées, sont ceux précisément auxquels on donne les plus fantastiques développements, grâce aux pages de romans ou autres littératures qu'on y intercale avec plus ou moins d'à-propos. Au lieu de quelques feuilles de timbre qui pourraient limiter la dépense à quatre ou cinq francs et exceptionnellement à dix, on entasse les cahiers et l'on ménage au fisc des recettes de cinquante, soixante ou cent francs, et ainsi du reste.

Une autre question, celle des droits de mutation, est plus grave encore; elle touche à des principes fort délicats, par exemple celui de la transmis sion de la propriété. Les héritiers légitimes ont-ils sur les biens de leur auteur un droit de copropriété résultant du droit naturel? Malgré d'illustres dissidents, on l'admet généralement. Mais alors, à quel titre l'Etat vient-il réclamer des droits de mutation? A quel titre exerce-t-il un prélèvement sur la transmission des biens du père entre les mains du fils? La propriété est-elle donc une fiction? Ou n'est-elle qu'un bénéfice viager, et s'éteint-elle avec celui sur la tête duquel elle réside?

M. Brame insiste peu sur les principes; il cite surtout des faits, dont quelques-uns sont saisissants. Il montre les héritages dévorés en partie ou en totalité par les droits de mutation et les formalités de procédure. Il attaque avec autant de force que de justice le système de nos lois actuelles en matière de partage judiciaire, et s'appuie sur les autorités les plus respectables pour en démontrer la fausseté et l'abus. Il demande l'extension des pouvoirs des conseils de famille, auxquels doit appartenir le droit de juger les difficultés qui s'élèvent entre les copartageants; il fait, en un mot, la guerre à ce monstre dévorant qu'on appelle le fisc, qui ruine les particuliers sans enrichir l'Etat. Il faut savoir gré à M. J. Brame, un bon esprit et un homme indépendant, d'avoir osé combattre corps à corps ce terrible ennemi des familles et de lui avoir porté des coups si rudes. Espérons que la bête en mourra. J. EVBARD.

ALPHONSE DE CALONNE.

Paris. Imprimerie de Dubuisson et Ce, rue Coq-Héron, 5.

LE LUXE A ROME

SOUS LA RÉPUBLIQUE

LE LUXE A ROME A LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE

TROISIÈME ET DERNIÈRE PARTIE'

I

Des moyens de fortune à la même

Des causes morales du développement du luxe à la fin de la république. Preuves de ce développement la vie de faste et de plaisir. époque.

Nous avons indiqué les causes économiques du luxe excessif à Rome, nous avons cherché le secret de son développement dans la constitution oligarchique de l'Etat. Marquons aussi les causes morales et religieuses qui aidèrent au développement de ce qu'il y eut dans ce luxe d'exorbitant et de corrompu.

On a souvent expliqué, par le paganisme et par les exemples des dieux de l'Olympe, la corruption grecque et romaine. Explication peu satisfaisante, car à Rome comme en Grèce les plus pures vertus Voir les livraisons des 31 octobre 1867 et 15 janvier 1808.

[blocks in formation]

ont fleuri sous le règne du paganisme et en partie sous son influence. Il y a dans le paganisme un fond moral commun à toutes les religions. L'idée de la vie future, heureuse ou malheureuse, selon qu'on a bien ou mal vécu, y est fortement empreinte tant dans les croyances populaires que dans les écrits des poètes. Prenez le livre où Virgile dépeint les supplices de l'enfer peu de crimes y sont omis. Voilà le vrai paganisme avec ses idées de moralité et de justice vengeresse. C'est avec l'interprétation evhémérique que le côté élevé, moral, mystérieux du paganisme semble à peu près disparaître. Le ridicule l'a touché à mort du jour où tout s'y réduit à de froides légendes sans portée et sans grandeur. Selon Evhémère, dont les idées très accessibles au vulgaire devaient faire une rapide fortune à Rome, Vénus n'est plus l'amour, la personnification de ce sentiment immense qui anime les être créés, c'est une entremetteuse de profession qui a passé à l'état de déesse. D'autres interprétations du même genre ne manquent pas. Cadmus n'est plus le héros mythique qui suit par tout le monde les traces de sa sœur et sème dans les champs de Thèbes les dents du dragon, c'est un cuisinier du roi de Sidon qui se sauve avec une joueuse de flûte. Toute haute inspiration de morale religieuse devait disparaître avec ces puériles et honteuses interprétations, qui ne sont plus seulement de l'anthropomorphisme, mais de l'anthropomorphisme dégradé. Les poètes contribuèrent aussi à cette œuvre de démolition religieuse, qui allait livrer les âmes aux instincts du matérialisme. Lucilius représente les douze grands dieux en conseil, se riant des gens qui leur donnent le titre de pères. On y voit Neptune s'embarrasser dans un raisonnement, et, n'en pouvant sortir, s'écrier que Carnéade lui-même, ce sophiste si délié, ne s'en tirerait pas. Nul rôle moins édifiant que celui que joue Jupiter dans Amphitryon.

Les religions orientales eurent plus directement encore une influence corruptrice. Elles avaient commencé de bonne heure à vicier l'air moral. Dès l'an 534 de Rome, le Sénat avait décrété la destruction des temples d'Isis et de Sérapis; et, personne n'osant y porter la main, le consul Æmilius Paulus avait le premier frappé d'une hache les portes du temple. En 614, le préteur Cornélius Hispallus avait chassé de Rome et de l'Italie les astrologues chaldéens et les adorateurs de Jupiter Sabazius. Mais, dans les dangers extrêmes de la seconde guerre punique, le Sénat lui-même avait donné l'exemple d'appeler les dieux étrangers. Il avait fait apporter de Phrygie à Rome la pierre noire sous la forme de laquelle on adorait Cybèle. « A mesure que la guerre se prolongeait, dit Tite-Live, les esprits flottaient selon les succès et les revers. Les religions étrangères envahissaient la cité; on eût dit que les dieux ou les hommes s'é

« ZurückWeiter »