Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

pour le service de campagne des engins dont la charge pèse de 48 à 6050, et avec lesquels on peut tirer facilement six à huit coups par minute. Aussi les armes rayées du calibre de 17mm8 n'ont-elles été transformées que pour l'armement des corps sédentaires et l'utilisation comme réserve du matériel existant. En même temps, cette opération permettait de compléter promptement et à peu de frais notre approvisionnement d'armes à tir rapide, en attendant l'achèvement d'un nombre suffisant de fusils du modèle 1866. A ce point de vue, elle était avantageuse et ne gênait en rien la fabrication nouvelle, puisque toutes les commandes de cette nature étaient données à des entreprises particulières.

La rentrée des armes transformées dans les arsenaux, presque terminée aujourd'hui, mettrait dès à présent notre armée en état de faire face, sans désavantage, aux événements qui pourraient survenir. Grâce à l'ardeur qu'y a mise S. E. le maréchal Niel, et au zèle infatigable de l'artillerie, la France est donc prête en ce qui concerne l'armement. Le seul reproche que l'on puisse adresser à celui qu'elle possède actuellement, c'est d'exiger des munitions d'espèces diverses. Il y a en effet cinq cartouches en service. On peut les diviser en trois groupes :

Les cartouches 1863 et 1859, pour fusils et carabines se chargeant par la bouche; les cartouches 1867, pour fusils et carabines transformés; la cartouche pour fusils modèles 1866. Les munitions, classées dans le même groupe, peuvent se remplacer mutuelle ment au besoin; mais, d'un groupe à l'autre, toute substitution est impossible. Or, dans une armée en campagne, il faudra nécessairement des cartouches 1863 pour l'artillerie et la cavalerie, et des cartouches modèle 1866 ou 1867 pour l'infanterie (en admettant que son armement soit homogène pour une même armée). Cette situation fâcheuse, qui tend malheureusement à s'aggraver avec les perfectionnements incessants apportés aux armes à feu, exige un redoublement d'attention de la part des officiers d'artillerie et un soin scrupuleux dans la formation et l'organisation des corps appelés à faire la guerre, afin de prévenir des confusions dont les conséquences seraient irréparables sur le champ de bataille.

(La 2e partie prochainement.)

J. CREUZE DE LATOUCHE.

LA QUESTION

DE LA

PEINE DE MORT

DEVANT LE SÉNAT

ET

DEVANT LES SOCIÉTÉS MODERNES

Depuis 1854, le Sénat refuse en 1867, pour la cinquième fois, d'examiner s'il n'y aurait pas lieu d'abolir la peine de mort. Il ne voit même qu'une médiocre opportunité à se demander s'il ne conviendrait pas de la restreindre.

En vain, des magistrats, des criminalistes d'une expérience et d'un savoir consommés 1, ouvrent l'avis d'épargner aux femmes et

'Je veux parler surtout de M. Bonneville de Marsangy et de l'article remarquable qu a paru dans cette Revue, en 1864, sous le titre de : L'abolition progressive de la peine de mort.

1

aux mineurs de la peine capitale; en vain, le rapporteur de la dernière commission, M. Goulhot de Saint-Ger main, propose d'appliquer une autre peine à l'infanticide; en vain, plusieurs peuples se montrent de plus en plus disposés à faire disparaître totalement ou à éliminer peu à peu de leurs codes criminels la peine de mort; vainement, enfin, des jurisconsultes et des publicistes éminents, tels que MM. Carrara, Ellero et beaucoup d'autres en Italie; Mittermaier, en Allemagne; MM. Guizot, de Broglie et Lucas, en France, unissent leurs efforts pour effacer des lois des nations civilisées une peine qu'ils estiment ou absolument illégitime, ou trop sévère en certains cas, ou inutile quand elle n'est pas dangereuse, et jamais nécessaire : rien n'y fait; la vénérable assemblée sénatoriale reste fermement attachée à ce qui est.

Il faut croire que la peine capitale n'est pas aussi visiblement injuste, inutile ou même dangereuse que ceux qui la combattent veulent bien le dire, ou qu'elle a au moins en sa faveur des préjugés du plus grand poids, puisque le premier Corps politique d'un pays tel que la France se prononce avec une si inébranlable conviction en faveur du maintien de cette pénalité.

La question est donc pendante encore, et, après tant d'illustres autorités, il nous sera permis de l'examiner à notre tour.

Les adversaires de l'abolition de la peine capitale, s'ils cèdent plus à l'habitude et au sentiment qu'à une conviction raisonnée, doivent néanmoins être frappés de deux choses: de la défaveur qui n'a cessé de peser, depuis le milieu du siècle dernier, sur la peine de mort, du nombre toujours croissant des bons esprits qui partagent ce sentiment, et de la réduction progressive de cette peine dans les lois de tous les peuples civilisés. Ce côté historique de la question n'est cependant pas le point qui m'intéresse le plus, quoiqu'il ait son importance. Je me bornerai donc à renvoyer à cet égard au savant article de M. Bonneville de Marsangy, dont j'ai déjà parlé ; au travail plus savant encore de Mittermaïer sur la Peine de mort, traduit par M. Leven, qui a fait précéder cet ouvrage d'une introduction excellente; et surtout à la publication périodique et toute spéciale de M. Ellero, professeur de droit criminel à Bologne *. Je dois mentionner également l'introduction historique du rapport de M. Goulhot de Saint-Germain 3.

Je m'occuperai peu également de l'historique des opinions des philosophes, des publicistes et des jurisconsultes; je ne m'attacherai qu'à celles qui sont le plus répandues, et qui sont devenues

1 Voir le Moniteur du 19 décembre 1867.

Giornale per l'abolizione della pena di morte. Milan et Bologne, 1861-1865.
Voir e Moniteur du 19 décembre 1867.

pour ainsi dire traditionnelles et courantes. Et comme le récent rapport de M. Goulhot de Saint-Germain est sans doute la pensée de la commission du Sénat, je croirais manquer jusqu'à un certain point au respect obligé envers une si haute assemblée si je n'examinais, pas les raisons qui ont motivé tout récemment sa conclusion négative.

I

Le premier point de vue sous lequel la question a été envisagée au Sénat est le point de vue religieux.

On se demande tout d'abord si c'est bien là une considération dont il faille tenir compte lorsqu'il s'agit de droit, de justice pure, et ce qui arriverait si, faisant des livres saints une autorité en cette matière, on se refusait de les juger eux-mêmes en les soumettant aux lumières de la conscience personnelle et à celles qui résultent du progrès de la civilisation; ou si, prenant cette licence, on les trouvait en désaccord avec l'équité ou les besoins de la justice.

De deux choses l'une ou l'on invoque les livres saints comme une autorité divine, infaillible, qu'on est disposé à suivre ; et alors il faut, surtout dans le catholicisme, se rendre à l'avis des interprètes autorisés de l'Ecriture, de l'Eglise, prendre le droit canon pour guide suprême en matière de législation pénale ou autre, et par conséquent se jeter aveuglément dans les bras de la théocratie, abdiquer entre les mains du clergé ; ou bien au contraire, se décider à n'écouter que la voix de la raison, qui seule proclame la justice dans toute sapureté à qui sait la consulter et l'entendre, et alors il n'y a pas plus lieu de chercher les oracles du droit naturel dans les livres. saints qu'il ne faudrait les attendre de l'Urim et du Thummim du grand-prêtre, s'il y avait encore un grand-prêtre, et si son protectorat avait conservé sa vertu miraculeuse des anciens temps. Et si la préférence ne doit pas être donnée au pape sur le grand-prêtre, si le pape ne doit pas être le législateur universel de la catholicité, à quoi bon parler de l'Evangile, se demander s'il est ou non favorable à la peine de mort?

Ne retrouve-t-on pas ici cette inconséquence gallicane, ce catholicisme qui ne sait l'être qu'à demi, qui a un pied dans le schisme et l'autre dans l'autorité, qui ne veut être ni tout à fait docile ni tout à fait rebelle? Essayons d'éclaircir ce point; il en vaut la peine. Les temps où nous vivons, je veux dire l'esprit nouveau qui semble dé

faillir, l'esprit ancien qui paraît se ranimer, et qui se montre en plus d'un endroit avec l'humeur oppressive et intolérante qui est le fond essentiel de sa nature; tout cela vaut qu'on s'arrête à un fait significatif, et, pour dire toute notre pensée, d'une haute gravité, à moins qu'il ne soit d'une parfaite inconséquence, et par là même d'une irrévérence dont je crois incapables les partisans de cette doctrine.

Ils ne consultent et ne citent donc l'Ancien et le Nouveau Testament que parce qu'ils s'en font une double autorité, une autorité sans doute infaillible, et par conséquent avec la disposition de s'y soumettre, s'ils y trouvent une prescription ou une défense positive, avec la résolution d'y subordonner toute autre espèce d'autorité. S'ils se permettent la plus légère indépendance de jugement en ces matières, pourquoi ne commenceraient-ils point par se demander si le Pentateuque est bien authentique dans toutes ses parties; si l'inspiration en est certaine, complète et pour ainsi dire mot à mot. Si des doutes sérieux peuvent s'élever à cet égard, que devient l'autorité exceptionnelle qu'on lui accorde? Et dans l'hypothèse où la théopneustie serait pleinement admise; qu'en conclure encore, puisque la loi mosaïque est toute théocratique? Que peut-on conclure du droit de vie et de mort que Dieu doit nécessairement avoir sur l'homme, pour ou contre le droit de l'individu sur son semblable, ou celui de la société sur l'un quelconque de ses membres?

Ainsi, point d'induction à tirer de la Bible, qu'elle soit une œuvre humaine ou une œuvre divine, puisque, dans le premier cas, elle n'a pas plus d'autorité qu'aucune autre législation de l'antiquité, et que, dans le second, le législateur a un droit tellement exceptionnel, qu'il n'y a pas du tout de parité à établir entre lui et nos législateurs ordinaires.

Ajoutons qu'on n'a que trop abusé des inductions de cette nature, et que plus d'une atrocité légale en a été la conséquence ici ou là. Tous les fanatismes ont puisé à cet arsenal. On y trouverait sans peine les prétextes aux actes les plus monstrueux, aux impiétés les plus horribles, tels que les sacrifices humains. Quel est, en effet, le juif ou le chrétien qui pourrait logiquement révoquer en doute le droit de Dieu sur la vie d'Isaac, le droit d'en demander le sacrifice à Abraham, le mérite héroïque de ce patriarche dans son obéissance? Eh bien! cette aveugle et complète soumission, mesure extrême de la fidélité et du sacrifice, puisqu'elle surpasse celui du dévouement personnel, est, de sa nature, si propre à frapper d'épouvante une intelligence débile, qu'on a vu plusieurs fois de malheureux insensés renouveler impitoyablement l'épouvantable sacrifice de leurs

enfants.

C'est là, dira-t-on, de l'égarement, du fanatisme et de la folie. A

-

« ZurückWeiter »